Noir à l’Ouest

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NOIR À L’OUEST 
 
 
NOIR À L’OUEST de Pierre-Alain GASSE est un recueil de dix nouvelles dont les intrigues se déroulent
dans l’Ouest, depuis les marches de la Bretagne historique jusqu’aux confins de l’Argoat. Le recueil a été publié en octobre 2010 chez TheBookEdition.
La couverture sobre et glacée est illustrée d’une photo en noir et blanc ; au crépuscule, des silhouettes de grands chênes se
détachent dans le ciel.
Un livre élégant de format 11cm x 20 cm, 218 pages, 14,95 €.
 
La critique :
La lecture des nouvelles n’a pas trahi mon impression première. Il y a toujours de l’appréhension à entrer dans une lecture quand on
ne connaît pas une plume. Mes inquiétudes se sont vite dissipées.
Je vais vous présenter  toutes  ces  nouvelles sans vous en dévoiler les intrigues.
    Les  Amants du Square Thomas Beckett : La biographie d’une
passion amoureuse dans une petite ville du Sud-Cotentin. En trois chapitres, l’histoire nous est contée avec beaucoup de rigueur. Un ton presque journalistique pour un engrenage de faits
réglés comme un mécanisme d’horloger. À partir du moment où les amants se sont reconnus, la passion les a sortis d’une existence monotone… existence vers laquelle ils ne pourront plus jamais
retourner.
     Adieu, Jean-Marie : Après un long parcours de vie, la
vieillesse solitaire est bien lourde à porter. Le personnage, dont on découvre le passé, devient très attachant et, avec l’auteur, j’ai eu envie de le saluer à la fin de
l’histoire : «  Kénavo, Jean-Marie Le Minter ! »
     Lazlo : Un émigré hongrois, en pleine dérive dans un
port de Bretagne, voit un jour son passé revenir vers lui. Comment ce «taiseux », habitué des bistrots, pourra-t-il affronter cette lame de fond ? Touchant.
    La Bêcheuse de la Béchue : Une mortelle rencontre entre deux « enfants » blessés par la vie.
On retrouve ici un enchaînement d’évènements qui va conduire deux êtres, après plusieurs mauvaises voies, dans une impasse… jusqu’à l’inévitable. Un fait divers traité avec tact, sans jugement
mais avec une grande ouverture de cœur.
    Le disparu de la rue du Four : Une ville de province avec ses médisances. La vengeance parfaite d’un
fils justicier. Impeccable.
    La fille de L’Ankou : Flirt avec la mort. Un sujet dont on nous a rebattu les oreilles en Bretagne mais
il est traité ici d’une façon inhabituelle et avec beaucoup de sensualité.
    Bouquet garni : Une enquête pour le moins originale et bien persillée ! Où l’on voit comment une
blessure d’amour propre parvient, bien des années après, à venger indirectement un acte resté impuni. Délicieusement macabre.
    Luka : Une adolescente maltraitée prend son destin en main. Elle fait une rencontre… un regard qui va
provoquer en elle  la prise de conscience de l’intolérable, ce qui va la décider à sortir de l’enfer qu’est sa vie. Une belle maturation des pensées
de la jeune fille.
    La Prof : Une fin de carrière que l’on ne souhaite à personne, mais un texte qui rend au  métier d’enseignant ses lettres de noblesse et nous dispense, par le biais d’une superbe explication de texte, quelques conseils sur l’Art d’écrire une
nouvelle.
    In Memoriam : Itinéraire d’un mal aimé. Sébastien « tombe » par hasard sur un avis
d’obsèques. Les souvenirs reviennent et avec eux l’espoir fou que sa famille éprouve peut-être à son égard un soupçon d’affection. Dur.
 
Extrait :
J’aurais souhaité placer ici deux ou trois extraits de ces nouvelles, mais une mise en garde,
en page 4, rappelle la loi du 11 mars 1957, interdisant toute reproduction. Je me plie, avec
regret, à cet avertissement qui me dissuade de  tout partage. C’est le seul point négatif de ce recueil.
Il faudra donc me croire sur parole si je vous recommande de le lire. Vous passerez, à n’en pas douter, un bon moment de
lecture avec ces personnages aux vies taillées  par un souffle venu de l’Ouest.
 
