Paul et Fanny 7

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Un mandala pour Fanny 

 

« Ça m’apprendra ! » songea Fanny en débarrassant la table que les touristes venaient de quitter. « On ne
parle pas aux étrangers comme aux gens du village. Je me suis montrée bien familière, et d’après son attitude je ne serais pas étonnée de voir revenir ce jeune homme au bar. C’est sans doute
super pour le patron, mais en ce qui me concerne  ça ne laisse rien augurer de bon ! Que de l’embarras, car je ne vais certainement pas m’embarquer dans une histoire de cœur à la
suite d’un simple échange de regards. Maurice a raison, je dois garder la tête froide ! »

 

Fanny pour se distraire de ses pensées se laissa absorber par la  série qui passait
sur l’écran de la TV. Son cœur était à prendre, mais tous ces signaux qu’il envoyait à son corps défendant perturbaient la jeune fille qui était d’un naturel discret. C’était avant tout pour
elle-même qu’elle prenait soin de son apparence, dans les moindres détails, pour elle, qu’elle vivait l’épanouissement féminin  de sa jeunesse,
qu’elle exhalait la  joie innocente de se sentir bien dans sa peau. Elle était coquette, d’accord, quoi de plus normal. Elle était coquette, point
barre, coquette  mais jamais provocante. Elle ne tenait pas à se justifier, mais elle n’assumait pas franchement sa féminité. Cette beauté qu’elle
avait façonnée patiemment  jusqu’aux ongles de ses doigts de pieds, elle s’ingéniait, paradoxalement,  à
la camoufler ensuite. Cela lui demandait une  attention toute particulière de dissimuler ses charmes sous des vêtements qui masquaient sa silhouette
aussi bien que l’aurait fait une burqa ! Mais tous ces efforts étaient inutiles, plus elle s’effaçait, plus elle attirait les regards. … Elle regarda, pensive, la table restée vide dans un
coin de la salle, celle où Paul avait installé son salon de lecture, un espace de calme, à l’opposé du coin enfumé et  des joueurs de
trut

 

Elle revoyait les expressions de Paul, visiblement perturbé par l’incident de ce matin. Sa sollicitude à son égard  avait troublé Fanny. Elle  avait découvert aujourd’hui un Paul qu’elle ne soupçonnait pas, un Paul transformé par
la perspective de travailler. Le jeune-homme nouveau, l’authentique, comme osait l’espérer Fanny,  avait enfin émergé de sa longue rêverie, et la
timidité qu’il affichait habituellement  avait du jour au lendemain fait place à une tendre prévenance. « Ce doit-être un poète ! »
songea-t-elle en souriant intérieurement. Que lisait-il déjà dernièrement ? Fanny tenta de se souvenir de la couverture du livre qu’il tenait entre les mains. C’était un thriller sans doute
historique car les personnages de la première de couverture étaient en habits du XVIIIème… non le titre lui échappait,  mais elle se souvint du nom de
l’auteur ; Liss…

Elle demandera ce livre au libraire. Quand elle l’aura lu, elle aura un bon sujet de conversation et elle pourra aborder Paul sur
un terrain où ils pourront se comprendre.

 

 

Paul avait eu bien du mal à quitter le bar ce matin  Ses pensées le retenaient,
il avait l’impression d’abandonner la belle face à un danger qu’il ne parvenait  pas à définir.

 

 

Fanny, son trésor qu’il protégeait depuis qu’il l’avait découverte. Une protection discrète alors qu’il  donnait l’impression d’être  absorbé par ses lectures. Une protection ridicule quand, pour se donner une
contenance, il s’était laissé aller à consommer des petits blancs en trop grande quantité !

 

Fanny, non,  il ne la laissait pas derrière lui, il l’emmenait avec lui sur la route.
Elle était même plus exactement toujours devant lui. N’est-ce pas pour elle qu’il avait accepté ce travail, qu’il avait pris la décision de cesser de se  comporter comme un adolescent. Pour elle, il allait tourner une page de sa vie !

 

Il remarqua dans la journée les regards du paysagiste. Visiblement son patron croyait que le jeune homme tentait de l’épater par
une belle démonstration d’énergie et par la qualité de son travail. « Mais non, chef, pensa Paul, ce n’est pas pour tes beaux yeux que je m’active ainsi. J’en connais de bien plus beaux,
aussi verts que des émeraudes ! »

 

« Ah, Fanny, pensa-t-il tout haut, le nez dans ses plantations,  tu ne le sais
pas encore  mais je bâtis notre histoire en combinant  les variétés de plantes ! N’est-ce pas une
belle gamme de couleurs ? »

 

C’est ainsi que tout en raclant, binant, et sans voir le temps passer, il conjura le sort contraire et les apparences trompeuses.
Les parterres qu’il réalisait n’étaient pas simple jardinage, on pouvait admirer après son passage des  mandalas fleuris où il avait tissé  deux  destinées, la sienne à celle de Fanny. Les racines étaient  bien
enfoncées dans la terre pour que s’épanouisse enfin son rêve coloré.

Paul avait laissé en
veilleuse son intérêt pour la vie et ses contraintes, mais ça, c’était avant Fanny, quand il ne savait pas pourquoi, pour qui il vivait. Rien ne justifiait à ses yeux le fait de  trimer pour un patron. Après son bac pro, il avait bien essayé de travailler, mais il n’avait rien en commun avec les autres employés qui ne pensaient que boire
un coup à la pause alors que lui préférait s’isoler pour lire. De plus, son patron se méfiait de ses initiatives, il devait se contenter d’exécuter les ordres, alors que dans l’esprit de Paul
germaient de multiples idées, il n’espérait  que le moment de pouvoir faire preuve de créativité dans ce métier qu’il avait choisi, mais ce
moment  ne venait jamais… il n’avait pas supporté longtemps cette ambiance d’éteignoir et il était parti un jour, de lui-même, sans attendre
l’humiliation d’un licenciement… il était parti, bien décidé à profiter de ses vingt ans. Après tout n’allait-il pas avoir toute une vie pour travailler ?

 

 

 

(à suivre)

6 réflexions sur « Paul et Fanny 7 »

  1. Je crois que t’as oublié « ans » après vingt! 🙂
    La suite s’enchaine, le développement de leur sentiment est clair, et on s’imagine l’éclosion comme un feu d’artifice! J’adore l’idée du mandala de fleur!
    Bonne nuit m’dame Carmen

  2. Bonsoir Carmen

    J’ai cru tout d’abord que j’avais raté un épisode, mais je e demande si à te relire, il ne manquerait pas un paragraphe entre le 6 et le 7. Je n’arrive pas à comprendre l’enchaînement.

    cela donne l’impression qu’il s’est passé quelque chose entre ce qu’a dit Maurice à Fanny et le

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