L’enfant de Syracuse

20120924215501-dbdfd58a-me

Syracuse

Syracuse, chantée par le poète,  Bernard Dimey, lui-même.

http://www.youtube.com/watch?v=pYBh9UD-vMU

et ici chantée par son compositeur :

http://arbrealettres.wordpress.com/2013/07/04/syracuse-bernard-dimey/

J’aimerais tant voir Syracuse,

L’île de Pâques et Kairouan

Et les grands oiseaux qui s’amusent

À glisser l’aile sous le vent…

Syracuse, le nid d’où je n’ai pas su prendre mon envol ! Cette ville n’a  pas suffi à mon bonheur, et ce n’est  pas seulement elle qui,  pour moi et mes quinze ans, est  devenue un paradis inaccessible. Elle, si proche, me semble tout autant éloignée que sa jumelle, celle qui flirte avec la mer Ionienne. Ces eaux profondes couvrent une région des plus sismiques, et moi je nage au cœur d’un tourbillon. La vigueur de mon âge me permet de ne pas sombrer, et je vois les murs d’enceinte, sans toutefois parvenir à m’en approcher.

Tel est mon cauchemar. Telle est ma réalité.

Le rêve ne me serait-il plus permis ? Syracuse ne vibrera plus jamais comme un sésame, on m’a retiré la clef de la cité et je n’y serai plus jamais le bienvenu.

M’amuser à glisser l’aile sous le vent de mes espérances dans cette prison qui n’en a pas le nom et d’où j’entends, à l’extérieur, les rafales du souffle de janvier qui, cette année comme les années précédentes, étend l’hiver sur l’état de New-York … et  rejoindre en pensée la plus belle  des villes Grecques ancrée sur le sol de Sicile, voilà ma seule échappatoire. De mon  imaginaire surgissent les façades calcaires de l’île d’Ortigia que le soleil couchant enlumine.

Antique, était ma joie de vivre. Baroque, devient mon entêtement à vouloir quitter la froide Syracuse de mon enfance.

Ce n’est pas un pont qu’il me faudra franchir pour concrétiser mon rêve de voyage.  Non, ce n’est pas un pont qui me sépare de la liberté… mais qui osera me tendre la main depuis le territoire où je me suis enfermé. Le découragement est un obstacle infranchissable, quand on ne connaît pas les rouages d’un système qui nous condamne.

Patience et bonne conduite, me dit-on, mais ce ne sont pas des qualités que l’on trouve chez un adolescent ! Même un nouveau-né participe à sa naissance. Me demander de m’abandonner à la situation actuelle, alors que l’urgence me pousse à vivre, à explorer de nouveaux horizons, est une entrave qui occasionne une douleur hors de toute mesure.

Je ne me suis jamais senti aussi prêt de mourir…

Carmen P.

31 réflexions sur « L’enfant de Syracuse »

  1. Bonjour Carmen,

    je viens de lire et de relire ton texte. Brrrr. Que de désespoir, de souffrance dans les mots . Est-ce un adolescent incarcéré dans une prison fédérale? Ou bien un malade prisonnier de son corps?

    « Le rêve ne me serait-il plus permis ? Syracuse ne vibrera plus jamais comme un sésame, on m’a retiré la clef de la cité et je n’y serai plus jamais le bienvenu. »
    Curieux la coïncidence de ton choix. J’adore cette chanson ( dont je préfère la douce interprétation de Salvador). Lorsque je n’arrive pas à dormir, je l’écoute dans ma tête en m’imaginant au bord d’une plage . L’eau bleue qui clapote doucement , la blancheur du sable à travers mes paupières et la chaleur du soleil sur ma peau… Syracuse a ce don d’évasion pour moi. C’est ma clef dorée pour partir au pays du du bien être… Syracuseeeeeeee…. 😉

    Mes meilleures vœux pour 2014. Qu’elle réponde à toutes tes attentes
    Amicalement
    Martine

    • Tu as deviné, Martine. À Syracuse (US) il y a un centre de détention pour jeunes (Hillbrook). C’est là que j’ai souhaité voir démarrer ma nouvelle.
      Je ne connais rien à ce milieu et il va peut-être falloir que je donne un autre nom à ce centre.
      Syracuse fait immanquablement penser à la ville de Sicile et cette magnifique chanson, qui à elle seule est une évasion, m’a conduite à dépeindre ainsi l’état d’âme du personnage.
      Telle que tu vois Syracuse, telle est la vision qu’en a mon personnage… elle symbolise le bonheur. Là, il en souffre, mais cette vision le soutiendra peut-être, bientôt.
      Meilleurs voeux pour toi aussi, Martine.
      Erin

  2. Je ne sais si tu as eu connaissance du désespoir d’un adolescent pour avoir dû quitter Syracuse, mais quel cri, cela vibre au delà des mots. Et pourtant comme ce texte est beau avec ces images de Syracuse en toile de fond.

    Qui l’empêche de revenir, quel est son histoire? Que de questions…Et en même temps comme il aimait cette ville, cette cité.

