L’Ensauvagé écrit par Héloïse Combes et publié chez Marivole.
L’enfance de François et Lise s’écoule , heureuse et semi vagabonde, entre l’amour d’un mère au tempérament limpide et gai qui leur laisse entière liberté pour explorer la campagne autour de Gargilesse où ils habitent, et l’attrait de cette nature qui les imprègnera à vie. Cette nature si généreuse leur offre ses chemins envahis de ronces, ses entrelacs de branches, ses essences variées, ses pierres abandonnées – autant de multiples refuges pour ces petits Robinsons qui découvrent un impérissable sentiment de toute puissance, d’équilibre affectif, dans ce monde pour peu qu’il demeure naturel et authentique.
L’Ensauvagé est écrit à la deuxième personne, car la narratrice, Lise, s’adresse à ce frère, trop tôt disparu, ce jumeau de cœur qu’elle n’oubliera jamais et à qui elle dédie le livre, ainsi qu’à « tous ses frères sauvages du Berry ».
Dans le village de Gargilesse les enfants côtoient des adultes qui ont fait le choix – ou non – de vivre, retirés, dans cette région et qui, comme eux, chacun à leur façon, ont appris à entendre, à comprendre, à faire corps avec le paysage.
Cette enfance sauvage n’a cependant pas permis à François d’inscrire ses rêves dans un projet de vie ordinaire. Mener un jour une existence conventionnelle lui était impossible. Il est revenu au village cependant, après en avoir été éloigné par un père inquiet. Il est revenu, tenter de vivre une existence marginale, mais son âme vagabonde l’a emporté vers d’autres lieux, ignorés de tous. Emporté, comme saisi par l’apparition d’un double arc-en-ciel au-dessus des champs. Certains êtres ont cela d’extraordinaire qu’ils fondent leur vie sur la poésie d’un instant.
Lise est restée seule à habiter le village, endossant la magie du présent, tout en portant, par son souffle de vie même, l’amour suspendu au souvenir de ce « frère au talent singulier ».
Ce livre est un enchantement. Un texte à comprendre avec le cœur ; certains êtres ont ce pouvoir d’obéir à des signes que les autres personnes ignorent.
Le visage de l’enfant de première de couverture paraît familier, son regard profond, pourtant éloigné, nous semble si proche.
Un extrait du livre :
« Je ne sais alors ce qui me serre le plus le cœur. Est-ce le fait d’être la seule, l’unique, à connaître ton antre secret, ce drôle de havre en pagaille où, placé sous la protection du Chêne Eclat, ton garde pourfendu, tu passes les nuits clandestines. Est-ce la lumière et cette impression de silence par-delà la musique du réel, comme si nous vivions un moment qui serait à la fois en dehors de l’imaginable et au centre de tout. Est-ce la vision de ce bouquet de fleurs, ce bleu limpide et comme vivant, ce bleu qui, une fraction de seconde, m’a bousculée comme si tout découlait de lui ou qu’il contenait tout en lui, les sons et ce silence, la lumière d’automne et en filigrane une autre lumière encore plus douce, notre enfance déjà en train de s’effacer et pourtant souveraine, une impression que nous pourrions mourir dans l’instant, disparaître de la surface de la terre tout en y demeurant, une sensation à la fois toute simple et vertigineuse d’éternité. »
Carmen Pennarun