Questionnement

 

Donnadieu Rémy Photographer

.

Il en est des comportements humains comme de la structure de la Terre ; le vulgaire et le fluant en forment l’écorce, ils recouvrent l’essence ciel d’un noyau inaltérable, à toute étoile pareil.

Parfois quelque éruption ou tremblement parvient à déchirer la peau terrestre obstruée par les   manipulations convenues dont nous négligeons les ressorts, dont nous feignons même de ne pas être un contributeur zélé.

Tout ce que l’on voit en surface demeure le grossier, qui inévitablement renvoie le profond, le subtil à l’invisibilité. Si nous ne voulons pas avancer masqués, il faut accepter d’être perçu dans l’insignifiance par notre choix du déni d’apparences – ces apparences qui seules nous révèlent au monde, prompt à juger, à placer chacun dans une case.

Sommes-nous déterminés à vivre  l’approche de l’essence des choses que ce soit dans l’Art, dans la Littérature, dans tous les domaines qui nous structurent fondamentalement ? Sommes-nous prêts à avancer en écartant la fange des idées molles, en contournant les strates vulgaires, en plongeant dans l’immonde ? Sommes-nous prêts à traverser le miroir qui impose une image déformée à notre regard premier, tout en évitant de produire nous-mêmes des actes, des pensées qui troubleraient davantage la vision d’autrui, rajouteraient de l’écorce à la douleur intime, densifieraient l’opacité de l’empreinte  humaine dans ce qu’elle a de plus grégaire ? 

 

Erin (Carmen P.)

Photo : Rémy Donnadieu

Lune bleue bientôt rousse

lune rousse

 .  

Je t’aime des poèmes  

comme autant de je sème  

pareille à l’abeille

que le pollen enivre  

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Entre plume laborieuse  

et rêveuse lascive  

j’avance et je plane  

sur feuille éphémère  

.  

Tous les étés d’hier  

se fondent dans la saison  

si belle aux jours vieillis  

patine ô son velours !  

.  

Le chant flûte et ricoche  

sous l’arche du cœur  

en langue des signes

souffle chamane la vie

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.Carmen P. (Erin)   

 

peinture : Elisabeth Adela Forbes

Sève-heure automnale

Wilson's Views

 

Un parcours à partir d’une photo de Wilson’s views qui a fait naître, chez moi, des mots – cinq vers, qui ont éveillé ensuite le désir, chez un ami, de les mettre en musique.

 

Le poème : 

Sève- heure automnale

Le vent ouvre l’espace
dans le champ du ciel
la branche tend son poing
au messager noir – le froid
éclipse son secret de lumière

Erin (Carmen P.)

La mise en musique :

http://www.le-crayon-du-parolier.com/t11664-seve-heure-automnale

Nounours

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Nounours, si j’avais pu choisir comment te perdre, j’aurais aimé t’oublier dans le lit du bois où un soir je t’aurais couché en te recommandant de dormir sagement. Mais ce n’est pas ainsi que tu es sorti de ma vie.

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Nounours, on t’a enlevé à la petite fille blonde que j’étais, ou, plus exactement, on t’a jeté, comme une vieille guenille, salie par trop d’embrassades. Tes accrocs n’étaient que les cicatrices de l’amour  passionné que je te portais.

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Nounours, la passion est mauvaise conseillère et je sais bien, qu’en réalité, c’était pour me punir de t’avoir sauvé des roues d’une voiture qu’on nous a séparés. Ce n’était pas toi que j’aurais dû saisir, non, ce n’était pas toi, mai mon petit frère.

 .

Nounours, si tu t’es retrouvé dans une décharge, j’imagine que tu  as pris tes jambes à ton cou et que même si tu n’es pas parvenu à me rejoindre tu as certainement rencontré Sylvain et Sylvette…  avec eux tu n’as plus rien eu à craindre.

Tu as appris à déjouer les tours des compères de la forêt, pendant que moi j’essayais de comprendre la vie avec mon coeur d’enfant perdue dans la jungle humaine…  mon petit frère ne s’est souvenu de rien. De cette histoire je garde en mémoire la colère de mon père et une peur grosse comme un grognement d’ours qui monte dans ma poitrine les nuits de cauchemar.

.

