Prince téméraire 5

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Le lendemain matin des exclamations le réveillèrent :

— Un vagabond ! Un pauvre hère dans le jardin du Roi ! Comment a-t-il pu pénétrer dans le domaine ? Allons, réveillez-vous et sortez de là !

Le garçon émergea de sa couchette de fortune. Devant lui se tenait un homme, une bêche à la main, il avait des allures de jardinier et il l’était en effet. Sa mission était d’entretenir le domaine. Il s’en acquittait fort bien, cela, Jovan l’avait remarqué alors qu’il survolait la ville… Lorsque ce brave homme vit le visage de l’individu qu’il avait pris pour un mendiant – un invité indésirable qu’il s’imaginait déjà devoir déloger avec l’aide des gardes – il ne put s’empêcher de rire. L’hilarité du jardinier Jovan la savait due à cette cagoule couleur chair qui lui moulait le crâne et que la terre humide avait maculée.

— Ha, ha, ha, une tête d’ange et des habits de gueux ! Ha, ha, ha… pas un poil sur le caillou ! En fait de tête d’ange tu as plutôt une tête d’œuf, aussi lisse que les  coquilles des œufs de mes poules et tu me parais bien inoffensif ! Mais Dieu, que tu es drôle !

— Excusez-moi si je vous ai effrayé. Ne vous fiez pas à mes vêtements, et surtout ne me chassez pas. J’ai besoin de votre aide car j’ai atterri ici par hasard et je ne connais personne. Comme vous semblez vous en être rendu compte vous n’avez rien à craindre de moi. Prenez moi à votre service en échange de nourriture… quelques morceaux de pain et des légumes du jardin me suffiront, je saurai me montrer frugale.

 Le jardinier était un homme bon, il consentit à garder le jeune homme, il le surnomma «  Tête d’ange », à cause de son crâne dénudé qui l’avait tant amusé. 

Tête d’ange devint donc l’apprenti du jardinier. Avec lui, toute la journée il bêchait, sarclait, émondait, arrosait… La nuit il dormait dans une cabane qu’il avait construite entre les branches d’un cèdre, il aimait le contact avec la nature, le parfum de la végétation endormie… il découvrit bientôt que la vue qu’il avait du château n’était pas dépourvue d’intérêt, non plus !

Le soir dans l’encadrement d’une fenêtre il apercevait une jeune fille, c’était la fille du Roi, elle admirait le parc et s’imprégnait de l’essence des arbres avant de s’endormir. De son  refuge Jovan  l’observait… et il se mettait à rêver.

Il la contemplait en silence, il respirait autant la nature environnante que l’aura de sa délicate présence. Il était  les yeux de la nuit. Mais bientôt rêver ne lui suffit plus ; il fallait que la princesse le voit, non pas comme un misérable mais tel qu’il était vraiment. Ils s’étaient déjà croisés au détour d’une allée, mais la jeune fille n’avait pas levé les yeux sur un jeune homme  à l’apparence aussi négligée. 

Un soir, Jovan alluma une lampe, il brûla à sa flamme un des poils du cheval, celui-ci se matérialisa aussitôt devant lui. Le jeune homme ôta ses habits de misère, sauta sur l’échine de son ami qui se mit à galoper sur la pelouse.

La princesse était à sa fenêtre, son étonnement fut grand de voir, sous les rayons lunaires, un bel homme resplendissant de puissance et chevauchant Pégase. Elle se demanda si la scène était bien réelle, mais elle vit le jeune homme se diriger vers la cabane du vagabond et se couvrir de la vieille pelisse rapiécée de l’apprenti jardinier. Elle comprit !

 

À suivre…