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La nature en piste

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La nature en piste

 

 

Tendez la main

aux petits pas fins

qui élisent silence

dans le bruissement

des espaces zélés

 

Ecoutez…

la cigale ne chante pas

elle rompt le calme

et la fourmi

en est toute désorientée

 

L’une stridule, l’autre mandibule

 

La nature offre à la cigale la blancheur

tactile d’un chemin de son, elle abandonne

la fourmi à l’encodage de ses pistes

aléatoires

 

L’enfant regarde, il est l’œil dans le bec de la vie

et rêve à la grande personne qu’il sera

 

Mais homme…. il ne se retrouve

que dans l’effondrement

de ses tours d’orgueil

quand les illusions se retirent

et que demeure

l’œuvre du silence

à faire naître

dans un mouvement

de petits pas fins

qu’un chant de cigale

accompagne

 

 

 

 

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Iris de Terre

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Iris de Terre

 

 

 

L’œil était de marbre

fendu jusqu’à l’os

dans un nid de paille

ouvert à tous vents

 

 

Du silex des mots

jaillit l’étincelle

cueillie au plus fort

de l’humain

 

 

Terre affaissée ivre

sous un ciel de pluie

courbe 

la vie et dessine

ses rêves

sur un tapis de vaches

maigres

 

 

Taire la nuit

où respire encore

un soleil fantôme

et couvrir le silence

d’un chant de neige

nomade

 

 

 

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Le jongleur de Maurice Carême

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Le livre : LE JONGLEUR de Maurice Carême ; recueil
posthume publié par la fondation Maurice Carême aux éditions L’
Âge d’Homme.

En couverture, une aquarelle de Roger Somville : un personnage, sans doute  un
« saltimbanque » dont les vêtements se fondent au décor. Les couleurs chaudes et automnales laissent apparaître, en réserves blanches sur le papier, un visage tendu délicatement
attentif et des mains posées comme les ailes d’une colombe.

 

Présentation : « Le jongleur », un recueil au ton
ironique, voire facétieux où l’on retrouve avec bonheur la poésie tendre de Maurice Carême. Les jongleries, proches du monde de l’enfance, nous emmènent dans un univers étrange où nous nous
retrouvons, de façon inattendue, devant des questionnements existentiels. De pirouettes poétiques en paroles de sagesse ; nous nous laissons prendre par cette plume qui n’est pas à réserver
aux écoliers.

 

La critique :

 

Le jongleur, un titre qui rassemble des poèmes sur lesquels souffle l’esprit de la fête. Une fête proche de la vie, où joies et peines
se mêlent. Du tremplin de l’insouciance, pareil à celui de  la jeunesse,  nous apercevons, dans le miroir
des mots, les tours que la mort suspend au cours des expériences du quotidien. « Jouer est toujours dangereux » nous prévient le titre d’un de ces poèmes.

Jouons, jonglons, lisons avec le poète pour mieux conjurer la mort !

 

« Tu jongleras jusqu’à la fin

Au risque de tout démolir »

 

Le jongleur, même « s’il sait très bien que ce qu’il fait ne sert à rien », jongle avec des clous, de l’eau, du feu, des
dés, des poux « tellement il aime le jeu… pour tirer du plomb des grains d’or ». Il jongle avec des anneaux, des clefs, des miroirs, avec sept boules, avec le sourire, avec des rois,
des reines, des tours… il jongle avec des animaux, un ours, un caméléon bleu, un éléphant et l’armoire à glace et tant pis si « seule, à tous les coups, la mort gagne » !

Ce prestidigitateur fait sortir le diable de l’œuf où il habite, c’est son métier et il y travaille avec sérieux, du mieux qu’il peut.
N’est-il pas métier plus dur que d’être heureux ?!

L’illusion nous guide tout au long de la lecture, la fleur se transforme en oiseau puis en chapeau, elle devient serpent à sonnette et
retombe en sac de noix, puis redevient oiseau et à nouveau chapeau.

Cette poésie est gaie puisque « la vie est bleue » et que le poète « change la pluie en cigale » et « lit
dans les étoiles ».