Erin

Bras dessus, bras dessous

Cor Willems - Copie

 

Ils s’en vont

négligeant leur apparence

sous les nippes depuis longtemps

leurs deux corps se sont effruités

.

Ils s’en vont

marchant comme ils l’ont toujours fait

côte à côte sur les sentes de traverse

que leur sueur a balisées de fretins bonheurs

.

Ils s’en vont

la mémoire emplie de terre

et le coeur gonflé d’amour

déposer le poids de l’une, libérer les ficelles de l’autre

.

Ils s’en vont

et ne se retourneront pas

la jeunesse prodigue passe de la mort à la vie

la vieillesse déterminée s’abandonne au néant

.

Erin

.

tableau de Cor Willems

Prince téméraire 6

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Le lendemain matin, lorsque le jardinier du Roi vit ses plates-bandes et sa roseraie saccagées, il ne put contenir sa colère et la reporta sur le jeune homme qu’il tenait pour responsable. Rouge d’indignation, il l’accusa d’avoir manqué de vigilance, n’était-il pas aux premières loges pour stopper toute intrusion sur le domaine !

— Est-ce ainsi que tu surveilles le jardin ? Les fleurs sont écrasées comme si un cheval les avait piétinées ! N’as-tu donc rien entendu ?

— Un cavalier est venu, cette nuit, mais je n’ai rien pu faire, il est passé tel l’éclair. 

La princesse qui avait entendu des éclats de voix dans le parc, et qui voulait surtout dévisager l’homme dont elle avait eu le tort d’ignorer l’existence depuis des mois, s’approcha et intervint :

— Pourquoi accuser votre aide-jardinier ?  Je n’imaginais pas que vous puissiez le prendre comme votre souffre-douleur. Si vous avez subi des dommages, avant de vous en prendre au premier venu, venez m’en parler. Voici de l’argent, dit-elle en lui tendant une  bourse, achetez tous les plans dont vous avez besoin pour refaire les plates-bandes et, gardez le reste pour vous, mais je ne veux plus de telles démonstrations de colère sur ce domaine.

Le jardinier retrouva instantanément son calme. La bourse semblait bien pleine, il pourrait réparer les dégâts et il lui resterait de quoi agrémenter le quotidien de sa famille. Finalement, cette histoire, à premier abord contrariante, s’avérait bénéfique.

Quelques jours plus tard, alors que la lune suspendait  son croissant au pignon de la plus haute tour du palais, la princesse se rendit à la cabane. Pour elle Jovan oublia les conseils de prudence du roi et ôta ses vêtements de misère. Ils parlèrent longuement, mais leurs confidences, seule l’essence du cèdre en garde le souvenir. Il n’y avait plus de jeune paysan, plus de princesse, ils se montrèrent l’un à l’autre tels qu’ils étaient vraiment, deux êtres jeunes, amoureux de la vie, amoureux l’un de l’autre, et qui espéraient construire un monde à l’image de leurs idéaux.

Au moment de partir, avant que l’aurore ne commence à dissiper la nuit, la princesse confia  au jeune homme un anneau d’or : 

— Cette bague, dit-elle,  je te la laisse en gage de mon amour. Je n’épouserai personne d’autre que toi. Fais-moi confiance, ce sera peut-être long, mais nous pourrons, un jour, vivre ensemble aux yeux de tous ! 

La princesse savait son père très aimant, il lui faudrait faire preuve de persuasion pour qu’il accepte de se séparer d’elle. Elle prévoyait de nombreuses lunes de patience  avant de voir tomber toutes les résistances du vieil homme face à l’inconnu… Cet inconnu qui avait pris l’apparence de Jovan et dont le Roi douterait des qualités. Il en douterait jusqu’à ce qu’il soit convaincu de la sincérité et des valeurs morales de celui qui prétendrait vouloir épouser son enfant devenue femme… Li- Anne ne doutait pas, elle avait lu dans le cœur du jeune homme, alors elle était fermement décidée à se servir de toutes ses armes de fille adorée pour  persuader son père.

Son père avait quitté son ermitage royal et séjournait justement dans la vallée. Chaque jour il dut affronter les demandes incessantes de sa fille.

À trop aimer son enfant on la rend capricieuse. Elle veut  jouer au jeu des prétendants au mariage. Pauvre chérie elle ignore que souvent le mariage ne tient pas ses promesses, que ce n’est pas un jeu !  

