
Patchwork

L’homme au chapeau melon
René Magritte
Mon chapeau
…a quatre bosses
quatre bosses
.
…à mon chapeau
Cela ne se voit pas, mais moi je sais que mon chapeau a quatre bosses.
La première date de quand j’étais bébé ; un bébé intrépide qui a marché très tôt d’après ce que disent mes parents.
D’ailleurs, je ne marchais pas, je courais !
Hop, Hop, Hop !
Trois petits pas accélérés par-dessus mes voitures en circulation sur le tapis, et…
Pan !
Je me suis cogné dans l’angle de mon coffre à jouets et mon chapeau a atterri sur le nez de mon éléphant bleu. Quand du bout de sa
trompe mon ami m’a remis mon chapeau sur la tête, il a barri très fort, peut-être riait –il, en voyant que mon chapeau avait une bosse.
Mais chut…seul mon éléphant et moi savons que cette bosse existe !
La deuxième bosse ; mon chapeau l’a attrapée dans une descente, une descente de toboggan, ratée.
J’étais parvenu à grimper tout en haut du plus grand toboggan du parc.
« Accroche-toi bien, mon chéri ! » me disait maman que je voyais toute petite en bas du toboggan.
Je me suis accroché, plus d’un côté que de l’autre, et j’ai basculé…
J’avais une si grosse bosse que maman me l’a aussitôt cachée sous le chapeau.
Il faisait soleil ce jour là, et moi je pleurais parce que le soleil me chauffait la bosse.
La bosse sur ma tête est partie, mais celle sur mon chapeau est restée.
La troisième bosse mon chapeau l’a attrapée quand j’ai commencé à vouloir calculer.
Lors de mes promenades dans le parc, je ramassais des petits morceaux de bois que je mettais dans mon chapeau. Au retour j’en faisais
des petits tas de 10 que je comptais avec papa.
Un jour j’avais trouvé tant de brindilles, plus que mon chapeau pouvait en contenir, alors je les ai tassées si fort que mon chapeau
s’est déformé. C’est depuis ce jour que mon chapeau a une troisième bosse et que tout le monde dans la famille dit que j’ai la bosse des maths.
La quatrième bosse est un nid qui s’est installé à la va-vite au bord de mon chapeau. Je n’ai pas réussi à le cacher, il est doux et
agréable ce creux où je mets tous mes rêves qui suivent légers la vive linotte dès qu’elle part en voyage hors de son nid.
……………………..mon chapeau a quatre bosses
………..mais s’il n’avait pas
quatre
bosses
…ce ne serait pas
mon
chapeau.
Tous les chapeaux ont une histoire. Je vous ai raconté celle de mon chapeau, mais le vôtre a lui- aussi bien des secrets à dévoiler. Pour lire ses aventures il suffit de le poser sur sa tête.
Tu me prêtes ton chapeau, que je puisse te lire son histoire ?
Fin
(texte imaginé à partir d’une comptine mimée que je chantais à mes élèves)
L’abri carapace
Les musaraignes sont à la recherche d’une nouvelle maison.
Elles ont dû fuir la vie de château et le fromage en abondance.
Elles ont été expulsées de leur refuge. La menace vient des humains qui ont déjà capturé
leurs grands-parents.
Elles sont parties de nuit, le sac sur le dos.
Il y a papa Musaraigne, maman Musaraigne et leurs deux enfants :
Mamusette, la fille est une coquine qui s’habille en violine,
Micmollet, le garçon est un coquet, un brin taquin.
Elles sont parties de nuit, le sac sur le dos.
Elles ont marché toute la nuit.
Quand le soleil au matin se lève, les enfants très fatigués ne veulent plus avancer.
– Allons-nous reposer dans ce jardin abandonné ! dit Papa Musaraigne
Ils passent le portail de bois entr’ouvert et trottinent parmi les herbes hautes sans savoir où ils vont. Micmollet repère bientôt un
caillou qu’il escalade immédiatement. Arrivé au sommet il s’écrie :
– Je suis le gardien en haut de sa tour, je vois par-dessus l’océan vert !
– Descends donc avant de nous faire remarquer, tu es sur le dos d’une tortue ! lui signale son père.
Micmollet se laisse glisser à terre, fait le tour de la carapace, regarde par les ouvertures, se tortille les moustaches et
dit :
-Y’a personne là-dedans papa, la carapace est vide !
Alors Monsieur Musaraigne rentre avec prudence dans la coque abandonnée….
Il en ressort avec le sourire et annonce :
– Vous pouvez entrer, l’intérieur est propre, ce n’est même pas humide. Fiston, tu as
trouvé l’abri parfait pour la sieste de la journée !
