
Il serait temps que la vie tourne rond
même si en esprit tout est plié
au carré. Il serait temps que roue tourne !
.
Dans cet escalier aux marches irrégulières
où le pas calcule mal l’enjambée
tout est montée et imprévisibilité
.
Au bout de l’effort tourbé d’entraide
ignorée nous accèderons à la lumière
.
Qu’elle soit vivre et terrestre
le ciel n’est pas la rançon de l’épreuve !
.
Se tenir au-dessus des turbulences
sans avoir à les tempérer
serait-il égoïste jouissance ?
***
Elle ne parlait pas mais son regard disait la fièvre. La petite fille, en face d’elle, l’encourageait à s’exprimer. Elle saurait bien grapiller quelque sens car depuis des mois la voix de son aïeule était devenue inaudible et ses propos incohérents.
La parole lui parvint tout à coup, réveillant la mémoire couverte par des années de silence.
« Si je laissais mes épaules s’abaisser, quel serait le risque que je m’écroule ? Redresse-toi, me dit-on, mais un jour l’effacement s’installe jusqu’à l’inévitable, jusqu’à ce que la présence soit gommée aux yeux du monde. C’est douleur de se redresser quand le mal transpire par tous les pores. On l’ignore tant que la souffrance morale n’atteint pas la chair… mais au-delà, quand le corps a absorbé tous les torts, la vindicte s’attaque au souvenir… les morts doivent bien aider les vivants à porter leur part de souffrance… même toi tu me renieras. »
Sur cette malédiction, elle laissa son souffle avoir le dernier mot.
Tout était dit dans la continuité de la douleur.
***
Pour tout horizon
une longue route bleue
aux nuances d’acier
car le bleu turquin
– irrémédiablement –
s’enfonce dans le bleu nuit
.
même l’espoir d’une ouverture
barbeau m’est enlevée
(j’ai froid sans couverture étoilée)
je ne peux atteindre les nuances
aigues marines ou les belles azurées
que par échappées rêveuses
– dans le réel elles sont trop long voyage –
.
de grâce accordez-moi le calme froid
d’un bleu givré __ ses harmonies ouatées
seraient plus douces à porter
elles me protègeraient des billes rondes
– sempiternels reproches –
qui tombent comme boulets de canon
.
entendre ce galop givré !
je suis un champ dévasté
gagné par la tristesse
***
Il est d’immenses chagrins
il en est d’autres qui doucement
font leur lit dans le fleuve amour
Inexorablement ils creusent
sans que le cours ne les y encourage
Ils s’en fichent du courant
ils créent des marmites
provoquent des tourbillons
.
La fougue est en eux
énergie ravageuse
elle affronte des montagnes
lorsque la géographie de la vie
n’offre que doux vallons
.
Mon Dieu, toutes ces lignes d’eau
et combien de dépressions faudra-t-il
avant que les dragons de la jeunesse
cessent de tourmenter les jours
et que depuis les vallées s’entende
la bénédiction de l’eau
tombée dans les bras de la mer
***
Quand je ne serai plus
que mousse sur le muret
ou spore livrée au vent
à la gravité dormante
m’aimeras-tu encore
dis, m’aimeras-tu
sans me repousser
comme substance
indésirable ?
.
nous vivons une période
de grande sécheresse
mon amour
et la fraîcheur
l’enfance de l’âme
ne sait nous en délivrer
.
la tendresse se faufile
lézard, entre les pierres
du souvenir. Pourtant, nous
marchions en confiance
tu me tenais la main
et je te promettais
un beau destin
d’où tu m’as
rejetée
.
l’Amérique, sans doute !
***
Je me fiche de l’Amérique
la vie – avant – était pluie et tendresse
en Bretagne
Je me fiche de la Réussite
les dialogues du silence s(o)uffisent
Ô, de combien de larmes complice !
L’âme sur Terre partout s’acclimate
humidité et moisissures, ici
chaleur et sécheresse, ailleurs
poussière et micro-organismes, ici-bas
De quoi suis-je responsable ?
Ecologie et prophylaxie
montagnes et déserts
tout nous écrase !
L’homme dans sa bêtise
montre du doigt l’autre
– et même père et mère –
L’excès de prudence
ne révèle que la peur
un moteur d’action
de réactions
Paratonnerre ridicule
pour culture aux pieds chaussés
je suis née coiffée d’amour
et je me fiche de l’Amérique
Re(de)vient enfant de Bretagne, mon amour !
***
Il apportait du coeur à chacune de ses tâches. Le soleil brillait entre les ombres de ses phrases, elles hissaient la parole comme branches que la multitude des troncs reliait au grand sol.
Il y avait de l’humus au creux de ses mains et c’était comme si de tous ces débris végétaux renaissait le chant des oiseaux épris de terre.
Des miettes, la vie faisait son pain. Que dis-je, elle faisait son feu. Un feu blanc où tout n’était que crépitement de joie et unité.
Il avait un soleil dans le coeur et il parvenait à communiquer avec les soleils que chaque vie, chaque manifestation, contenait.
Nous demeurons dans le pourtour des choses alors que leur noyau est joyau incandescent. Nous ne nous soumettons qu’à l’épreuve de la résistance. Au-delà de la résistance… une dimension autre.
***
Je contemple la vie
celle qui se meut
avec un R de rien
un R perdu – à l’infini
.
Mon regard perce la mouvance
avant que je ne me lance
mais tout en moi déjà frémit
dans l’anticipation de la houle
.
Mon déploiement
n’est qu’une amplification
de l’ intention
L’instant oscille
avant de basculer
acquis à l’envergure
il s’appuie sur l’air
.
En joue !
*
Carmen Pennarun