La jeune fille cajola son père, elle le supplia, elle se mit en colère, elle bouda, elle pleura… le Roi ne put résister longtemps, il capitula au bout de quelques semaines et  donna l’ordre de faire fondre une orange d’or puis il invita, comme il était de coutume dans le royaume, tous les jeunes gens de riches familles à défiler devant sa fille.

Une estrade avait été montée dans la cour, la princesse y était assise sur un trône, l’orange posée sur un guéridon devant elle. Avec une attention feinte elle considérait les prétendants qui se succédaient. Le roi caché derrière une tenture, s’attendit, plusieurs fois, à ce que sa fille propose l’orange à certains jeunes gens qu’il trouvait  particulièrement beaux et élégants ; c’était le geste attendu, le geste par lequel la princesse révèlerait son choix. 

L’orange ne bougea pas de la table. On fit défiler les ouvriers, l’orange ne bougea pas. On fit défiler les paysans, l’orange ne bougea pas. Personne ne convenait à la Princesse et le Roi commençait à retrouver le sourire. On annonça alors  au roi que ne restait plus, dans le royaume, qu’un pauvre étranger qui n’avait pas de nom. 

— Qu’il passe dit le roi, désormais certain que la menace du mariage était écartée. Il imaginait déjà la Princesse revenant  à son bras au château.

Son soulagement fut de courte durée, le roi blêmit lorsqu’il vit que la princesse venait de tendre l’orange à un jeune homme habillé comme un paysan et portant sur sa tête une cagoule douteuse d’où ne dépassait aucun cheveu. Tout en lui était le contraire de ce qu’il espérait pour sa fille. Le port de ce jeune homme n’avait aucune élégance, il baissait les yeux vers le sol. Tout dans son attitude évoquait la fourberie ou les mauvaises manières.

C’en était trop, autant pour la foule que pour le Roi.

Une exclamation s’éleva des rangs des courtisans :

— C’est une erreur, l’orange a échappé des mains de la Princesse, il faut recommencer le défilé !

On recommença le défilé.  Tous les candidats se présentèrent à nouveau, une fois, deux fois, trois fois… et toujours la Princesse désignait le plus miséreux. Le doute n’était plus possible.

Le roi se sentait humilié devant la Terre entière, il était aussi très malheureux alors, pour la première fois depuis la naissance de sa fille, il se mit en colère :

— Tu me déshonores ! Vas au Diable !  Disparais de ma vue ! Pars avec ce misérable et ne reviens plus !

Sans dire un mot, la Princesse descendit de l’estrade, prit la main de l’homme qu’elle avait choisi et avec lui partit… en direction de la cabane du Parc.

 

à suivre…

 

Erin (Carmen P.)

 

 

Prince téméraire 3

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Heureux d’avoir entre les mains le remède à la cécité du roi et ignorant avoir débarrassé la montagne de ses créatures maléfiques, le jeune homme reprit allégrement le chemin du château.  Les brebis qui le précédaient n’avançaient guère vite, de sorte que, porté par son élan, il se retrouva plusieurs fois au milieu du troupeau… l’envie lui prit alors de sauter.  Si quelqu’un avait observé la scène, à ce moment là, il aurait vu  un espèce de pantin dansant et sautant parmi les moutons.  Jovan se savait seul dans la montagne, seul et libre  de donner libre cours à sa joie sans craindre les regards, toujours prompts à se moquer.

Dès que le troupeau fut à l’abri dans la bergerie le garçon se précipita dans les appartements de son protecteur. Il lui tendit un fruit et lui demanda de le manger sans poser de question. Comme par miracle, au fur et à mesure que le roi savourait les quartiers d’orange, la vue de son œil gauche devenait plus nette.

— Maintenant, dit le garçon, je peux vous donner la deuxième orange et votre œil droit guérira lui aussi, mais, en échange, entendez ma requête, donnez- moi les deux clés qui sont encore accrochées à votre ceinture !

Tout à l’impatience de recouvrer une vision parfaite, le roi n’hésita pas un instant. Lorsqu’il lui tendit les clefs, Jovan crut remarquer que le vieil homme souriait. 

Ne dirait-on pas qu’il  me lance un clin d’œil malicieux ?

