Mirage bleu – ma mère

elle, si légère

comme une feuille

détachée

comme une rivière

sortie de son lit

avec des gestes doux

à reconduire

conversation lente

de petits cailloux

des petits riens

en plain appel

tout va bien

malgré ce mal qu’elle ne parvient

à endormir

tout va bien

et l’air est une rivière

où dansent ses robes

fleuries

la vie

.

lui, dans le réel

égaré

il n’a pas appris

à relever

les petits cailloux

à faire le chemin

qui remonte le temps

il était bâtisseur

mais la profondeur

des fondations

et la hauteur des murs

ne résistent pas

aux assauts des jours

au-dessus desquels elle cherche étoile

.

Les petits cailloux comme les gestes

ne sont plus. Tout est figé, solidifié

et moi je la vois debout à côté

de ce corps qui ne répond plus

regardant venir les bateaux

de l’enfance chargés des

rires des ses sœurs.

Il demeure du bleu

le ciel le dit

il ne saurait

mentir

d’ailleurs

la lumière

attise des braises

pour quel enjeu ?

.

un point d’enfance

dans l’aride

vieillesse

.

en vérité

les ocelles bleus

d’une âme que l’océan

attire vers l’ultime

camouflage

.

et l’on voudrait que je sourie

alors que je retiens

au-dessus du vide

mes cris d’appels

mes yeux sont secs

pourtant je tangue

j’affirme que tout cela

est mirage -ralentissons !

.

la vie est éclaboussure

d’infini, un nectar

un temps, un venin

au final

.

Eve n’y est pour rien

et ma mère non plus

.

Carmen P.

illustration : Léon Spilliaert

Quelques instants

photo : Lizzy Gadd

photo : Lizzy Gadd

Les instants se succèdent, impriment leurs sensations sur le tableau de nos mémoires. Voici quelques impressions, un peu en vrac, beaucoup en liesse, toujours cueillies au plus près d’un frisson buissonnant de poésie.

Le conscient endormi

repousse l’inconscient

– il trouble son sommeil –

Le monde des songes

ne s’ouvre qu’aux anges.

Se laisser porter par le fauve du jour. S’abandonner quand rien ne paraît vraiment nécessaire. Laisser à l’intérieur tous ces poèmes étalés comme autant de jupons inutiles. Fanfreluches jaunies sur lesquelles la poudre azurante n’opère plus aucun miracle, d’ailleurs leur  dentelle ne découpe que la grisaille. Passer du froid à la douceur presque printanière ramollit la terre… chaussons nos sabots et privilégions  la nature, préférons la boue des chemins à ces mots qui ne se tissent que dans le mental.

Les édifices que les saisons assaillent
désolent ma vision des ordonnances humaines
mais lorsque la marée se charge d’une épave
elle ponce la coque autant que mes humeurs
dans l’ensablement méthodique de l’œuvre vive

Et si la poésie n’était que l’enfance d’un regard
effleurant le fond de l’insondable qu »elle désire
après une lente gestation de la pensée ?

J’ai temps chaviré
les saisons du corps
J’ai temps décillé
les cimes du ciel
que l’espace se défait
de sa brume de chanvre
et m’envoile de ses brins
aux penchants dits sauvages

 

(impressions à la pointe du Grouin)

La vague bondit
aux genoux de la falaise
elle reste de pierre

L’eau coeur que le vent enfle
jamais n’atteindra sa face

(Envie de douce harmonie)

Rien de plus précieux
que les instants faits mains
à suspendre au bouton de la porte
avant d’ouvrir – grand – la maisonnée
au vent fleuri du dehors embrassé

 

Carmen P.