
La plage des Sables d’Or

Le Petit
Prince
Les hommes…le vent les promène. Ils
manquent de racines.
Voilà pourquoi le désert enfanta d’un prince
Il apparut dans un décor de dunes
aux yeux d’un poète
voué à la solitude
par accident
Le soleil…..le sable et le vent
n’en finissent plus de caresser les traces
de ses pas
et au Printemps des servitudes épuisés
frémissent les saisons lentes à l’éveil
Etonné
le terrien sentit des millions de grelots
sonner crescendo au fourreau de son cœur
absorbé
et toutes les fontaines invisibles
de la septième planète se mirent à chanter
Les oies sauvages guidèrent la silhouette
légère jusqu’à ce que l’enfant-météore
choisisse de suivre une trajectoire
au destin aléatoire
De boucles en spirales
de mondes surréalistes en oasis
des plus exotiques…..il fouilla
questionna l’univers ami
Ce n’est pas l’amitié pourtant merveilleuse
qu’il connut qui étancha sa soif
L’amour le plus doux déjà en lui bourgeonnait
L’ami…pour
lui… il fut arbre diffusant
l’ombrage de sa lumière
et l’art de croitre
de se libérer d’une écorce qui trop
enserre
L’amour…..avait
l’attrait d’une rose
et l’impatience du peu
– un parfum fleuri en son esprit –
traça une couleur jusqu’au ruisseau aimant
Sur le sable quelques aquarelles blanches de soleil
peignent des mirages….. l’âme des poètes s’ouvre
au prodige de la nuit
………………………..…fuse le rire d’une
étoile
L’enfant au corps de jade s’est laissé couler sans
bruit sur la page blonde
tandis qu’à grands cris se déployaient ses
ailes
Tout mensonge…même faux est œuvre de l’esprit
tel un ruban d’or il rampe dans le
désert
Carmen P. le 27 juillet 2011
Dessin original de Sophie V.
Le mont Fuji
J’ai admiré le mont Fuji
dans la mémoire de mes descendants
toi
tu voyages au Pays du soleil levant
J’ai parlé l’anglais
telle une langue maternelle
toi
ta patrie est devenue l’Amérique
J’ai cuisiné les mots
et éduqué des enfants
toi
tu es l’artiste des mets
et tu dresses les plats
Oh mes garçons, mes amours !
J’ai vu vos aimées
et je les ai reconnues
Je fais des rêves de papier
qui se consument en s’animant
Ombrelles et confettis
Danse du Dragon
et Galop de Cheval
La terre est un manège
où tous les soleils du monde
parfumeront la peau
de mes petits enfants
où toutes les langues
vibreront par leurs voix
et la vie chantera
dans mon corps au centre
et votre sœur absente
avec nous se réjouira.
Pour ne pas rester sur un sombre ambiance. Retour sur le Printemps !
Printemps
Parlez poète, vous réveillerez l’écho.
Ouvrez fenêtres, avril cette année est si beau.
Les fées blanches d’orties tapissent les fossés
La cardamine enliesse les prés.
Le pourpre, le jaune, l’indigo
poudrent nature de tons enchanteurs
Le nuageux prunelier anime avec l’or des ajoncs
le bal du Printemps où danse le papillon citron
La cressonnette, la tendre violette, les pâquerettes
et les fraises des bois s’empressent de fleurir
tant que bourgeonne-blanc la capiteuse aubépine
C’est fête sur Terre, du sol au chant des feuillus
et plus haut vers le ciel filent des houppiers d’écume
dans la profondeur de l’air
amoureusement…….bleu
que d’un regard j’absorbe
Carmen P.
La dame de la falaise
Droite sur son rocher elle sonde l’obscurité
En langues voilières flotte sa chevelure.
