Paul et Fanny 2

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Paul et Fanny (suite)

 

 

Autant le chemin aller lui paraissait court, c’était tout près, là, à trois coups de pédales, autant le retour …

 

« Vélo, tu es sûr que c’est par là ? Tu ne te serais pas trompé de direction ? » ronchonnait Paul.

 

Toutes les belles résolutions de l’aller s’étaient envolées comme les volutes de fumée des quatre petits vieux qui, chaque jour, tapaient la belote à la table près de la fenêtre. Ils étaient
ainsi aux premières loges pour commenter toutes les allées et venues des uns et des autres, y ajouter la pointe d’acidité inutile et malveillante qui suscitait des rires faciles. Une pause était
automatique lorsqu’il s’agissait d’un inconnu, il était déshabillé, désarticulé en moins de temps qu’il n’en faut à la maréchaussée pour lire une carte d’identité ! Ces quatre malfaisants, c’est
ainsi que Paul les nommait, ne se gênaient guère non plus pour le moquer, le rabaisser aux yeux de sa belle !

 

— Tu prépares le Tour de France, mon gars ? Tu devrais faire de bons temps avec tous ces entraînements ! »

 

— Pour sûr qu’il doit avoir du mollet le Paul !

 

— Je parierais bien qu’il a d’aussi belles gambettes que la Fanny !

Et les quatre nuisibles partaient à rire ….

 

— Atout cœur ! renchérissait Maurice . C’était le pire de la bande, le plus vicieux, le plus destructeur. Il prenait un malin plaisir, un plaisir certain à dénigrer, salir, avilir.

 

— Ce n’est pas à toi de mettre atout !

 

— Non, c’est le Paul qui ne se déclare pas, le nigaud !

 

Et cela repartait de plus belle, et si jamais un visiteur inhabituel survenait, alors les sous-entendus étaient plus explicites, plus détaillés, plus décortiqués encore. Il fallait qu’il
comprenne bien ce passager du Bar du Centre, qu’il puisse pleinement participer au lynchage du pauvre diable. Il arrivait également que Fanny se joigne à ces rafales de rires qui le ravageaient
au plus profond de lui- même. Fukushima se répétait quasiment tous les jours dans son for intérieur.

 

Comment pouvait il parler à son astre doré alors que rien ne leur échappait, pis que cela, ils lisaient ses pensées, ses intentions et se faisaient un malin plaisir à le rendre totalement
ridicule !

 

Une seule issue pour tenir, pour ne pas sombrer, le petit coup de blanc que lui glissait Fanny avec un sourire triste. Triste mais complice, il en était persuadé, Fanny était de son côté. Cela se
voyait à chaque instant, se disait il. « Vois la façon dont elle t’a glissé le verre, lentement, la main cherchant à s’attarder, balayant une poussière invisible, ce qui permettait à nos deux
mains de se frôler. » Ses doigts doux, fins, élancés, chauds ne lui disaient-ils pas à chaque fois : « Sois patient. Aie confiance en moi. Je t’aime !»

 

Ainsi oscillait Paul sur la route du retour, ballotté par tous ces sentiments incompatibles autant que par l’alcool qui ne lui convenait pas, mais pas du tout. Il lui donnait des nausées, la tête
lourde et, il le sentait bien, ce n’était pas la solution pour faire taire ces nuisibles.

 

Comment, comment être plus avec Fanny, lui dire ce qu’il ressentait pour elle, lui déclarer sa passion, ses sentiments et aussi… mais ne se trompait- il pas, ne croyait-il pas entendre les
pensées de sa belle comme une douce brise qui enveloppait son esprit, qui le transportait dans cet Eldorado nommé Amour. Ce ne pouvait être que cela, il ne se trompait pas, quoique… et alors dans
les brumes du petit blanc, le doute s’insinuait à nouveau, sa tête se remplissait de gros nuages noirs, lourds, déboulant à toute vitesse dans son imaginaire, poussés par de puissantes
bourrasques d’ouest, bourrasques de doutes, bourrasques d’angoisses incontrôlées et incontrôlables. Ces tempêtes de soupçons, d’incertitudes le submergeaient, lui fracassaient le crâne, qui
n’avait pas la solidité des falaises de granit. Elles menaçaient de lui faire perdre la raison à n’importe quel moment.

 

« Allez, pédale, laisse ces sales idées dans le fossé ! Pédale, vite surtout, qu’elles ne te rattrapent pas, qu’elles ne t’anéantissent pas ! »

 

(à suivre)

 

3 réflexions sur « Paul et Fanny 2 »

  1. Pauvre Paul! Je comprend bien son état d’esprit, j’espère tout de même qu’il ne va pas perdre pied! Et qu’il trouvera le courage de se déclarer à sa belle! Un coup de pouce du destin (mené par ta
    plume) ne lui ferait sans doute pas de mal…;)
    Bonne soirée

  2. Bonjour Carmen

    un peu de retard pour venir te lire, mais entre mon travail qui n’en finis pas à cause des intempéries et mes retards conséquents dues à mes yeux, j’ai du mal à suivre, ce qui n’empêche pas de
    venir fouiner dans cette petite histoire, attisant ma curiosité et d’y retrouver les fameuses langues de vipères qui ont souvent salis mon environnement et je ne peux que comprendre mieux le
    contexte de ces deux amoureux potentiels.

    Bisous et merci au nom de la communauté

    Le Noctamplume

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