Quelques instants plus tard les quatre musaraignes se blottissent les unes contre les autres sur une couchette douillette que Madame
Musaraigne a installée.
Comme il fait bon se reposer après une si longue marche !
Le soir venu un museau vient fureter aux ouvertures de l’abri ; ce n’est qu’un hérisson curieux.
Monsieur Musaraigne s’assure que l’animal ne cherche pas de nourriture. Mais non, il a déjà fait bombance, et ne souhaite qu’un peu de
compagnie.
Papa Musaraigne qui ne veut plus partir sur les routes sans toit, a une idée géniale : il demande au hérisson s’il serait
d’accord pour tracter la carapace jusqu’à ce qu’il découvre un village de rongeurs où lui et sa famille pourront vivre en paix.
Le hérisson accepte, il promet même d’être prudent ; il ne marchera que sur le bas côté de la route, et ne la traversera jamais.
Alors Monsieur Musaraigne sort ses outils et installe un système de roues en bois sous la carapace, ensuite il bricole un harnais et
il attèle le hérisson.
Les voilà partis, et c’est un bien curieux attelage qui prend la route ce deuxième soir
!
Les souris sédentaires accourent, les rires et les quolibets fusent…en entendant les cris, toutes les rongeurs du coin sortent de
leurs maisons et s’attroupent autour du hérisson et de la famille Musaraigne.
– Venez-voir les gitans !
– Ce sont des gitans qui passent !
– Regardez la petite fille en jupe violine !
– Eh ! Esméralda t’as une belle roulotte ! Tu nous la fais visiter ?
Mamusette devient toute rose et répond :
– Ce n’est pas une roulotte, mais une carapavane ! et elle fait mine de danser le flamenco.
Les badauds lancent alors des noisettes sur les musaraignes. Micmolet en colère renvoie les projectiles par de belles reprises de
volées – Faut pas croire, il s’entraîne au foot avec son papa ! Du coup, afin d’éviter les tirs en retour en pleine figure, les souris reculent laissant plus de place pour le passage du
hérisson.
L’ami de la famille a marché toute la nuit jusqu’à ce qu’il arrive, au petit matin, aux
abords d’une décharge municipale.
Nous allons passer le jour ici, et j’irai m’approvisionner en nourriture, je trouverai bien quelques insectes, dit papa
Musaraigne.
Une journée longue et pleine d’angoisses commence alors : des chats errants
viennent tourner autour de la carapavane, les camions bennes vont et viennent faisant vibrer l’abri.
Maman se demande toute la journée si le hérisson sera au rendez-vous le soir venu.
Papa est bien revenu, il a échappé aux chats et la famille peut enfin se régaler. Ils mangent assis en cercle, comme des indiens, dans
la petite carapace maison. Après le repas, Micmollet caresse son petit ventre rond et dit :
– Je fumerais bien un calumet de la paix avec les chats qui rôdent moi maintenant !
– Eh bien moi, répond Mamusette, puisque tout le monde dit que je suis une gitane, je
vais voir dans ma boule de cristal si ces affreux matous auront disparu ce soir ! et elle retourne son verre ; le tenant dans ses mains
tendues, elle regarde avec attention au travers …
– Ouiiii ! ils seront tous partis, occupés à courser les souris qui se sont moquées de nous la nuit dernière !
Les musaraignes restent enfermées dans la carapavane jusqu’au début de la nuit…les enfants, le nez aux ouvertures guettent le retour
du hérisson.
– Il arrive ! crie tout à coup Micmollet.
Le hérisson n’a pas oublié ses amis. Une promesse est une promesse.
Durant le trajet les enfants refusent de quitter la carapavane, ils préfèrent lire et inventer des histoires plutôt que de se
quereller tout le long de la route avec des curieux qui disent n’importe quoi.
Au petit matin, le hérisson est très fatigué.
– Je grimpe jusqu’en haut de cette côte, dit-il, mais je ne pourrai pas aller plus loin !
Au sommet de la colline, papa découvre en contrebas un paysage charmant : une vallée où coule une rivière. Dans les jardins donnant sur le rivage se dressent des maisonnettes toutes plus originales les unes que les
autres.
– C’est merveilleux, dit maman, comme la vie doit-être agréable ici ! Allons nous
renseigner, il reste peut-être de la place pour nous !
Ils descendent la colline et vont frapper à toutes les portes.
Ils font la connaissance de Madame Taupe, elle habite une maison de terre et leur
souhaite la bienvenue en leur offrant un pâté de fourmis.
Dans une maison-talus vit une famille de lapins. Les lapinots proposent immédiatement à Mamusette et Micmollet de jouer à
saute-lapin.
Tout au bord de l’eau vit une famille de Ragondins.
– Vous avez eu raison de venir jusqu’ici, dit Monsieur Ragondin, il y a du terrain libre. Demain nous vous aiderons à vous installer.
