Toussaint
sur
les routes
le bruit du monde
en novembre
l’aile noire du corbeau
emporte un croassement
et la cloche tinte
qui ramène les vivants
au silence des morts
sur les tombes
.
Toussaint
sur
les routes
le bruit du monde
en novembre
l’aile noire du corbeau
emporte un croassement
et la cloche tinte
qui ramène les vivants
au silence des morts
sur les tombes
.
Corps pays sage
la mer glisse dans l’instant
son immensité de louve
rien… est une respiration
– sous l’azur- élargie
d’amples vagues marine
la terre borde l’océan
de lisières tendres
et déroule ses jambes
de longues prairies
elle laisse fleurir la nature
par son corps paysage
d’où jaillit l’aube festive
.
Marilyn
Des lignes nettes pour évoquer tes courbes belles
Les pastels ne devaient pas recouvrir ton visage,
qui dans nos mémoires ouvre un espace à l’idée
de l’Amour. Tu étais l’image de l’éternel féminin…
Le fard et les paillettes durant ta si courte vie
ont étouffé la joie, mais jamais terni ta pureté
voilà pourquoi
même les pigments sont restés discrets
laissant vierge le papier
(pour Stéphane)
Gwalenn et la boîte à rêves
Le grand hêtre frissonne
dans le camaïeu du ciel,
et les feuilles s’agitent
sur leurs tiges de verre.
Les chevreuils s’impatientent
dans la neige tombée.
C’est un nouveau battle
où dansent des saisons.
La fée Gwalenn
a entendu l’appel
de la nature silencieuse.
Elle a mis sa robe de laine
mauve, et zinzolin
est son chapeau d’hiver.
Sous ses pas elle sème
la caresse d’une brise légère
qui enlève les peines.
Elle distribue des sourires-
fleurs, et valsent les couleurs,
les froides avec les chaudes !
Gwalenn apporte des étoiles
au goût de soleils jeunes.
Haut dans le ciel
les astres libèrent
des pensées-rêves
secrètement cachées
dans le panier de la fée.
Et quand d’un cœur vif,
sa main pioche un trésor plié,
ses doigts s’ouvrent sur une pensée-
-graine qui se réalise en s’épanouissant.
Pour les chevreuils germent, dans ses paumes,
des pieds de fraisiers et des pousses de chênes.
Pour l’enfant elle offre la pierre brute d’une pensée-rêve
qui par la puissance de l’amour se transforme en réel bonheur.
.
(Ma contribution au projet « la boîte à rêves » proposé par Quichottine que je remercie vivement; Le dessin est de Dominique)
Down
et rouge est le couchant
Up
par-delà l’horizon
l’aube sourit à ceux qu’on aime
Comme un poing dans le ciel
Des enfants sont dans la rue, ils ne lancent pas de pavé.
Des enfants sont dans la rue, comme des chiens, abandonnés.
Le serpent de la révolte ne danse plus au rythme des mots ; Amour et Paix.
Les interdits, balayés depuis longtemps, gisent comme des balises mortes
dans les vergers qui fouettent le vent de l’impuissance humanisée.
Un coin de moquette pour poser son duvet, c’est sympa.,
durant quelques soirs, quand on a dix-huit ans,
mais quand les « potes » ne peuvent plus héberger
car ils n’ont plus de « tune » eux-mêmes,
où vont les enfants perdus dont les parents s’emmurent ?
– dont les parents s’emmurent –
Peter Pan s’appuie sur le temps impassible, ses ailes n’attendent qu’un signe.
L’horloge de la place compte les étincelles qui dans son cœur décrépitent,
et dans mon âme-zeppelin une déchirure témoigne
d’une impossible naissance.
Balbutiements
Une présence juste réveille l’espace
à l’instant même elle trouve sa place.
Les paroles brouillées sculptent les pensées folles
et les cris étouffés, sur la croix des mots,
clouent le mohair des ombres.
Les vents contraires sacrifient l’en Vie
mais à la fourche du jour et de la nuit
une spirale s’anime dans un poudroiement de voyelles.
.
Un dimanche à Trémelin
Un dimanche de septembre, en pays de Brocéliande sur le domaine de Trémelin, quelques artistes désireux de s’exposer se sont donné
rendez-vous. Je les ai rejoints, et dès l’aube nous avons sorti toiles et chevalets pour aller à la
rencontre du public.
Du matin au soir le monde des humains s’est activé, chacun à sa façon, sur ce site où la roche
et la lande se partagent le terrain. Les jours ordinaires, l’appel de la nature invite
le flâneur à pousser la balade dans les bois environnants ou autour de l’étang, mais ce dimanche était mis sous le signe du sport. Je me suis
demandée si le petit monde parallèle des créatures de la lande allait parvenir à ignorer cette agitation diurne. Telles des pierres tapies derrière
les ajoncs épineux, elles ont attendu la fin du jour pour s’emparer de ce coin de Bretagne, et jouer leurs tours de lutins aux derniers promeneurs.
En matinée la place était aux sportifs qui participaient au Trail des Légendes de Brocéliande. Le midi et l’après midi l’ambiance fut
joyeuse dans les restaurants du site ; un esprit de guinguette et de bal musette imprégnait les lieux.
Il y a eu du passage, le temps s’est montré clément… quelques gouttes n’ont pas réussi à perturber l’ambiance festive.
Le vent a dispersé les nuages et le soir, après l’envol des danseurs et des dernières notes de musique, les lieux se sont enveloppés
d’un calme magique, teinté de douceur.
C’est à cette heure, entre chien et loups, qu’une jeune femme est venue promener son berger belge et son dogue. Ces animaux, vraiment
impressionnants, étaient fort contrariés d’être tenus en laisse. Ils étaient visiblement habitués à courir sans entrave dans ce lieu habituellement
désert en cette heure tardive.
