Stormy Times

Trois textes illustrés par des photos de Kaycee Kennedy.

I

Jamais sœur ne me fut donnée, et tout ce que je possédais

avec l’amie des jours bénis, en deux je voulais partager,

en deux, sans garder un gramme – de plus, comme si quantifier

le don allait authentifier l’élan…

alors qu’une plume d’oiseau – ou d’ange trouvée sur le chemin –

aurait suffi à équilibrer le banc sur lequel le sommeil

nous aurait surprises toutes deux, et d’un rêve indivis nos cœurs

si légers auraient pu asseoir nos vies dans une nacelle

aux envolées fantastiques…

Je suis seule sur mon baldaquin, l’existence ne valide qu’une loi

celle de la séparation. Il n’y a rien à regretter

juste un souffle à savourer – il est blond et me traverse

d’un amour commun à toutes les créatures sensibles

.

C.P.

photo, Kaycee Kennedy « Sleeping Sisters »

 

II

 

« Encore une barrière à déplacer… »


 Faut-il courber l’échine

ou incliner sa peine

en arrondissant les épaules

laisser sa nuque s’abandonner

et le corps devenir

la bannière de la lutte dans la vie


 Une bannière raidie aux ondulations amidonnées !


L’esprit et le corps n’ont rien à subir

les épreuves se portent hors soi


Saisir chaque anse de sa panière

et avec l’élégance d’une lavandière

donner au temps le soin de restituer

à l’innocente nature sa blancheur


Comme une reine avancer

jusqu’aux barrières les plus éloignées

et constater que ne subsiste plus la crainte

des barbelés

mais que s’exprime la joie devant chaque nouvelle barrière

à dépasser

 

C.P.


Texte sous forme de prose poétique


 2


« Encore une barrière à déplacer… »


Tu te demandes s’il faut encore une fois courber l’échine.

Tu préfères incliner ta peine en arrondissant les épaules

et laisser ta nuque s’abandonner. Ainsi marquée

ton attitude devient ta bannière,


Une bannière raidie aux ondulations amidonnées !


Ton esprit et ton corps n’ont rien à subir

les épreuves se portent hors soi.


— seule la dynamique du Je(u) perpétuel peut être déviée —


Suis paisiblement ta route sans faiblir. Saisis ta panière

par les anses et avec l’élégance d’une lavandière

– droite comme tu l’es par grâce, donne au temps

le soin de restituer à l’innocente nature sa blancheur.


Comme une reine avance jusqu’aux obstacles

les plus éloignés et constate que de la crainte…

de la crainte des barbelés il ne subsiste rien.


Rien que la Joie devant chaque nouvelle barrière

à dépasser


C.P.

photo : Kaycee Kennedy, Stormy Time

III

À l’origine était la lecture : une autre filiation venue me relier un peu plus à la vie.

Enfant, avec un livre dans les mains, dans n’importe quel nid et dans n’importe quelle pose, bien calée pour l’aventure, j’éprouvais un sentiment de plénitude. À chaque page tournée, la joie m’habitait un peu plus.

Jeune coucou, farouchement libre, lorsque j’abandonnais les mots pour retourner vers le monde – il fallait bien interrompre le charme, par moments – c’est apaisée, et avec un regard pénétrant que je m’amusais à décrypter, comme un livre ouvert, le vivant en cours d’écriture. Mais si vous veniez me surprendre dans mon jardin de lecture, en écartant les branches qui sécurisaient ma tranquillité, si vous m’appeliez sans motif original, il était peu probable que je vous réponde, j’étais trop occupée à grandir en Terre fantastique, là où ma lecture m’avait embarquée, en amitié avec l’auteur.

Allez savoir pourquoi je ne suis pas devenue bien grande et je me demande maintenant si les mots ne sont pas de simples étiquettes qui m’ont éloignée de la découverte sensorielle et motrice du monde (mais avais-je droit à cette exploration ?)

À défaut d’une enfance consacrée aux jeux, je me suis laissée ravir par la musique des voyelles et des consonnes et par les visions que les mots éveillaient en moi.

 

. C.P.

 

4 réflexions sur « Stormy Times »

  1. Bonjour,

    J’aime beaucoup Encore une barrière à déplacer » sous ces deux formes, car je garde les mots, la folie des mots leur douceur aussi, leur équilibre et tout cela me renvoie à des images. Lorsque je lis j’aime bien comprendre , même si parfois je ne suis pas l’auteur dans toute sa démarche. Mais quand les mots me parlent je suis enthousiasmée et dans ce cas je le suis.
    Pour ton dernier texte on te découvre enfant, adolescente, et j’aime ce que tu nous dis de toi. Ta découverte de la lecture de l’écriture aussi, car lorsque nous lisons et que nous sommes au coeur du livre on a envie de faire aussi par nous-mêmes, on se transpose à la place de celui qui écrit.
    Le premier je n’accroche pas, je n’y arrive pas, mais on ne peut pas applaudir tous les textes. D’autres l’aimeront certainement.

    Je te souhaite une belle journée et je t’embrasse.

    EvaJoe

    • Bonjour Eva, merci pour ton passage. Certains de mes textes sont assez hermétiques et le dernier que j’ai écrit (que je publierai sans doute sur le blog l’est particulièrement) Enfin… je dis hermétique mais c’est plutôt une dimension surréaliste qui peut dérouter le lecteur. En fait, je ne choisis pas, les impressions, les images qui me viennent se traduisent de façon surréaliste ou suivent un déroulement plus « naturel »… et je respecte cette fantaisie qui me vient dans l’écriture… pourtant, de plus en plus de personnes réagissent aux poèmes que j’hésite à partager car je me demande si le lecteur va s’y retrouver ou pas. J’espère avoir des avis de blogueur sur les deux soeurs endormies… cette photo m’a touchée et le regret de ne pas avoir eu de soeur est revenu… au final je dis que malgré tout, je me sens soeur avec tous les êtres sensibles (c’est très personnel comme poème, alors c’est normal qu’il touche moins). Bonne journée à toi aussi, EvaJoe !

    • J’ai juste trouvé des photos qui coincidaient avec des mots que je portais depuis longtemps (déjà formulés, sans doute, par le passé. Autrement) J’ai souvent deux ou trois versions d’un même poème (découpages différents)…. je choisis après celui que je préfère. La sensibilité du lecteur le porte vers certains poèmes… je suis incapable de prédire lequel aura la préférence, parce que tous correspondent à un état d’esprit à un moment donné et, à chaque fois, je tente de coller au plus près de l’émotion (pour la dépasser)

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