    Est-ce le début d’un roman, d’une nouvelle. En tous les cas merci pour ce texte poignant…Fort et grandiose que tu as écrit, mais je reste sur ma fin et je m’interroge à cs derniers mots…Mourir….

    Belle journée, bien amicalement

    EvaJoe

    • Je réponds à ton com, Evajoe, pour donner un début d’explication.
      Ceci est le début d’une nouvelle. On est dans la pensée du jeune, enfermé à l’intérieur d’une ville (Syracuse dans l’état de New York) et qui rêve de partir pour le vieux continent. C’est dans une autre ville de même nom, c’est dans un autre Pays qu’il aura l’impression d’exister, alors qu’il est condamné ici et se sent humilié par cette condamnation. Il ne pourra plus vivre dans sa ville, dont il garde de bons souvenirs et une famille et des amis… il ne garde que le nom qui, malgré tout, contient dans son essence d’autres horizons.
      Je ne vais pas raconter la nouvelle… je pense que je vais la construire par petits bouts, comme des plans différents que je relierai ensuite.
      J’y pensais depuis plus d’un an. Il est temps que je l’écrive. L’adolescence est une période très vulnérable, ou le jeune peut facilement basculer dans la délinquance, se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, donner sa confiance à qui en abuse. Le danger est beaucoup plus grand pour les jeunes d’aujourd’hui que pour ceux de la génération précédente. La passion de la jeunesse si elle ne trouve pas la voie qui la canalise risque de brûler trop fort.
      Bonne journée, Eva.
      (je n’aurai sans doute pas le temps aujourd’hui encore d’aller lire les « amis », j’ai quelques « délicatesses » à préparer pour un vernissage en fin de journée)
      Erin

  3. La prison comme un exil. S’imaginer Syracuse et s’apprêter à mourir… C’est terrible, je ne peux croire que personne ne lui tendra la main…
    Si c’est le début d’un roman, tu fais très fort, Erin !

    • Il s’éloignera de ses racines, par la force des choses… et le futur se dessinera, même si pour l’instant il ne parvient pas à l’imaginer, si ce n’est par cette chanson qui tourne en boucle dans ce qu’il lui reste d’espoir.

    • J’ai juste posé le personnage et la tourmente de ses pensées. Les choses s’éclairciront… à suivre donc, par petites séquences. À bientôt Paradisalia.

  4. Florence – Testé pour vous
    Bonjour…En lisant ton texte si poignant, j’ai pensé aux exilés, à ceux qui fuient leur pays sans jamais pouvoir y revenir…c’est douloureux, comme un deuil qu’ils gardent au fond d’eux, une mort terrible qui fait partie d’eux.
    Superbement bien écrit, ton récit est une larme qui ne tarira jamais…une tristesse qui restera lovée, quelque part, tout au long d’une vie…rire, s’amuser, vivre ne tuera jamais cette tristesse, ce manque…bravo, c’est vraiment très beau…

    • Détenu, il est exilé, en quelque sorte dans sa ville de Syracuse aux US, ville qu’il aime pourtant, mais dont il devra s’éloigner pour se construire ailleurs. Une autre ville de même nom l’attire sous d’autres cieux… mais pour l’instant il est détenu…
      J’essaie de saisir les questionnemnts, faits d’élans et de refus, de cet adolescent, à la vie marquée.
      Merci pour ta lecture, Florence.

  5. Bonjour,
    Ce magnifique texte est-il une fiction ou une réalité ?
    Comme il est au masculin, je pencherais pour une fiction.
    Il est magnifiquement écrit.
    La chanson est belle aussi et la ville que je ne connais pas, certainement.
    Amicalement.

    • Totalement fictif. Cette chanson m’a aidée à démarrer l’histoire qui débute justement à Syracuse dans l’état de New York. Mais c’est une autre ville, de même non, celle de la chanson, qui symbolise la liberté pour ce jeune homme (que je n’ai pas encore nommé).
      Merci d’être venue me lire, Clara.

  6. Un conflit intérieur, comme connaissent si bien nos adolescents, et que tu évoques ici avec infiniment de sensibilité !

    Je sens ici un jeune être passionné, déchiré entre son attachement pour l’antre de son enfance (Syracuse), antre affectif, et l’envie folle de voler de ses propres ailes vers l’inconnu …….

    En fait, il voudrait pouvoir allier les deux ressentis, les vivre en harmonie, mais il est loin d’être simple, à cet âge, de pouvoir déjà trouver ce chemin !

    Ma gni fi que , carmen ! Sabine.

    • Le conflit est énorme, en effet, et ce jeune garçon est mal parti. Il est intelligent cependant, et artiste… alors tout n’est pas perdu !
      Tu as bien compris son tiraillement. Il ne pourra plus jamais accepter le regard des autres dans sa ville, même s’il y a été heureux alors, s’il rêve de partir c’est pour une ville, de même nom, qui évoque la liberté et la vie possible. Le nom de la ville qu’il aime, son berceau, reste sécurisant pour lui et porteur d’espoir.
      Merci pour ta lecture et la façon dont tu as perçu le personnage. Erin

  7. Juste une question? As tu publié Syracuse de ton blog ou es-u allée sur le blog Passeurs de mots, merci de me le dire.

