L’érable oublié
Il pousse l’érable champêtre dans ce parc où en l’an 2000 j’étais venue le planter.
Ne reste que son souvenir chez la maitresse et peut-être chez quelques élèves.
Une signalétique indique le nom de l’enseignant. Je n’ étais jamais retournée ici depuis ce mois de novembre, il y aura bientôt douze ans, et ma famille en a été doublement
surprise.
Il est des temps forts dans notre vie qui échappent à ceux qui nous aiment.
Mais avec les personnes qui nous aiment… vivons-nous suffisamment de temps riches d’eux, de nous ?
Cette qualité de présence à l’autre je l’ai donnée aux enfants, aux miens et à tout enfant qui a partagé une année ou quelques mois de sa vie en ma compagnie.
L’enfant est si authentique, qu’avec lui je peux être moi-même. Je cherche cette vérité, qu’elle se manifeste dans l’agitation ou dans la sérénité, peu importe, mais qu’elle soit
autour de moi ! Aucune vibration ne me la transmet, si ce n’est celle de la nature ou celle des animaux. Parfois je la ressens lorsque je suis concentrée dans l’écriture ou lors de
créations artistiques,
à condition que je sois seule.
L’art est-il vivant ? L’écriture n’est-elle pas vaine ? Me laisser absorber par ces activités, n’est-ce pas pure lâcheté et abandon de l’autre ?
Longtemps je me suis refusée la lecture, mes journées étaient bien trop actives pour que je puisse m’évader… j’avais un pincement au cœur lorsque je pensais à ce désir que je mettais en
veilleuse, mais mon cœur était bien trop vaste pour que ce petit espace de frustration devienne aire de souffrance.
Les enfants ne sont plus dans ma vie… dans un parc pousse un érable oublié. C’est le temps de la lecture silencieuse et de l’effacement.
L’amande est silence
Le silence a le souffle court
Cours y vite… Cours si vite
qu’un instant fugitif suffit !
Fatiguée de porter fardeau
Des sons envahissants élisent
demeure dans ma raison
sinistrée et la boue souille
jusqu’aux combles mon univers
Je dépose la clé des autres
je tranche le fruit du silence
Son noyau comme une sphère
mûre s’ouvre sur le son pur
que nul vacarme ne vient trouer
Mon être seul façonne son silence
et j’entends le souffle créer
parole dans mon coquillage.
Le silence a le souffle court
Cours-y vite… Cours si vite
qu’un instant fugitif suffit !
J’entre dans l’espace interdit
Je rétroverse l’attention
Je n’enlève rien à l’amour
Je le tourne en dedans
Une fois
Deux fois
Trois fois
Aucun mystère… Au cœur donné
la vie n’accorde pas l’effet
boomerang
Je pose un acte de don vers soi
quand terre s’épuise de trop s’offrir
je n’écoute plus que ma voix
elle efface les empreintes
sonores et bourdonnantes
je ne surfe plus en surface
je plonge dans l’ordre du vide
Le silence au souffle puissant
s’installe entre chaque chose
il règne entre tous les instants
il rompt les chaînes des tensions
discipline la cacophonie
des sons et prépare sa palette
inédite aux couleurs de joie
profonde
.