Présence vigilante elle a vu l’équipage
sombrer dans la folie,
abandonnant navire, les âmes tournoyer
par-dessus la fureur des vagues – du sang noir –
Les masses sombres des nuages d’onyx
habillent son corps de vaporeuse noirceur
Sa présence fumivore dans ce décor
ouvre une brèche de lumière
Sur la mer apaisée danse le navire
où reposent les corps
Son regard clos crève les flots
Vague sur vague elle remonte le courant
À rebours de la nuit, de ses souffrances,
de la panique, elle redessine les rides
sur les visages livides – à l’encre du varech –
et, du pinceau de ses cils elle laboure les fronts
Sous sa caresse salée frémit l’ombre d’un frisson
Elle souffle une bulle où s’engouffre la rage
des éléments
Son corps est passage, là meurent les soupirs
et l’avenir se crée à l’aube de son sourire
Carmen P.
La tombe de la fille
Les forêts, parfois, ouvrent des sentiers qui conduisent à des tombes,
et les jardins des suppliciés deviennent lieux de pèlerinages.
Lénard, bandit des grands chemins pourtant converti,
périt violemment tué par le charretier qu’il voulut aider.
Marie, torturée par les chouans, reçoit fleurs et messages,
autour de sa tombe flottent des tissus de prières.
Mystère de la souffrance ; déchirure sublime entre deux mondes…
Là où la douleur terrestre rejoint les vibrations célestes,
l’infortuné dépose ses offrandes, et l’impensable explose dans le réel.
Homme aux abois, si vulnérable, tu t’abandonnes à cœur perdu….
La nécessité d’avancer sur les chemins durcis sous les pas des anciens,
en écoutant le rire du vent vert qui brouille les nuageuses futaies,
te guide jusqu’à la fontaine des yeux du silence, où tu t’abreuves,
immergeant ton âme dans les noirs desseins d’un avenir incertain.
Vide, tu accroches tes doutes aux bras stratifiés de l’oubli,
tu graves tes dolentes suppliques dans le creuset des douleurs,
et tu déposes tes larmes sur « la tombe de la fille ».
Dans ce temple de verdure à ciel ouvert, une prière païenne…
La lune, visage d’opale dans la nuit obsidienne, bouleverse les destins ;
elle signe alors avec les croix des chemins un acte d’allégeance.
Carmen P.
(la photo est de Steven L.)
Encorbellements
Encorbellement 1
Une pluie d’ombre légère
effleure de gris mes pas
La pendule en secondes
familières
m’aiguille et je passe
muraille
Les chemins à l’envers
convergent
ils plongent mes rêves
dans un puits fauve
où se noie l’un fini
Je puise goutte à goutte
l’eau claire d’autres fois
bleue sous la tonnelle
de la coquille solaire
Chaque temps vide
son sens
sur l’enclume des jours
Le marteau se lève
métronome impeccable
– il brise les habitudes –
Dans le sillage du cri
le verbe plie ses cailloux
– pépites ouvertes
sur les lambeaux du vent –
Derrière les crêtes roses
le souffle aspire la brume
et sculpte des sourires
sur les buissons ardents
de la vie… en corps…belle
*
Encorbellement 2
les regards d’azur aux balcons suspendus
piègent l’ombre que l’horizon accroche
aux lignes de fuite du triangle de la rue
Les écailles en relief sur les façades nues
tendent les bras d’une étoile virtuelle
où filent les souvenirs des âmes vagabondes
qui scrutent les signes d’une vie encore belle
*
Encorbellement 3
les balcons sur le ciel ouverts
ne sont que coquilles vides
……………….…………….d’espérance
ces bénitiers qu’emplit l’azur
échafaudent la vie
…………………..en lieu sûr
et contemplent le théâtre
du malheur consacré
aux mains……………..des plus avides
vide
sous les corbeaux
où filipendulent mes avances
…………………………………….lentes
sauter
………………….ou
………………………………………..attendre ?