En attendant, nous avons un lit d’amis et c’est avec plaisir que nous vous offrons l’hospitalité.
Le lendemain, maman dessine le plan de la maison en tenant compte des avis de chacun.
Mamusette veut garder la carapace, c’est à partir de cette pièce centrale, qui deviendra un salon où la famille pourra se rassembler et parler tous les soirs, que la maison sera construite. « Ce sera comme
le cœur de la maison ». Papa propose que pour accéder aux autres pièces il faudra des marches qui montent ou descendent. Il ne veut pas de
portes.
– Où que l’on soit dans la maison on verra l’enfilade des pièces et la lumière passera
et jouera avec les murs que nous allons peindre de couleurs éclatantes.
– Oh, ce sera beau ! dit Mamusette rêveuse.
Micmollet veut pouvoir courir tout autour de la maison et souhaite un ponton pour la pêche à la ligne.
– Et un plongeoir aussi ! rajoute Mimolette.
Maman souhaite un toit végétal où pousseront des fleurs, elle aimerait une clôture d’osier tressé autour du jardin, mais papa
n’aime pas l’idée de la clôture car il veut une maison ouverte en grand aux amis.
– Ouverte aussi aux méchants ; au renard, à la belette ? s’inquiète Mamusette.
– T’en fais pas sœurette, je suis un pro du tir aux noisettes, s’ils s’approchent ; « Pan ! », je les bombarde et
ils décampent.
Dès que le plan est au point, papa Musaraigne se met au travail et avec l’aide des voisins, la plus jolie des petites maisons voit le
jour sous l’arbre gardien de la vallée.
La construction terminée, les parents Musaraigne font venir leurs enfants.
– Comment voulez-vous appeler notre maison ? leur demandent-ils.
Les enfants savent épeler des mots plus tendres que des fleurs. Sans hésitation et d’une même voix, ils répondent :
ABRICARAPACE
Ils éclatent de rire et partent pour une ronde ensoleillée tout autour de la maison.
Fin
(Conte imaginé et écrit par Carmen P.)
De terre et d’oubli
le manège des siècles
tourné par dizaines
a effrité l’argile
de l’armée enterrée
sous le tumulus amendé
du fond de l’opacité sans âge
des milliers de soldats
veillaient sur le sommeil
éternel de leur empereur
tandis que pleuraient
les âmes des concubines
sacrifiées à l’inépuisable
folie
des grandeurs destructrices
les sculptures doucement
à la terre retombaient
quand… puissant…ce magma d’art brut
a éventré la montagne
– temple de l’armée dormante –
l’homme s’agenouille
et œuvre à la reconstruction du passé
il se glisse dans l’élan créateur
le ravive – l’offre aux regards –
et passe le souffle de l’Histoire
dans le grand corps de l’humanité
inaudibles
se libèrent les plaintes
des épouses oubliées
Les coquelicots
Les
coquelicots vibrent de leur présence
sur le tableau achevé…
Un jour
j’accrocherai aux cimaises
des soleils à brûler l’impossible
je punaiserai au plafond
des mots couleur de sang
et mes bannières criardes
danseront au vent de ma fantaisie
j’écartèlerai l’espérance
je dilaterai l’espace
repoussant ainsi les murs
de la matrice créatrice
Délire
La fleur de pastel de terre et de pétales
mêlée
pénètre ma peau…Sanguine
Maintenant
A l’heure de la marée
il pleut des larmes pourpres
sur mes plages imaginaires
et la houle chavire la grève
où je me suis échouée
les brisants emportent mes rêves
ils roulent, s’entrechoquent, éclatent
Déchaînement
J’attends le reflux
là de mes mains écorchées
je rassemble mes brisures
mes doigts n’effleurent
que pierres polies
Etonnement
Je regarde le ciel d’hiver, matin
frileux
horizon ouaté…pureté
Aspiration
Du faîte de mes passions
vivre à ciel ouvert
ma Vie à corps d’arbre
et bien enracinée dans mes certitudes
insuffler l’Amour dans ma sève
Simplement…
Le blanc sur mes tableaux aura le dernier mot.
