Nounours

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Nounours, si j’avais pu choisir comment te perdre, j’aurais aimé t’oublier dans le lit du bois où un soir je t’aurais couché en te recommandant de dormir sagement. Mais ce n’est pas ainsi que tu es sorti de ma vie.

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Nounours, on t’a enlevé à la petite fille blonde que j’étais, ou, plus exactement, on t’a jeté, comme une vieille guenille, salie par trop d’embrassades. Tes accrocs n’étaient que les cicatrices de l’amour  passionné que je te portais.

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Nounours, la passion est mauvaise conseillère et je sais bien, qu’en réalité, c’était pour me punir de t’avoir sauvé des roues d’une voiture qu’on nous a séparés. Ce n’était pas toi que j’aurais dû saisir, non, ce n’était pas toi, mai mon petit frère.

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Nounours, si tu t’es retrouvé dans une décharge, j’imagine que tu  as pris tes jambes à ton cou et que même si tu n’es pas parvenu à me rejoindre tu as certainement rencontré Sylvain et Sylvette…  avec eux tu n’as plus rien eu à craindre.

Tu as appris à déjouer les tours des compères de la forêt, pendant que moi j’essayais de comprendre la vie avec mon coeur d’enfant perdue dans la jungle humaine…  mon petit frère ne s’est souvenu de rien. De cette histoire je garde en mémoire la colère de mon père et une peur grosse comme un grognement d’ours qui monte dans ma poitrine les nuits de cauchemar.

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Erin

16 réflexions sur « Nounours »

  1. Pardon, j’ai dit « trinquer » car j’ai compris qu’il aurait fallu jeter le petit frère plutôt que le nounours – alors qu’en fait c’est le père qui aurait préféré qu’elle prenne son petit frère plutôt que son nounours !… Ah ce matin même on me confiait l’histoire de jeunes filles pubères qui, devant la menace d’un incendie, ne songeaient à sauver que :
    – leur doudou
    – leur chargeur de téléphone portable
    – leur ?? je n’ai pas compris ; pas assez moderne ; il m’a semblé que c’était un produit de maquillage.
    Tu vois l’ensemble !

    • Oh non, c’est moi qui aie trinqué… et longtemps puisqu’il n’y a que depuis quelques années, que j’ai compris, en parlant à ma mère, que le cauchemar que je faisais était lié à cet incident.

      J’étais loin d’être une jeune fille, je n’avais pas quatre ans, mais j’étais si raisonnable qu’on me laissait surveiller mon petit frère sur la pelouse – un lieu d’où ma mère pouvait nous voir de la fenêtre au premier étage d’un château où nous habitions. Seulement ce lieu était aussi l’endroit où se garaient les voitures des papas lorsqu’ils rentraient du travail. Une voiture est arrivée, a manoeuvré en marche arrière, reculant droit sur l’espace où nous étions assis. Je me suis levée, mon nounours dans les bras, et je suis allée vers le conducteur qui a compris dès qu’il m’a vu. Mon petit frère ne marchait pas encore, il était resté assis, s’était penché en avant, il avait la tête sous le pare-choc. Ma mère est arrivée, la femme du conducteur aussi… J’ai réalisé ma grosse bêtise plus tard, quand ma mère a raconté ce qui s’est passé à mon père. Mon père a piqué une énorme colère au volant. J’ai craint un accident, son attitude nous mettait tous en danger et c’était de ma faute !

      • En effet, ce que tu racontes est très bouleversant, et si ton père a piqué une colère je comprends que tu en aies été traumatisée. Qu’on te laisse surveiller ton petit frère est une chose ( à condition que ce ne soit qu’en apparence, la mère restant vigilante), mais que ton père déverse sur toi sa frayeur en t’en faisant responsable, c’est une honte ! Hélas tu étais si petite que seule une thérapie « émotionnelle » peut venir à bout de la blessure ; le raisonnement ne peut être d’aucune utilité. As-tu pu exorciser ce drame ? Bises, Carmen.

        • Je me souvenais bien de l’évènement. Mon conscient m’a toujours dit que je n’étais en rien responsable. Restait le cauchemar que j’ai fait régulièrment jusqu’à un âge avancé (vers 47 ans). Mon seul cauchemar. Toujours le même. Un jour j’en ai parlé à ma mère, pourquoi dans ce rêve de voiture, mon père était-il en colère contre moi, en quoi aurais-je été responsable si on avait eu un accident ? Depuis que ma mère m’a dit qu’effectivement cela s’était passé et que cela faisait suite à l’annonce de ce qui s’était passé dans la journée. J’ai fait le lien et j’ai cessé de faire ce cauchemar. Un psy aurait été impuissant. En fait, rencontrer un psy ne m’a jamais aidée… la même chose pour mes fils… seule la parole et l’introspection ont le pouvoir de nous faire comprendre les choses. Ce cauchemar n’était pas fréquent, je pense que c’est pour cela que j’ai vécu avec si longtemps. Le hasard a voulu que je passe chez mes parents alors que je venais de faire ce cauchemar… sinon je crois bien que je le ferais encore.

          La photo que j’ai partagée m’a donnée l’envie d’écrire sur un nounours et les mots sont venus, pour vous, mais ils sont déchargés de leur pesant d’angoisse (du moins je l’espère)

    • Merci Marion d’être venue ici, ainsi que sur l’annuaire pour les nuls.
      Heureuse si mon écriture parvient à raviver les souvenirs des lecteurs… et si elle peut apporter un peu de joie (même si parfois je plonge en eau profonde pour recueillir l’inspiration)

  2. Il me serait difficile de critiquer les parents, car nous-mêmes reproduisons tellement leurs comportements ou sommes si malhabiles avec les enfants… à tout âge … dont nous ne sommes pas fiers ensuite, à l’âge des petits enfants ! Surtout avec l’avancée des découvertes psychologiques sur les mécanismes de traumatismes subis à l’enfance qui se répercutent dans la vie adulte, parfois dramatiquement ! Ainsi les gifles et fessées, reconnues fort dangereuses actuellement alors qu’elles étaient un élément d’éducation au temps de nos parents….
    Mais comment une fillette de 4 ans pouvait elle porter son petit frère qui ne marchait pas encore ! Ce n’est pas le même poids que celui du nounours…. qu’on traîne partout instinctivement à ces âges là !
    Je suis profondément heureuse de te voir soulagée de ce poids là et de ce cauchemar…. tu as bien fait de l’écrire, d’autant que tes mots sont très beaux !
    Merci de ce partage… qui a remué bien des choses en moi, et gros bisous

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