La fuite
Par quel mystère le roi fut-il averti dans son sommeil ? Personne ne saurait le dire.
Toujours est- il qu’il se précipita, en tenue de nuit, vers la salle de la fontaine d’argent, il sauta sur son âne et engagea la poursuite. Le bourricot fusait à une telle vitesse qu’il ne tarda pas à rattraper les fuyards.
— Jette l’étrille, vite ! dit le cheval à son cavalier.
Dés que l’étrille atteignit le sol, une forêt d’épineux se mit à croître instantanément. Son volume impressionnant stoppa net l’avancée de l’âne qui, malgré les coups d’éperon que lui donnait le vieil homme, préféra ne pas déchirer sa robe. Il entreprit de contourner l’obstacle puis il redoubla d’ardeur de sorte qu’il arriva rapidement à la hauteur des deux amis.
— La paille, jette-la maintenant ! ordonna le cheval
Les brins de pailles dans leur chute étincelaient sous le soleil matinal et leurs aiguilles d’or, en arrivant au sol se transformèrent en pieux qui s’enfoncèrent profondément dans la terre et séparèrent l’âne du cheval aussi sûrement que l’auraient fait les barreaux d’une immense porte de prison. Une nouvelle fois le Roi dut contourner l’obstacle pour mieux avaler ensuite la distance qui le séparait du jeune homme. Il arrivait à son niveau, il n’était plus qu’à une longueur de bras du jeune homme qui crut sa tentative de fuite terminée et son rêve de liberté envolé.
— Fouette, fouette l’air avec la cravache !
Avant que la main du vieil homme ne s’empare de son bras, le garçon donna un vif coup de cravache, et un large fleuve vint séparer le fuyard de son poursuivant. Ce monument d’eau s’étirait du levant au couchant et sa profondeur formait comme un tunnel aquatique qui de la terre montait largement au-dessus des nuages. Cet obstacle était infranchissable, incontournable, le roi le comprit aussitôt.
— Arrête-toi mon enfant, ne pars pas sans m’écouter, il y a quelque chose que tu ignores et que tu dois savoir !
Le son parvenait au jeune homme comme porté par l’onde du fleuve. Il ralentit sa monture et tendit l’oreille.
— Regarde ton reflet dans l’eau, mon fils. Tu verras que ta chevelure est devenue d’or et que ton regard d’argent est aussi tranchant, aussi magnétique qu’une lame qui aurait la quintessence de l’esprit des océans. Voile-toi la face et abaisse les paupières si tu ne veux pas t’attirer des ennuis. La vie en bas est sans pitié !
Après avoir prononcé ces paroles, le vieil homme fit demi tour et repartit en direction de la montagne. Il formula mentalement des souhaits de protection pour cet enfant téméraire et rassuré par ses pensées de paix il laissa un sourire expirer sous sa barbe.
Le jeune homme descendit de cheval, s’approcha des eaux miroitantes du fleuve. Enfin, il se vit tel que les eaux des fontaines l’avaient transfiguré. Terrible image ; il était aussi beau et étincelant qu’une statue en métal précieux. Le vieil homme n’avait pas menti, il fallait cacher cette anomalie. Comment ? Le garçon désemparé regarda autour de lui, c’est alors qu’il aperçut au loin un mendiant. Il se dirigea vers lui et, en échange de quelques pièces d’or, l’homme lui céda son vieux manteau rapiécé. Le jeune homme l’enfila par-dessus ses luxueux vêtements, puis il enfonça sur sa tête un bonnet de peau. Ce bonnet était tellement moulant et masquait si bien tous ses cheveux d’or, qu’on aurait pu le croire chauve. Deux précautions valant mieux qu’une, il rabattit en plus la capuche du manteau et la fit descendre jusqu’à l’arête de son nez. De son visage on ne voyait plus que les ailes du nez, la bouche et le menton.
Le voyage fut long ; les chevauchées de jours étaient entrecoupées de nuits à la belle étoile… Après une étape particulièrement épuisante à cause de la faim qui lui tenaillait le ventre – il n’avait prévu aucune solution magique pour palier à la faim qui ne semblait pas être un problème pour son cheval -, une ville fortifiée attira son regard. Elle lui apparut posée sur une vallée d’ocre enluminée par la magie du soleil couchant. Il demanda à son cheval ailé de s’approcher, de survoler discrètement la citadelle. Un parc magnifique où s’étalaient les frondaisons d’arbres plus que centenaires fascina le jeune homme. C’est là qu’il demanda au cheval de le déposer. À l’ombre de la végétation dense de ce parc il serait en sécurité.
Dans ce jardin majestueux se dressait un manoir, le jeune homme reconnut, au dessus de la porte, les armoiries de son père adoptif. Ainsi, il avait une nouvelle fois choisi les terres du vieil homme ! Se pourrait-il qu’habite ici la fille du roi ? Le roi, lui avait longuement parlé d’une fille dont il vantait les qualités de coeur et la beauté.
Le jeune homme, se sentant en sécurité, renvoya son cheval sur ces mots :
— Reprends ta liberté mon ami, va où bon te semble. Je garderai de toi ces quelques poils de ta crinière et, lorsque j’aurai besoin d’une monture je te rappellerai.
Il faisait déjà nuit, le jeune homme se pelotonna sous un buisson et il s’endormit.
Carmen P. (Erin)
À suivre…
Très belle narration
Merci Cardamone.
quel joli conte
Merci flipperine. Je voulais travailler sur la suite aujourd’hui, mais il faisait si beau que j’ai préféré l’appel de la nature !
Une imagination magnifique que la tienne ! on n’écrit plus beaucoup de contes à l’heure actuelle et on n’en lit plus beaucoup non plus, c’est dommage.
Vivement la suite !
Amicalement.
Complètement d’accord avec Clara.
J’ai dévoré cette suite. L’intensité de l’intérêt ne faiblit pas. C’est remarquable . Quelle belle imagination tu as. Je suis sûre que les illustrations de ton fils vont ajouter un plus, s’il en fallait. Comme les livres de contes de l’ancien temps. Un charme que j’appréciais énormément. lorsque je les lisais chez ma grand-mère.
Je file vite découvrir la suite
😉
Il y aura peut-être des passages moins passionnants, mais nécessaires au déroulement du conte.
J’ai toujours aimé les vieux livres de contes, ils permettent de comprendre beaucoup de choses sur la vie et restent d’actualité parce qu’ils s’adressent aussi à notre inconscient. Un conte, c’est comme un rêve plein de symboles qui laisse son empreinte au réveil – cette impression que pendant la nuit notre vie a été « revisitée », comme lavée.
Ah l’imagination te guides et nous te suivons pas à pas…Que de belles idées pour continuer ton conte, tu as une imagination remarquable, j’aime beaucoup les contes et les histoires de tout genre aussi suis-je comblée en te lisant. Je ne regrette pas d’avoir attendu, un peu parce que je ne pouvais pas venir, un peu parce que je l’ai voulu.Rien que le titre m’a de suite intriguée. En tous les cas tu as de la chance qu’un de tes fils soit aussi illustrateurs, cela apporte un plus à l’ouvrage.
Et bien je me demande si il a bien écouté les recommandations de son père, je crains pour lui, mais je sens qu’il est téméraire (comme tu nous le dis en titre) et assez intelligent pour ne pas se fourvoyer je ne sais ou…
Il est dommage que peu te lise, car je pense que beaucoup de personnes passent à côté d’une belle écriture…
Je file vite lire la suite.
Merci de publier chez les Passeurs de mots.