Pourquoi s’empoisonner la vie ? Remettons au lendemain les choses qui nous « entortillent » ! Ne voyez-vous pas un
ours danser sur une échelle, et lorsque l’échelle se brise, ne le voyez-vous pas s’en aller danser sur l’arc en ciel ? Là, il  fabrique une
échelle de barreaux de lumière et redescend sur Terre.

 

Assurément Maurice Carême savait jongler aves sa muse, et lancer sa joie aux fenêtres que sont les livres dans nos vies pour mieux
nous entendre chanter et nous voir danser.

 

« La vraie fortune,

C’est de savoir que le seul tour

Qui vaille ici d’être joué

C’est d’être aimé », nous dit l’ami, comme s’il était là. Et je ne doute pas de ses paroles lorsqu’il nous questionne et nous
suggère une réponse dans ces vers :

 

« Le paradis ?

Vous l’avez. N’est-il pas promis

À tout ceux qui auront osé

Simplement, ici, le rêver ? »

 

 

En lisant  cette poésie,
fantastiquement colorée  j’ai rencontré un humaniste, et cette découverte est une joie.

 

L’intégralité d’un poème pour clore cette critique :

 

 

POURQUOI INTERROGER LE CIEL ?

 

Pourquoi interroger le ciel

Et jongler ave les étoiles ?

L’enfant qui joue avec sa balle

Et qui croit son jeu éternel,

Refait l’univers à son gré.

Mais qui cueille la chicorée

Quand il y a des orchidées ?

Le mage au cerveau enflammé,

Que des vols blancs vont traverser,

Tente chaque fois le destin

Sans jamais savoir ce que l’ombre

Va se résoudre à lui répondre

Quand il tient la clarté en main.

 

 

 

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Une aube comme une autre (ou presque)

 

 

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Une aube comme une autre (ou presque)

 

 

 

Perdez-moi à l’aube des mille et une nuits
Rouge émoi en dédales d’histoires
Jeux d’alouettes à l’orée des miroirs

 

du puits noir aux déco-vertes  sans crainte l’enfant
se jette dans la fosse des mondes flottants

 

Elle saisit chaque mot de la corde à nœuds
Liane née parmi les racines de mangrove
Frivole elle s’envole vers son Land Love

 

 Carmen P.

 

Vues du Sol de Frédéric Halbreich

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Le livre :

 

« VUES du SOL », de Frédéric Halbreich

Editions : La lettrine Culture

Collection : Les poètes de l’imaginaire

 

Un recueil de 52 pages qui rassemble 39 poèmes,  tous centrés. Chaque vers commence
par une majuscule.

L’éditeur présente ces VUES du CIEL « comme autant de clichés improbables dans une époque qui ne l’est pas moins ».

 

Mes impressions de lectrice :

 

Frédéric Halbreich est peintre, il nous offre ici ses créations poétiques.

À première vue, cette poésie peut paraître aseptisée car l’artiste en a retranché tout le superflu.

J’y ai lu une fascination pour le vide, un vide souvent empli de silence que seules, 
l’exploration par le cri, la puissance vibratoire d’une couleur ou l’énergie  du mot juste peuvent saisir.

Le vide n’y est jamais figé, l’empreinte du poète provoque sa mobilité et ses ondes 
vibrent jusqu’à  l’oreille sensitive du lecteur.

 

Poésie des couleurs qui nous laissent imaginer les tableaux du
peintre :

« La tentation laquée / Épelle un cri / Tout entier contenu / Exprimé dans l’éclat / Comme une luisance  »

Les couleurs dansent leurs sensations aux détours des vers : le monochrome est illusion, les brillances sont rythmiques, le jaune
est harmonique à moins qu’il n’évoque le son du jaune glacé, le silence est bleu, la luminescence est noire, la blancheur parfumée…

 

Chaque poème, comme une lame chauffée à blanc, œuvre avec la fulgurance de l’éclair.

L’auteur laisse le fil des mots ouvrir une brèche par où s’insinue  la poésie jusqu’au
noyau de l’émotion.

Je qualifierais cette écriture de foudroyante !

Les poèmes de Frédéric Halbreich partent comme des flèches, certains mots glissent d’un vers au suivant comme pour éprouver le
meilleur alignement. En général je traque les répétitions, mais là ces mots répétés n’en sont pas.