Horta
Le cri est au cœur
ce que le geste est au corps
un mouvement qui trace
dans l’espace et transporte
notre essence au-delà
des limites convenues
des silences corrompus
Grâce, j’appelle la grâce
– l’harmonie naturelle –
pour des gestes et des voix
torturées
On baptisait l’homme en l’immergeant dans l’eau
Aujourd’hui, il doit se baptiser lui-même
en émergeant de la roche
L’être se construit et se déconstruit
Il se façonne et conquiert son espace
Il érige les parois qui le protègent
Il les fragmente ensuite pour renaître fragile
Horta de Ebro face à ta montagne
se devinent les visages
leurs facettes s’animent
– des tableaux cubistes –
ils deviennent bas-reliefs
et sortent péniblement
leurs traits des parois
expression tendue – un rictus –
illusion d’un sourire de chair
qui redevient grimace
dans la souffrance de l’effort
Un instant je recule
devant la monstruosité
de ce corps qui émerge
articule des sons inaudibles
Crainte que ce colosse
parvienne à s’extirper totalement de la masse
Crainte que cette sculpture s’écroule
Crainte qu’elle s’empare de moi
Ne redoute pas l’homme qui brise les remparts
qu’il a érigés autour de sa personne
l’ isolant du bonheur
Ôte ce masque
dont tu sens
l’inévitable délabrement
Libère-toi !
Une larme blanche
éclatée de la roche
tombe à mes pieds
.
.
.
du sang
(la photo de Horta est de Gilles P., le tableau de Picasso)
Nacré-sucré
Quelques jours de vacances…
Je vous laisse ces images ; ce sont les dessins que je viens d’envoyer à Sophie.
rosacesophie.over-blog.com
« Nacré-sucré » a été spécialement réalisé pour Sophie. Je suis partie d’un fond aquarellé que j’ai retravaillé aux pastels secs. Au final ; collage papier (calligraphie japonaise, coquillage,
paillettes et cinq petits duvets de ma colombe)
De la terre à la tige
« De la terre à la tige » est un un pastel sur pastel-card. Je mets de nombrueses couches et je n’hésite pas à humidifier le travail en cours de réalisation.
Lumière et courbes
Un petit dessin où j’ai juste joué avec les courbes et la couleur.
Un peu de couleurs pour aujourd’hui.
Je vais commencer par Emily Dickinson, à qui je dédie ce poème que je vois rouge.
Le dessin est de mon fils Killian.
Emily, as-tu su à la fin du temps
quand tu as cessé de demander pourquoi
Dieu a-t-il éclairé chacune de tes angoisses
dans la belle école du ciel ?
Confondue pas sa souffrance
en as-tu muselé ta goutte d’angoisse
Qui pourtant te brûlait
Qui pourtant te brûlait
Cette douleur ne s’est-elle pas fondue dans l’amour
et apaisée retombe en larmes sur terre
irriguant la glaise de ceux qui survivent
les mains sur leurs peines et l’âme en veilleuse
*
La terre n’est-elle pas bleue comme une orange ?
Je vous fais un dessin.
Ecorce et puits
Sous la finesse de la peau
qui enchâsse les rêves
une chair parfumée et juteuse
gorgée de toutes nos aspirations
lavée de toutes nos craintes
attend la percée d’une fêlure
pour féconder nos rivages
Carmen P.
*
La grande vague
La vague déploie sa ligne
que le vent contre les brisants pulvérise
que le mouvement de l’eau
sur le moindre coquillage émoustille
Où est la limite
entre le sable et la moiteur qui fuse
entre la raison et la folie
entre la rage qui sculpte l’onyx
et la matière qui se prête ?
– Camille fait voler son burin –
Où est la limite
entre la puissance de la vague
et la vulnérabilité humaine
quand jaillissent les tentacules d’écume
devant le Mont Fuji impassible ?
– Hokusaï dompte les forces obscures –
Horizontalement
la silice du sable-buvard absorbe
l’humidité de la vie
Verticalement
le bleu de Prusse se jette à l’assaut
de l’espace-feuille si pur
et
la vague
comme un grand pétale élance ses arcanes
Des baigneuses insouciantes dansent
dans la main verte d’une somptueuse vague
Des pêcheurs dans leur embarcation
suivent le rythme d’une symphonie marine
Ce qui vibre dans le cœur de l’artiste
joue sa partition sur l’échiquier de l’univers
Tandis que le sol rampe sous la mer
les ailes de l’albatros l’élèvent
loin de l’épicentre de la douleur.
Eau, écorce, feu !
Soleil caché au noyau de l’orange
où sommeille la puissance…… à la périphérie
se cherche la limite entre toi et moi
Je porte terre en mon âme
L’épreuve de mon visage révèle le souvenir
de l’empreinte de tant de sourires
mais la ligne a déchiré de ses griffes
toutes les présences
ne laissant que lambeaux éparpillés
et des parfums
que les années ne parviennent pas à dissoudre
Ces dilutions infinitésimales concentrent la joie
sans jamais atteindre l’extrême pointe
de la vibration du rien absolu
Une ligne de sel sur mes joues dessine les résilles des jours évanouis
Quand viendra-t-il le temps qui jamais ne se refermera ?
À jamais l’instant reste suspendu à la crête d’une vague que l’artiste a figée