La curiosité du jeune homme allait enfin être satisfaite !

Les portes s’ouvrirent non pas sur des trésors mais sur les salles des fontaines… des fontaines d’eaux vives protégées comme des merveilles par des animaux féériques. Dans la première salle un cheval ailé se reposait auprès d’une source dont l’eau brillait comme de l’or. Le jeune homme s’en approcha, il se pencha, ses cheveux entrèrent en contact avec le flot et ils se couvrirent de reflets d’Or.

Dans la dernière salle, un âne aux ailes déployées semblait prêt à s’envoler  à tout moment. Il était le gardien de la fontaine des eaux d’argent. Cette fois encore, le jeune homme se sentit irrésistiblement attiré par l’onde précieuse, il la recueillit dans le creux de ses mains. L’eau était fraîche il s’en aspergea le visage. Deux gouttes perlèrent et dans ses yeux vinrent se noyer. Il cilla sous la sensation d’un picotement. Son regard, tout à coup, s’illumina d’un éclat lunaire qui vint renforcer la détermination naturelle de ses yeux gris-bleu.  Ces transformations, Jovan ne les remarqua pas lui-même mais elles ne passèrent pas inaperçues auprès du roi. Elles étaient le signe d’un baptême spécial que le vieil homme avait permis, un don que le jeune homme portait avec beaucoup d’innocence mais qui ne manquerait pas d’attirer la convoitise.   

À l’abri des murs du château de la montagne, sous l’attention toute paternelle du roi et celle pleine de prévenance et d’amitié de son valet,  la vie s’écoulait sereine et le garçon vécut des jours heureux. Il sut se rendre  utile, le travail ne manquait pas.  Parfois il prenait sa houlette et partait accompagner le troupeau.  Avec les bêtes il s’enivrait de l’air des alpages. Le roi était un grand érudit et il aimait  instruire son fils lors des longues soirées au château. Ainsi s’écoula un temps où Jovan accumula des connaissances. Il apprit facilement, car sa mémoire était prodigieuse, et le roi commença à redouter le jour où il n’aurait plus rien à  transmettre à son protégé. L’accablement marquerait cette date, mais le roi était sage il savait que la jeunesse ne peut se satisfaire de vivre au rythme d’un vieil ermite. La vie de Jovan devait s’accomplir, il lui dirait avant de prendre garde à son apparence, combien le monde est cruel et sème le trouble dans les esprits… mais cela pourrait bien attendre encore quelques jours !

En effet, plus vite que l’angoisse du roi ne le laissait présager, cette vie privilégiée commença à devenir pesante pour le jeune homme. Il aurait aimé  rencontrer d’autres personnes, découvrir la ville, pourquoi pas. L’animation qui y règne doit être passionnante comparée à l’ennui des jours cousus de petits bonheurs comme il le connaissait dans cette montagne, sans jamais l’avoir laissé paraître aux yeux de quiconque ! 

Un matin dès le lever du soleil, le berger se rendit près de la fontaine d’or où l’attendait le cheval qui était devenu son confident. Quand il lui fit part de son intention de quitter le château le cheval se cabra de joie et lui fit entendre d’ un hennissement.

— J’attendais ce moment depuis ton arrivée au château. J’en ai assez d’être une gargouille de fontaine, de brimer mon élan, de faire comme si j’ignorais avoir des ailes ! Mais je dois te dire que le Roi ne nous laissera pas partir facilement, il enfourchera l’âne et cet animal est plus rapide que moi…

— Que faut-il faire alors pour réussir à nous enfuir ?

— Ignores-tu que dans les contes, des objets magiques nous tirent de toutes les épreuves !

— Des objets magiques ? Je n’en connais pas !

— Eh bien, prenons au hasard,  une étrille, une poignée de paille et une cravache… ça fera l’affaire !

Le jeune homme ne se posa pas plus de questions, le cheval semblait s’y connaître en matière de protection magique,  il lui laisserait volontiers  ce domaine tandis que lui ne se fierait qu’à son intuition. Bien des aventures lui avaient appris à composer  avec les  caprices du destin ; en cas d’ennui il suffit de ne pas se laisser impressionner, de garder à l’esprit l’image claire de ce qu’on désire et d’aller de l’avant. Il se hâta de réunir les trois objets magiques, le cheval refusant de partir sans ces accessoires, puis il sauta sur le destrier et s’envola.