 

Je cite l’auteur : «  Rien ne trouble le fil / De la lumière / De la ligne / De l’esprit / Car l’esprit est
une droite / Lancée vers la lumière  ».

Vous l’aurez compris il y a du mouvement  dans cette poésie, elle palpe « la
proximité de l’intention », glisse « sous le silence tactile », « apaise l’ombre ».

Le vent semble la guider : «  le vent nu, le vent aux nocturnes dansées, le vent débouclant de saines envies, le vent
souffrant, le vent qui enfin apporte le temps des jappements déserts. »

En lisant ce recueil on voit la vie se déployer sous l’alchimie des mots et le temps passe « qui appartient à la musique de
l’absolu ».

Tout est toujours à recréer dans un monde où « Le seul amour qui gagne / C’est celui du jour qui vient ».

 

J’ai aimé cette lecture qui satisfera les amateurs de poésie les plus exigeants.

 

 

… et l’oiseau voyage

 

 

 

CouvCarmen

 

 

Un article sur « L’oiseau ivre de vent » a été édité dans le magazine Nous, Vous, Ille du Conseil général d’Ille-et-Vilaine

(N°98 . juillet-août-septembre 2012), à la page 51 où figure une sélection de livres envoyés par les auteurs ou éditeurs de Bretagne.

 

Voici la critique du livre (critique présentée avec photo de l’ouvrage) :

 

Poèmes

Ancienne professeure des écoles, Carmen Pennarun s’est tournée vers l’écriture.

En éditant ses poèmes à compte d’auteur, elle fait le pari de toucher quelques lecteurs que ce genre ne rebuterait pas.

Elle devrait y parvenir tant elle sait jouer des mots et des sons.

Mais ce qui frappe le plus, c’est la puissance d’évocation de ses vers.

 

 

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Paul et Fanny (fin)

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Paul et Fanny

 

 

… Cette décision avait affolé sa mère, avec une tendresse anxieuse, toute
maternelle, elle était parvenue à le conduire chez le médecin, et de fil en aiguille, l’apathie causée par les anxiolytiques aidant, il avait été contraint de voir un spécialiste. Ensuite… il
avait découvert à cet état de « malade » quelques avantages.  Mais le jour où il vit pour la première fois Fanny, il fut pris de
panique ; toute cette vie confortable dans laquelle il s’était installé s’effondra comme monticule d’ordures, il crut entendre sa conscience ricaner de sa petitesse, et ce rire descendit en
cascade le long de sa colonne vertébrale. Tête vide, frissons, jambes en coton, est-ce cela l’effet coup de foudre ? 

 

Elle était trop bien pour lui. Il n’était pas préparé à une telle rencontre, s’il 
avait pensé cela possible, il ne se serait pas laissé gagner par l’apathie, il n’aurait pas sombré dans cet état qu’on appelle ‘ « longue maladie »

 

Ainsi durant des mois il observa Fanny… Il voulait voir si, en sa présence, son corps allait réagir à chaque fois fébrilement. Il
se demandait si cette jeune-fille allait être capable de l’émerveiller chaque jour… si tel était le cas, cela méritait qu’il revoie son schéma de vie et qu’il ose pour elle, pour eux , se lancer
dans la machine à broyer l’humain qu’était le travail à ses yeux. C’est ainsi qu’ il s’est imprégné de la présence de Fanny, qu’il s’est 
« acclimaté » à elle en vivant durant un certain temps dans sa proximité… oh, il ne l’avait jamais  dérangée, il avait su se montrer discret
et il espérait avoir éveillé sa sympathie…

 

Il lui parlerait demain. Il lui proposerait une sortie le dimanche suivant. L’heure était venue de déclarer ses sentiments.
Peut-être n’attendrait-il même pas le lendemain, si la vie le permettait !

 

 

Sa première journée de travail touchait à sa fin et c’est un Paul boosté par de bonnes résolutions qui enfourcha son vélo. Il
était trop tard pour faire un arrêt au bar, mais avec un peu de chance et en pédalant vite, il pourrait peut-être saluer Fanny après qu’elle ait abaissé le volet roulant de la porte du Bar du
centre. C’est cela, Il la surprendrait dans la venelle qu’elle emprunte toujours en sortant par l’arrière cour. Ah, voir Fanny sans attendre l’ouverture du lendemain ! Il s’en réjouissait
d’avance.

