
Au coeur de l’instant

Il se berce en mon coeur
un semblant de bonheur
que seul l’amour stabilise
quand l’étreinte devient triste
*
Lorsque tout devient gris, j’imagine l’impact magnifique d’une fleur de tournesol se détachant dans un ciel d’été. Le monde est bleu, pareil aux yeux de l’enfance qui lavent les plaies de la Terre. Le monde est rond comme tout ce qui ne retient de la vie que ce qui roule…
*
Toutes ces conditions misérables
n’empêchent pas l’explosion de la vie…
Elle s’est pourtant aventurée ici,
se perchant au plus haut du sanctuaire,
puis elle s’est envolée ailleurs
– déchiré, le voile de nos utopies !
On savoure l’euphonie de quelques instants
quand tout s’imbrique harmonieusement
et puis, surviennent la cacophonie, les tourments,
tant intérieurs qu’extérieurs… la moindre vibration
nous arrache des cris de supplicié.
Est-ce la vie qui nous trahit
ou est-ce nous, qui ne nous aimons pas ?
Pas assez pour croire au pouvoir
de jaillissement de la joie, qui un temps,
ne nous est plus perceptible.
C’est la vie qui nous transperce
laissons le champ libre, à l’envie,
à partir des pentes de notre solitude
qui invente ses sentiers d’existence
et croise des solitudes parallèles
dans une réel aux géométries
fantasmagoriques
en recomposition
permanente.
*
On peut saisir, par temps de solitude, le reflet d’un ange dans une flaque de pétrole… Malgré le noir venu mazouter les oeuvres blanches que le temps dégrade, surgit, quelquefois, un liseré chahuté par une vague improbable. Il vient déposer son offrande de lumière aux pieds du vagabond de l’âme.
*
Le désir est noble qui fait descendre les étoiles sur Terre.
Le désir s’égare lorsqu’il substitue des montagnes d’acquis à la plénitude.
Seul l’Amour transforme le vide intérieur en jardin d’Eden
pour peu qu’on lui accorde droit de passage, sans qu’on le retienne,
et il coulera, irriguant l’enclave du cœur, jusqu’au chant, libre.
Le diapason du corps laisse percevoir une vibration
à l’angle aigu de la douleur qui se laisse En tendre.
.
Carmen P.
Peinture, Emil Nolde
L’instant est à l’émerveillement
pour peu qu’on s’y arrête
Ne laissons pas le charme s’épuiser
entre nos doigts tentons de saisir
– comme l’enfant joue d’un filet d’eau –
le fluant…
Laissons la caresse du moment
feindre la paresse
et le feu ludique du sentiment d’être
déposer du rose sur nos joues
parfaites
.
Le bonheur jamais ne dure
le malheur pas davantage
quand passe la tristesse
nous remplissons notre coupe
pour y noyer notre amertume
dans la boue de sa céramique
poreuse
parfois nous prêtons l’émail
d’une porcelaine fine
à la pureté d’une eau vive
la lumière (alors) paillette notre coupe
jusqu’à la glaçure
.
La légèreté est une broderie
qui transfigure le jour
elle est illusion
regardons du même œil
l’eau claire et l’opaque de la vie
qui coule…
Gardons la voix cristalline
pour chanter la joie
quelle que soit l’instant symphonique
qu’il nous plaise ou non
D’un filet comme l’enfant
laissons nos sourires d’eau
émoustiller nos papilles
.
Erin (Carmen P.)
.
Carmen P.
(illustration : Gabriel Moreno)
Nuit romantique
deux arbres tricentenaires
veillent sur nos songes
Un lièvre — hautes pattes et grandes oreilles — prend le chemin…
son univers a du charme, il l’égaie par nature : il détale.
L’homme court plusieurs lièvres à la fois et en perd, souvent, le sentiment de la joie.
Une halte au Château du Pin nous délie des préoccupations qui ne sont pas essentielles.
Erin (Carmen P.)