À suivre…

 

L’enfant de Syracuse (Les nouveaux amis)

sans-titre

(Je n’ai pas oublié mon personnage. Les fêtes de fin d’année et une panne d’ordinateur justifient mon silence. Je vous souhaite des jours heureux en 2015, même si ce début d’année nous a tous profondément bouleversés. Lucas, l’enfant de Syracuse,  part sur une mauvaise pente… c’est son histoire – telle que son auteur l’a imaginée – il entre dans un cauchemar dont il faudra bien que je le sorte !)

L‘enfant de Syracuse suite ( Les mauvais amis)

Il n’avait pas choisi ses amis au hasard mais une chose est certaine ce n’était pas leur réputation de « mauvais garçons » qui l’avait attiré. Ils avaient fait connaissance lors d’une rencontre de Baseball. Les Skychiefs de Syracuse affrontaient les Indians d’Indiapolis, un match de ligue internationale. L’ambiance, comme toujours, était chaleureuse et la passion commune ignorait les barrières sociales. On échangeait facilement quelques mots. On était prompt à rire, à se taper dans le dos. Lucas aimait ainsi sortir de l’isolement dans lequel le tenait son statut d’enfant unique. Il n’était pas indifférent, il aimait aller à la rencontre des autres, se mêler à la foule des supporters, partager le même enthousiasme – une façon de participer au mouvement joyeux qui accompagne les gestes de la vie et qui se retrouve aussi dans les paroles prononcées quand seul compte l’instant présent et les commentaires sur l’ action qu’un joueur venait d’exécuter – d’offrir aux supporters. Se laisser porter par cette ambiance de stade donnait de la couleur à son existence et il s’abandonnait à cette euphorie. Un abandon de son individualité. Une ouverture aux autres. Le bonheur d’une soirée où manger un hamburger sur le pouce et boire un Honest Tea n’engageait à rien d’autre que savourer un instant de camaraderie sans conséquence.

C’est ainsi qu’il avait rencontré ses nouveaux amis. Rien de prémédité. Rien de malsain. Rien, absolument rien,  lors de ce match, ne permettait de suppose que ces deux amis étaient membres d’une organisation de jeunes qui s’ingéniait à prendre des risques et faire des pieds de nez à la société. Jamais il n’aurait pensé que pour garder ses deux amis il lui faudrait intégrer cette bande. Faire ses preuves, comme on dit. Il le comprit quand on le présenta aux autres dans un local désaffecté du côté de Lakefront où ils l’avaient conduit. Une vague de surprise traversa alors son esprit, mais il se considérait déjà engagé alors il choisit, sans manifester le moindre signe d’hésitation, de se glisser dans ce banc de drôles de poissons – après tout, il n’avait pas à se montrer frileux, on n’était pas en hiver, il ne risquait pas de geler, il s’agissait juste d’apprendre à nager autrement qu’en solitaire et dans une eau plus trouble que d’ordinaire !

Le tout était de ne pas se laisser prendre. L’aventure méritait d’être tentée,  l’idée d’endosser une deuxième personnalité,  comme le docteur Jekylle avec son M.Hyde, exerçait sur son imagination un attraction hypnotique qui balayait toute prudence. Avait-il l’étoffe d’un voyou ? Rien n’était moins sûr. Il le saurait par la pratique.   L’enfant sage de la famille Felding allait devenir un adolescent rebelle. Quelle transformation et quelle perspective de lendemains attrayants !

Sa mise à l’épreuve consistait à voler le sac d’une passante et à le remettre à son ami Ron qui l’attendrait derrière chez lui. Liberté lui était accordée de choisir sa cible, son heure. Personne ne devait savoir comment il allait procéder, seul comptait le fait qu’il revienne avec son trophée avant 8:30 pm – Ron ne devait pas se faire remarquer à poireauter trop longtemps – si les parents de Lucas  étaient absents de la maison, les voisins, par contre, risquaient de s’inquiéter de cette présence inhabituelle.

Couché sur son  lit, la veille du jour fatidique, Lucas échafaudait des plans. Les choses se révélaient beaucoup plus compliquées qu’il n’y paraissait à première vue même si la valeur de son vol était moins importante que le fait de subtiliser l’objet à une inconnue.