 

Il fonça au rythme d’une échappée suicidaire, il se voyait déjà descendant de vélo sans freiner, jetant sa monture au fossé, et
sans perdre le moins du monde l’équilibre, dans un bel envol calculé, se présenter face à sa belle rayonnant d’une journée harmonieuse de création de mandalas.
Mais il ralentit à l’approche du bar, Fanny, il la voyait de loin, elle n’était pas seule, elle parlait avec un homme, un homme qu’il ne
connaissait pas, mais dont il aurait pu flairer les intentions à dix kilomètres à la ronde, un homme jeune en bermuda blanc et chaussures bateaux, un touriste quoi, qui ne quittait pas sa Fanny
des yeux en lui parlant et, il ne rêvait pas, il  lui posait même  la main sur l’épaule. Paul ralentit
suffisamment son allure le temps de saisir au passage l’expression du visage de Fanny ; elle souriait et son teint était rose.

 

Paul avait bien pressenti l’urgence dans la journée, mais au quart d’heure près  et à
cause de sa timidité maladive, un autre lui ravissait sa déclaration.

 

Le sourire de Fanny destiné à l’autre, c’était le diable qui inscrivait la mort sur les murs de sa vie… aucune peinture, aucun
amour, aucune autre présence ne pourrait en effacer les tags… il se sentait marqué au fer blanc dans sa chair, il serait banni, à vie, du clan des prétendants au bonheur.

Un peu plus loin,  il faillit aller tout droit au lieu d’amorcer le virage et il se
fit klaxonner par un véhicule. Fanny l’avait-elle remarqué ?

Il avait encore raté une occasion d’être digne, demain il alimenterait encore les potins scabreux des habitués du
bar.

La tête en vrac, les guibolles en plomb…  à peine arrivé chez lui, Paul se jeta sur
son futon  La tête sous la couette, ne plus penser… dormir.

 

— Est-ce que je peux ?

— ….

— Paul, est-ce que je peux rentrer ?

— Qu’on me foute la paix ! grogna Paul en se rétractant encore plus sous la couette.

— Paul… c’est moi Fanny !

— Fanny ! s’exclama Paul, en émergeant d’un bond de son volumineux duvet.

C’était bien Fanny qui se tenait dans l’entrebâillement de la porte de sa chambre et Paul se félicita de ne pas avoir pris le
temps, comme il le faisait habituellement, de se mettre en tenue d’Adam pour dormir.

— Mais Fanny… que fais-tu là ? Comment as-tu eu mon adresse ?

— J’ai fait du stop. Comme tu as failli aller dans le décor, je me suis inquiétée…

Tu ne répondais pas, alors je me suis permis d’entrer, tu avais laissé ta porte entr’ouverte.

— Tu t’es inquiétée pour moi, réellement !?

— Bien sûr. Tu te réjouissais tant à la perspective d’aller travailler, j’ai cru que ta journée s’était mal passée, et je n’ai pas
voulu attendre demain pour avoir des nouvelles. C’est Maurice qui m’a donné ton adresse.

— Maurice !?

— Oui, qu’est-ce que tu crois, c’est un brave sous ses airs goguenards. Il te met en boîte mais il était rudement content,
aujourd’hui, de te voir bouger. Tout comme moi, ajouta-t-elle en rougissant.

 

Et elle rougissait pour lui, Paul… Ah, Fanny !

 

Fanny n’avait plus besoin de dire un mot, Paul avait compris… les tags sur ses murs de tristesse s’effacèrent avec ce
sourire  et Fanny remarqua enfin, sur le mur derrière le lit, un poster géant représentant la Vénus de Botticelli. Tout était parfait, elle défit sa
chevelure, des violettes tombèrent de ses mèches

 

Fanny était la fleur au centre du mandala de la vie de Paul. Il l’avait su au moment où il avait placé le delphinium au cœur de sa
plantation cet après-midi.

 

Cette nuit là, un autre mandala prit forme sur le futon… et le lendemain ce serait 
ensemble que Paul et Fanny arriveraient  au bar du centre. Paul imaginait déjà les sourires sur les visages des trois
« intrigants ».

 

Fin