La jeune femme est passée plusieurs fois devant moi, elle a tourné autour du barnum, s’est éloignée puis est revenue, elle a tourné encore tout en me regardant avec insistance. Nous avons finalement engagé la
conversation et avons parlé couleurs, j’étais là pour ça…je la sentais en attente d’une question, une question qu’elle n’osait pas me poser ; étrange impression…
Tout à coup, au milieu d’une phrase, elle s’est interrompue. Elle est restée debout, pensive alors que ses chiens tiraient sauvagement
sur leur laisse. Elle a tourné les talons sans ajouter un mot et s’est dirigée vers son véhicule, où elle a enfermé ses chiens.
L’heure était venue d’emporter mes tableaux ; le public s’était volatilisé, le site pouvait retrouver son calme et
à s’ouvrir aux malicieux Korrigans. Je suis passée devant une voiture où les deux chiens aboyaient
furieusement à chacune de mes allées et venues. Leur maîtresse se promenait non loin. Elle semblait surveiller la manutention de mon équipement d’artiste.
« Etonnant, ai-je pensé, d’habitudes les animaux ne montrent aucune agressivité à mon
égard ! »
Ceux-là n’aboyaient que sur moi et avec une bonne dose de fureur. Etaient-ils les cerbères des lieux ? En quoi ma présence
réveillait-elle leur agressivité et l’inquiétude de leur maîtresse ?
Au dernier de mes trajets la maîtresse des chiens s’est dirigée vers moi et a osé me poser la question qui la torturait :
– Avez vous retrouvé votre enfant ?
– Quel enfant ?
– Celui que vous cherchiez hier soir.
– Où ?
– Ici ! votre enfant avait disparu. Vous l’avez cherché et appelé toute la soirée.
– Mais je n’étais pas là hier soir. Mes enfants sont maintenant bien grands, ils ne m’accompagnent plus depuis longtemps !
– Pourtant c’est bien vous que j’ai vue hier soir. Je ne vous ai pas
oubliée ; vous étiez bouleversée. J’ai pensé à vous toute la nuit.
– Je vous assure que je n’étais pas là… j’ai eu l’intention de venir repérer les lieux, mais je ne l’ai pas fait !
– Bizarre… j’aurais juré que c’était vous. La même silhouette, le même visage, la même coupe de cheveux, les mêmes lunettes.
– Alors vous avez rencontré mon sosie.
Elle ne m’a pas crue, visiblement elle ne m’a pas crue…elle est montée dans sa voiture
en emportant une fausse image de moi ; l’image d’une mère affreusement insensible, qui un jour perd son enfant, ne le retrouve pas, et le lendemain poursuit ses activités comme si de rien n’était.
Sur le coup cette conversation m’a amusée, mais lorsque j’y pense et que j’imagine tous les
êtres qui hier, aujourd’hui, demain se sont croisés, se croisent ou se croiseront sur ce
site, cet
enchevêtrement de destins dissemblables ou de superposition de périodes différentes de la vie d’une même personne, je me dis que par
l’esprit des vies qui s’ignorent peuvent se côtoyer, cohabiter …mystère du temps aboli.
Jeune maman, je venais à Trémelin avec mes enfants. Le domaine leur offrait un espace pour jouer sans une surveillance trop
rapprochée. Images du bonheur familial, images du passé, images de l’oubli…l’enfant que nous n’avons pas pu voir jouer et grandir, ni ici,
ni ailleurs ; cette enfant à laquelle je pense quand l’heure est au chagrin, quand la
pensée file vers l’absence et que seule l’imagination peut recréer la trame déchirée de la vie.
Je suis venue ici pour partager avec mes semblables ma passion des couleurs et ma sensibilité.
C’est ce que je croyais….j’avais en fait rendez-vous avec l’absence de mon enfant.
Alors, était-ce moi qui appelais mon enfant perdue ?
La réponse me brûlait les lèvres :
» Non Madame, mon enfant ne reviendra plus jamais. »
Carmen Pennarun
J’ai parlé l’anglais telle une langue maternelle
toi
ta patrie est devenue l’Amérique
J’ai cuisiné les mots et éduqué des enfants
toi
tu es l’artiste des mets et tu dresses les plats
Migrations
toute entière à la tristesse
épuisée
par la coupe des saisons
elle s’arrime mon âme
au vol des oies sauvages
noire
la crinière flotte dans le pré
où les sabots martèlent
enfer
la fille de l’air
ne peut protéger ses enfants
des tourments de la terre
elle ne sait que voler
et invite à la voie haute
par l’amour elle vit
pour l’amour elle meurt
son cœur scande le vide
quand parole et confiance
se heurtent aux épreuves
et disloquent son ouvrage
*
les instants passent
sans laisser de trace
quand la pensée fuit
les courants d’âme
déjà
dans l’aquatinte du regard
défilent
les ombres
oh…comme ces rêves
nés des espérances mortes
ouvrent à la mélancolie
lorsqu’ils nous ramènent
sur nos chemins d’amour
amants…amis…enfants
autant de blessures
que de tendresses – de vies – données
mères du passé
– cœur de familles nombreuses –
où cachiez-vous vos larmes ?
*
les enfants naissent des larmes
versées par toutes les mères
elles
irriguent la terre
ouvrent des chemins d’espérance
que d’autres mères pleureront
quand ils se refermeront
*
c’est l’automne
pour la première fois
j’ai vu un vol d’amour
migrer vers une terre d’enfance
il reviendra au printemps
d’instinct
je perçois son retour
.