La montée des eaux

Suspendre le temps

Suspendre le temps à l’anneau d’un coeur

au bout de chaque souffle le sentir vibrer

saisir le point ultime de son éclosion

sans briser sa coquille prématurément

ne pas hâter les choses – indicibles –

.

Ecouter le son prodigieux

lorsqu’il se déploie puis déferle

en milliard de paillettes soulevées

puis dispersées qui lentement retombent

dans l’Or de l’Instant

.

Croquer l’instant

Je vous parle depuis le royaume de l’enfance

quand la tendresse coulait comme lait maternel

quelques traits de pastel suffisaient à la saisir

et la richesse venait se nicher dans l’instant

qu’un amour infini bordait jour après jour

.

Caprice

La vie est simple

comme une petite fille presque docile

qui s’accroche à ses rêves

et demeure

sur son âme perchée

.

Accompagnement

Donner la main

à l’enfant que je

ne suis plus. Courir

aux abois une chose

à la fois et je noue

dans la langue d’ici-bas

un mouchoir en guise

de revoir – un signe

.

Soulever le rideau

côté verso

.

Sortir l’invisible

de son corridor de rêve

.

Responsabilité

L’enfant dans l’allée du jardin

s’émerveille d’un rien

et marche vers la rose

.

Le poète voit plus loin

contemplant le ciel

il marche vers l’étoile

.

Pourtant l’enfant

est plus près de l’étoile

que le poète ne le sera jamais

.

Si celui-ci ne remarque

ni la rose, ni l’enfant

quel avenir pour cette enfant

placée derrière deux ombres

qui rament en mondes opposés ?

.

La mère est inatteignable

le père attend à la porte

du ciel ou de l’enfer

il rêve d’aller la chercher

là où elle a sombré

se pourrait-il qu’elle soit

cachée dans les mots

qu’il n’a jamais voulu lire

cachée dans la parole

qu’il n’est jamais parvenu à libérer ?

L’enfant détient la clef

mais elle ne sait qu’en faire

La jeter à l’eau ?

La lancer vers le ciel ?

Cela ne se peut

car l’enfant est la clef

et elle équilibre

la barque

entre deux forces

qui l’aspirent

*

La montée des eaux

La montée des eaux

n’épargnera pas la croix

.

à ses pieds reposaient nos ombres

les voilà englouties

…..

[ Ceci est le début d’un recueil dont le titre sera « La montée des eaux suivi de Consoler les orages ». L’illustration est d’Isabella Werkhoven ]

7 réflexions sur « La montée des eaux »

    • Oui, l’adulte s’en éloigne et même le poète, même s’il chante de toute son âme le rapprochement. Merci d’être venue sur mon blog, Francine.

  1. Superbe, un début de recueil totalement inspiré, les enfants, les poètes, deux mondes étoilés, les parents ? Ils font souvent du mieux qu’ils peuvent avec les cartes qu’ils ont en main… Merci pour cette beauté et cette profondeur Carmen, et merci pour cette splendide illustration, une peinture ? une photographie ?
    Lumineuse semaine inspirée. brigitte

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