Nudité

Je suis tombée sur une vieille photo et une amie m’a fait remarquer la ressemblance avec Colette. Alors je vous mets les deux photos ainsi que deux textes :
– un texte de Colette, extrait du livre « Nudité » des éditions Lanore, où l’auteur(e) qui a bien connu le monde du Music-hall fait part de ses observations sur la nudité féminine
– un poème que je viens d’écrire et qui aborde le même sujet d’après mon expérience, la pratique du dessin d’après modèle vivant

*

On entendait des rires, quelques-uns trop gros… Mais dès que Bouboule, d’un tour d’épaules, avait laissé glisser jusqu’à sa taille son kimono, personne ne riait plus. Car les sommets extrêmes d’une perfection n’inspirent que la gravité. Devant les deux demi-pommes sans défaut, égales, harmonieusement distantes, soulevées par un souffle paisible, couronnées d’une lueur à peine rose, il n’y avait plus dans la loge que des contemplateurs muets et rêveurs.

Colette

*

L’innocence est au modèle.
La pudeur est à la jardiniste des corps.

La distance perd toute mesure
entre les formes dévoilées
et le regard qui s’en saisit.

Les courbes se mirent en traits
sans que l’œil jamais ne quitte son modèle.

L’âme se coule dans les vides
et l’arrondi du bras, suspendu
dans la pose – digne et nue –
s’exprime – trace de pierre noire –
rêvant appeau sur le papier vierge.

L’esquisse éprouve la fidélité
à chaque coup de crayon.

Créatrice, elle trace sa route sur une feuille
en suivant des formes qui lui sont étrangères
elle consacre sa plume à l’intimité de l’autre.

.
Carmen P.

10 réflexions sur « Nudité »

  1. Merveilleuse description du geste du dessinateur, ce tracé qui s’apparente à la caresse et fait surgir une forme de ce qui n’existe pas ! Il n’y a pas de forme figée. Il n’y a que rêve et émotion…
    Mais tu n’as mis qu’une photo en définitive ?
    Colette est une écrivaine – et femme – que j’admire et apprécie particulièrement.

    • Mon blog n’accepte pas la publication de ma photo. Je l’ai peut-être trop réduite. Je vais voir si je peux mettre une photo plus grande, mais je serai « en pied » et non en portrait comme Colette.

      Le dessinateur essaie de saisir l’impalpable. Souvent je suis déçue en revenant de l’atelier. Je dois laisser les croquis dans le carton quelques jours avant de les considérer avec l’objectivité du recul.

  2. Si cette dame dit aimer Colette, elle devrait savoir que le mot « écrivaine » l’aurait horrifiée.
    Colette n’était pas féministe, elle l’a assez écrit, et ces façons barbares d’écrire sont impensables sous sa plume.
    Colette se voulait une femme libre certes, mais le sort de ses congénères, en dehors de ses amies, lui importait peu.

    Ton texte est excellent chère Carmen, comme à l’accoutumée.

    • Je savais que tu n’allais pas aimer auteur(e), même avec la réserve des parenthèses. Le problème est que certaines personnes considèrent ce nom au masculin comme une faute quand on parle d’une femme-auteur…. d’où le compromis (mais un compromis n’est jamais une bonne chose !) Colette était une femme libre, parfois il me prend à rêver de cette liberté que je ne m’accorde pas ou qui n’est pas en accord avec mon tempérament réservé, mon désir de conciliation, le respect que j’ai des autres, etc….

      Merci pour ton passage, Ariane. Mis à part Aloysia et Rivagedazur peu d’amis viennent y déposer des mots.

      • Désolée, mais Colette aurait peut-être changé d’avis aujourd’hui que c’est de plus en plus courant. J’aime mieux « écrivaine » que « auteure » ! Moi non plus je n’aimais pas autrefois, mais j’y viens, ce sont les canadiens qui me poussent un peu car ils sont très hardis pour les néologismes, et tout de même, la disparition de certains féminins n’est que due au puritanisme du XIXe, la langue ayant été beaucoup plus souple au moyen-âge.

        • J’ai une préférence pour le masculin…. à l’oral pas de problème, mais à l’écrit je mets le e entre parenthèses. Enfin, pour le moment, car dans quelques années je pourrais voir les choses autrement, moi aussi. 🙂

  3. Bonjour Carmen

    Lorsque mes yeux se sont posés sur ta photo et que ton amie a dit que tu ressemblais à Colette j’ai effectivement trouvée que tu lui ressemblais.
    J’apprends que tu vas dans un atelier que tu dessines, ton texte est fidèle à ce que l’on fait lorsque l’on esquisse un dessin.
    Est-ce que la ressemblance va plus loin, Colette avait son franc parlé, était libre dans tout ce qu’elle entreprenait. Lui ressemble-tu?

    Je te souhaite une belle fin de journée

    Bisous

    EvaJoe

    • 🙂 Je ne pense pas ressembler à Colette. J’ai un tempérament profondément réservé même si je sais dire ce que je veux ou ne veux pas. Pour la forme je fais beaucoup de concessions (avec prudence), pour le fond non…. car je garde mes objectifs. On me dit imprévisible. Je pense surtout avoir une âme d’artiste et je n’aime pas suivre le mouvement ou qu’on m’impose quoi que ce soit. Je suis plus proche d’Emily Dickinson ou de Charlotte Brontë…. mais je rêve d’avoir la liberté de ton d’une Colette ou même d’un Picasso. La vie est trop courte pour qu’on s’encombre de réserve.

    • Cela ne tient qu’à la coiffure… mais on peut s’en amuser. Colette est une grande dame. J’écris dans l’ombre de discrets poèmes…
      Merci d’entendre cette passion d’écrire dans les mots que je partage.

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