Le lieu… il lui faudrait choisir un quartier où il ne risquait pas d’être reconnu. Et comment procéder pour la suite ? Il devait  visualiser toutes les étapes avec une clarté qui seule allait permettre aux évènements de se dérouler à la perfection. Le film mental une fois réalisé, il lui faudrait le passer plusieurs fois sur l’écran de son esprit, sans rien en modifier, afin que la réalité du lendemain colle à   son projet.

Lucas s’endormit tard cette nuit là et dans ses rêves un sac gris argenté s’élevait dans les airs comme une grande voile inatteignable…

(à suivre)

Univers onirique

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L’œuvre de Dariusz Milinski est pétrie de poésie. Son univers onirique émerge de scènes de la vie rurale. Une lecture attentive des tableaux est une véritable invitation au rêve, à moins qu’à l’inverse elle nous renvoie à nos songes. C’est ce qui s’est passé pour moi avec ce tableau représentant un homme qui, par sa seule force physique, parvient à déplacer sa maison. Le labeur humain se charge ici d’une fascination spirituelle.
Dure entreprise à hauteur humaine, alors qu’en… rêve notre inconscient rend la chose si facile !
Ce tableau a donc réveillé ma mémoire onirique.

Voici le rêve qui s’est déroulé sur l’écran noir de mon esprit endormi, il ya une quinzaine de nuits.
J’étais retournée dans un logement de fonction. Au rez-de-chaussée il y avait mon bureau. Dans le rêve, il se trouvait « agrandi » par rapport à mes souvenirs ; le mur qui le séparait de la pièce voisine avait été abattu, ce qui offrait un vaste espace où je pouvais expérimenter avec une classe une nouvelle méthode pédagogique. Je vous résume la séquence : après relaxation, les enfants évoluaient en prenant bien conscience de la place qu’ils occupaient et en tenant compte de la présence des autres, sans en être perturbés. Quand ils parvenaient à être présents à eux-mêmes et à la trajectoire ainsi qu’aux mouvements qu’ils exécutaient, ils s’approchaient du tableau et s’exprimaient. Des bulles sortaient de leur bouche et venaient s’imprimer sur le tableau. Tout se passait merveilleusement bien et les élèves, ensuite, étaient enchantés de pouvoir observer, avec les autres, les graphies et les traces colorées qu’ils avaient laissées.
C’était la rentrée, mes nouveaux collègues étaient arrivés, nous allions préparer la rentrée et penser projet. L’accent serait mis cette année sur le travail corporel et l’appropriation de l’espace. Nous étions en pleine réunion quand une milice a fait irruption dans le hall d’entrée, mes collègues se sont livrés à eux mais je me suis échappée. Je me suis réfugiée à l’étage où se trouvaient les chambres. Dans mon rêve mes enfants et mon mari s’y trouvaient.
On tambourinait à la porte, tous (sauf mes enfants) m’encourageaient à ouvrir mais il était hors de question que je me rende, qu’on fasse irruption dans ce lieu protégé qui était mien. La porte allait céder quand j’ai ressenti un décollage, immédiatement suivi d’un atterrissage.
Tout est redevenu calme. Derrière la porte mes agresseurs semblaient ne plus exister. J’ai entr’ouvert la porte, un parfum de fraîcheur est entré dans le logement ainsi que des chants d’oiseaux. J’ai ouvert la porte en grand et je suis sortie : le premier étage de la maison se trouvait au beau milieu d’un champ fleuri, dans une vallée. J’ai dit à mes enfants de sortir et je suis partie chercher des êtres qui comptent pour moi afin qu’ils viennent vivre dans ce havre de paix.

Court texte :

Laissons-nous porter, si… lent… cieusement, par l’ange courbé sous le poids de notre matérialité. N’opposons aucune résistance, jusqu’à ce le mouvement de s…a marche se calme, alors seulement nous pourrons nous risquer à entr’ouvrir la porte, à laisser entrer un parfum de fraîcheur qu’accompagne le chant des oiseaux. La lumière inonde la maison, dans le moindre de ses recoins. Abandonnée au cœur d’une vallée fleurie, elle attendait notre réveil.

Erin