Appeau matutinal

La maison garde, de jour comme de nuit,
les volets clos sur sa bouche muette.

Avec peine, un bégaiement édenté
remplace le chant de l’oiseau déprimé.

Cet escalier meurtrier grince sous les pas
du fantôme redevenu maître des lieux.

Du grenier il descend faire sa ronde
et compte les urnes qui s’alignent.

Seules, des envolées de mots imprégnés
de rosée sauraient désaccorder l’édifice
de défiance que les années apposent
redonnant au silence la sonorité
d’une nativité annoncée.

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Carmen P.
illustration : Béatriz Martin Vida

Quelques instants

photo : Lizzy Gadd

photo : Lizzy Gadd

Les instants se succèdent, impriment leurs sensations sur le tableau de nos mémoires. Voici quelques impressions, un peu en vrac, beaucoup en liesse, toujours cueillies au plus près d’un frisson buissonnant de poésie.

Le conscient endormi

repousse l’inconscient

– il trouble son sommeil –

Le monde des songes

ne s’ouvre qu’aux anges.

Se laisser porter par le fauve du jour. S’abandonner quand rien ne paraît vraiment nécessaire. Laisser à l’intérieur tous ces poèmes étalés comme autant de jupons inutiles. Fanfreluches jaunies sur lesquelles la poudre azurante n’opère plus aucun miracle, d’ailleurs leur  dentelle ne découpe que la grisaille. Passer du froid à la douceur presque printanière ramollit la terre… chaussons nos sabots et privilégions  la nature, préférons la boue des chemins à ces mots qui ne se tissent que dans le mental.

Les édifices que les saisons assaillent
désolent ma vision des ordonnances humaines
mais lorsque la marée se charge d’une épave
elle ponce la coque autant que mes humeurs
dans l’ensablement méthodique de l’œuvre vive

Et si la poésie n’était que l’enfance d’un regard
effleurant le fond de l’insondable qu »elle désire
après une lente gestation de la pensée ?

J’ai temps chaviré
les saisons du corps
J’ai temps décillé
les cimes du ciel
que l’espace se défait
de sa brume de chanvre
et m’envoile de ses brins
aux penchants dits sauvages

 

(impressions à la pointe du Grouin)

La vague bondit
aux genoux de la falaise
elle reste de pierre

L’eau coeur que le vent enfle
jamais n’atteindra sa face

(Envie de douce harmonie)

Rien de plus précieux
que les instants faits mains
à suspendre au bouton de la porte
avant d’ouvrir – grand – la maisonnée
au vent fleuri du dehors embrassé

 

Carmen P.

 

Univers onirique

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L’œuvre de Dariusz Milinski est pétrie de poésie. Son univers onirique émerge de scènes de la vie rurale. Une lecture attentive des tableaux est une véritable invitation au rêve, à moins qu’à l’inverse elle nous renvoie à nos songes. C’est ce qui s’est passé pour moi avec ce tableau représentant un homme qui, par sa seule force physique, parvient à déplacer sa maison. Le labeur humain se charge ici d’une fascination spirituelle.
Dure entreprise à hauteur humaine, alors qu’en… rêve notre inconscient rend la chose si facile !
Ce tableau a donc réveillé ma mémoire onirique.

Voici le rêve qui s’est déroulé sur l’écran noir de mon esprit endormi, il ya une quinzaine de nuits.
J’étais retournée dans un logement de fonction. Au rez-de-chaussée il y avait mon bureau. Dans le rêve, il se trouvait « agrandi » par rapport à mes souvenirs ; le mur qui le séparait de la pièce voisine avait été abattu, ce qui offrait un vaste espace où je pouvais expérimenter avec une classe une nouvelle méthode pédagogique. Je vous résume la séquence : après relaxation, les enfants évoluaient en prenant bien conscience de la place qu’ils occupaient et en tenant compte de la présence des autres, sans en être perturbés. Quand ils parvenaient à être présents à eux-mêmes et à la trajectoire ainsi qu’aux mouvements qu’ils exécutaient, ils s’approchaient du tableau et s’exprimaient. Des bulles sortaient de leur bouche et venaient s’imprimer sur le tableau. Tout se passait merveilleusement bien et les élèves, ensuite, étaient enchantés de pouvoir observer, avec les autres, les graphies et les traces colorées qu’ils avaient laissées.
C’était la rentrée, mes nouveaux collègues étaient arrivés, nous allions préparer la rentrée et penser projet. L’accent serait mis cette année sur le travail corporel et l’appropriation de l’espace. Nous étions en pleine réunion quand une milice a fait irruption dans le hall d’entrée, mes collègues se sont livrés à eux mais je me suis échappée. Je me suis réfugiée à l’étage où se trouvaient les chambres. Dans mon rêve mes enfants et mon mari s’y trouvaient.
On tambourinait à la porte, tous (sauf mes enfants) m’encourageaient à ouvrir mais il était hors de question que je me rende, qu’on fasse irruption dans ce lieu protégé qui était mien. La porte allait céder quand j’ai ressenti un décollage, immédiatement suivi d’un atterrissage.
Tout est redevenu calme. Derrière la porte mes agresseurs semblaient ne plus exister. J’ai entr’ouvert la porte, un parfum de fraîcheur est entré dans le logement ainsi que des chants d’oiseaux. J’ai ouvert la porte en grand et je suis sortie : le premier étage de la maison se trouvait au beau milieu d’un champ fleuri, dans une vallée. J’ai dit à mes enfants de sortir et je suis partie chercher des êtres qui comptent pour moi afin qu’ils viennent vivre dans ce havre de paix.

Court texte :

Laissons-nous porter, si… lent… cieusement, par l’ange courbé sous le poids de notre matérialité. N’opposons aucune résistance, jusqu’à ce le mouvement de s…a marche se calme, alors seulement nous pourrons nous risquer à entr’ouvrir la porte, à laisser entrer un parfum de fraîcheur qu’accompagne le chant des oiseaux. La lumière inonde la maison, dans le moindre de ses recoins. Abandonnée au cœur d’une vallée fleurie, elle attendait notre réveil.

Erin