couchée sous le plancher d’éden
……….une conque pour tipi
…………….s’encorbelle
……………….l’en vie
*
La voix des roseaux
Les roseaux musiciens rêvent près du rivage
de fines feuilles – papier froissé – glissent sur l’eau
L’onde lave les mots – s’imprègne de leur chant –
Tout est sans voix – réunifié dans le silence –
Les rameaux en miroir pêchent les secrets
Au son des flûtiaux ils atteignent l’ombre
des chênes célestes où pierre sur pierre
les nuages posent corbeilles de berceaux
Carmen Pennarun
Les faiseurs de pluie
Elle voudrait dire des mots d’amour
dont elle s’éloigne
Il aimerait rire au petit jour
mais il s’attriste….. ses rêves
déraillent….car il s’en nuit
Ils voudraient sentir les gouttes de pluie
sur la cambrure de leurs reins nus
en lentes coulures….froides….les saisir
Ils aimeraient….. hors des murs
sur les jupes du vent
peindre leur fantaisie et se nourrir
des riens effilochés du souffle réinventé
Leur maison est un voyage qu’ils construisent pas à page au cœur d’une vie
trop sage
Le corps ne suit pas – lourd – il reste à la
traîne de l’esprit
On le devine comme une ombre alourdir la marche – silencieuse –
La nature s’emmêle… dans une course vertigineuse
elle précipite l’être vers le repaire de l’âme
face à face….. elle et lui…
le désir découvre son portrait
Sain et sauf
tout près du cratère de l’oubli
ils célèbrent l’éphémère allégresse
Avril s’étend devant l’âtre qu’automne allume
l’aurore s’abreuve du nectar de la nuit
au ruissellement pur de l’air de la lune
Carmen Pennarun le 13 juillet 2011
Le sourire de l’homme biscuit
Tout son corps d’argile
appuyé sur une statique
en triangle
se projette dans un mouvement
qui le pousse vers l’avant
A l’opposé
sa nuque puissante
se vrille vers l’arrière
Les pieds enracinés
et l’horizon perché
sur le fléau de son regard aveugle
il sonde le ciel
…………..en diagonale…
……………………étire l’espace
Ses mains posées sous la poitrine
rassemblent l’équilibre
au centre de son être
Les fibres de hasard
des pans de sa tunique
retombent sur le sol
et le gardent de toute chute
– tant qu’il restera debout –
Son improbable présence
que chaque foulée remet en jeu
divise les perceptions.
Je le pense ouvert/il interroge
et réveille le trouble
De terre et d’eau façonné
il a pris corps dans le réel
et m’abandonne sa transparence
joyeuse
Carmen Pennarun le 16 juillet 2011
La vanité, 1897, huile sur toile de Giovanni Segantini
Eve des Alpes
L’éclat de la couleur
en touches cristallines
dans le miroir de l’œil
recrée le paysage
d’Engadine
Illusion d’une technique
que le maître domine
du haut de sa solitude
fière qui lui prendra la vie
Tout vibre dans ces montagnes
où la nature s’incline
devant la jeune fille
qu’elle a créée – Eve
participe de cette beauté –
Elle dépose sa tunique blanche
et du murmure de la source s’approche
Pieds libres sur la roche elle contemple
une masse fauve qui serpente
Est-ce sa chevelure qu’un souffle agite
ou une ligne mouvante et mystérieuse
venue troubler le miroir de l’onde ?
Elle soulève ses mèches et ne voit que son visage dans l’eau vive.
Serait-ce elle si blanche et svelte ?
Seule…une plante croît qui s’ignorait
L’énergie-sève monte de ses racines
Jusqu’à la coupole de ses blondes lianes
Par quelle bouche d’ombre surgit cet hydre
persifleur d’illusoires angoisses ?
La vérité ne peut trahir l’étoile d’un visage
Que l’eau en sa surface a révélée
Dans cet Eden des hauteurs
où fleurissent entre les pierres
des rhododendrons sauvages
Rêve découvre son corps
Fleur-miroir de la nature vierge
Audace de pureté nue sur la toile
Dans la rudesse d’une vallée sauvage
l’artiste s’abandonne au rythme lumineux
de sa passion créatrice – La Vanité naît –
Carmen
P. le 7 juillet 2011