    Belle fin de journée

    EvaJoe

    • Eva, j’ai d’abord publié sur mon blog, j’ai attendu d’être informée que l’article soit publié puis je suis revenue le partager avec la communauté. Alain m’avait dit de procéder ainsi mais, cette fois-ci, ça n’a pas marché convenablement.

      • Oui, j’ai vu ça, Gibee a rectifié, je vais l’informer que tu l’as bien lié à ton blog et non comme nous pensions écrit directement dans l’administration des Passeurs de mots.

        Nous allons chercher la raison, ce n’est pas grave, nous avons rectifié, mais le problème c’est que Clara n’a pas pu venir sur ton blog aussi elle avait commenté là bas, mais les commentaires n’apparaissent pas car je les bloque, mais je te l’ai copié collé sur ton blog, en me déconnectant, de manière à ce que tu ais ses coordonnées.

    • C’est terrible de vouloir partir et d’être retenu. C’est presque intolérable quand on a quinze ans. Le chemin de l’acceptation, de la patience, sera nécessaire. Faire taire la révolte pour voir se dessiner une issue.
      Merci pour ta lecture, Philippe.

  8. bonjour Erin
    c’est une bien triste histoire qui malheureusement
    arrive trop souvent à la jeunesse qui s’éxile..
    cordialement D R

  9. Florence – Testé pour vous
    Bonjour…j’ai lu ton commentaire et merci pour les explications…c’est vraiment un très beau texte et quelque soit la manière dont on l’interprète, on sent son déchirement, sa douleur…encore bravo…à bientôt

  10. Est-ce le repenti qui incite ce jeune homme à une telle réflexion ? Il semble regretter ses actes qui le privent de la liberté…
    Cet écrit est très émouvant, Carmen. Et j’aime beaucoup la chanson évoquant le lieu qui t’a inspirée.
    La photo est magnifique !
    Bravo.
    Douce soirée,
    Cathy.

    • Les aventures de jeunesse peuvent s’avérer catastrophiques… certains passent entre les mailles, d’autres doivent procéder, plus vite, à une remise en question, et faire des choix d’attitudes diamétralement opposées, ou pas (dans ce cas, ils s’enfoncent dans la délinquance).
      Je vais bien voir comment mon histoire va progresser dans l’esprit du jeune homme, tout d’abord, dans le cours de sa vie, ensuite.
      Volturno, que je viens de publier aujourd’hui, concerne aussi ce personnage.
      Merci d’être venue me lire, Cathy.
      Erin

  11. Bonsoir Carmen
    Heureusement que j’ai lu les commentaires, très instructifs, j’étais parti à lire un magnifique texte qui me prenait par les sentiments,mais sans trop le comprendre, à savoir, si c’était un pan de ta vie raconté en histoire.
    Une grand talent et une nouvelle qui va me passionner j’en suis certain
    J’espère que tu vas bien
    Je t’embrasse et te souhaite une douce nuit
    Le Noctamplume

    • C’est bien d’un jeune homme dont il s’agit. Je m’efface derrière ce personnage.
      La nouvelle, Alain, je la donnerai à lire comme elle vient, c’est à dire par fragments. Je verrai ensuite comment « monter » mon histoire. Je ne sais pas si c’est une démarche courante, toujours est-il que c’est ainsi que j’ai envie de procéder pour celle-ci. Volturno est un autre fragment.
      Bonne soirée, cher Noctamplume.
      Erin

  12. Bonsoir Carmen,
    Tant de chose déjà dites… Beaucoup de compassion pour ce jeune, et pour ceux qui prennent une si grande décision… Émigrer !
    Très jolie photo !
    Interprétation de cette jolie chanson que je ne connaissais pas… J’aime bien Jean Sablon aussi…
    Belle soirée, je reviendrai…
    Joëlle

    • Il me faudra poursuivre le récit de ce jeune homme… pour l’instant je me penche sur un autre texte.
      Merci d’être venue me lire, ramaje.
      Bon week-end à toi !
      Erin

  13. J’avais perdu la liste des liens du défi de Janvier d’Evajoe qu’elle a eu l’amabilité de me renvoyer ce soir!!!!
    En te lisant au départ j’ai eu du mal à me situer, mais c’est en lisant les commentaires que j’ai compris!!!
    Bravo Carmen, toujours un plaisir de découvrir tes textes.
    Bonne soirée.
    Bise amicale.
    Domi.

    • Eh bien, tu m’as retrouvée, c’est là l’essentiel !
      Je sais (soupir) je suis compliquée (sourire) j’aime que les mots poursuivent leur chemin chez les autres. S’ils y perçoivent la douceur, j’ai réussi mon travail d’écriture (douceur et lucidité).
      Bonne soirée, dimdamdom.
      Erin

Répondre à Martine Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *