Absence

maurizio-vinanti

 

Ils ne viendront pas à Noël

six mois de séparation

me semblait supportable

mais de patience il faudra double dose

 

Ils ne viendront pas à Noël

la neige aura le temps de fondre

les fleurs de cerisiers seront envolées

pour moi, elles seront rouge d’émotion

 

Ils ne viendront pas à Noël

j’ai rêvé que je ne trouvais pas de cadeau

pour l’enfant qui me connaît si peu

entre nous l’Océan s’engouffre

 

Ils ne viendront pas à Noël

la voie du cœur depuis longtemps entretenue

s’écarte bien malgré moi de l’existence

et c’est mon âme qu’on écartèle

 

Ils ne viendront pas à Noël

l’enfant grandit loin de ceux qui l’aiment

ignorant l’affection qu’on lui retranche

sans vigilance la Vie s’évanouit sur la distance

 

Ailleurs, un jour béni elle s’épanouira, sans doute

mais l’aïeule ne sera plus

 

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So cute!

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Ce soir
je ne dormirai que d’un oeil.
En babygro à rayures
kitten je deviens !

Dans cette chambre étrange
je ne suis plus so cute
la fenêtre a oublié de s’ouvrir
à l’heure du marchand de sable.

Je ne dormirai pas ce soir.
L’oeil vif malgré la fatigue
j’attends que mes parents
se glissent à mes côtés.

J’attends
qu’ils chassent l’ombrage
de ce lieu qui ne m’est pas familier.

Ensemble, le sommeil nous bercera
papa, maman, et mon babygro à rayures.

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Carmen P.

Sourire sépia

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C’était peu après la guerre
Elle a offert ses seize ans
Au bel étranger militaire
Seize ans et bientôt maman !

Elle sourit sur la photo jaunie…

L’amour était précoce
À l’époque pas si lointaine
Où fonder une famille
Etait la mission suprême

Elle sourit sur la photo jaunie
À côté de l’homme de sa vie…

De la tentation du courage
Sont nés de beaux enfants
Fruits du déracinement
Et de lointaines prières

Elle sourit sur la photo jaunie
À côté de l’homme de sa vie
Son regard éblouit…

Les grands- parents impuissants
Ont vu partir leur enfant
Et sur sa joie de chair
Ont laissé crever leurs larmes

Elle sourit sur la photo jaunie
À côté de l’homme de sa vie
Son regard ébloui tourne
L’avenir au gré de son âme…

Les sourires sur les clichés sépia
Ne disent pas toute l’histoire
Quand l’amour prend des ailes d’acier
Et que tremblent les vieilles souches

Un confetti bleu

Arthur Beecher Carles - Silence, 1908

Un peu de ciel devrait suffire
pour revêtir de compassion
la tragédie dans sa nudité.

Un fragment aussi petit
qu’un confetti
qu’un grain de riz
qu’une pupille
aussi fragile qu’une porcelaine
bleue

Oh, bleu ! crie la joie
qui a perdu saveur
qui a perdu odeur
qui a perdu demeure
car l’innocence est désincarnée.

Oh, bleu ! Existe-t-il
un coin dans tout coeur
où tu puisses germer
un point en tout coeur
un point…
de proximité, non pas à l’infini
quand l’horizon du futur
n’est qu’ un rêve qui ne tient jamais
ses promesses d’apaisement
dans un monde en perpétuelle recherche
de Paradis
alors que l’amour est là ?

.
Carmen P.

illustration : Arthur Beecher Carles – Silence, 1908

Une île

Starfish Beach, Grand Cayman

(photo Nature’s lover)

Ceux qui vivent le long de mes côtes sont des amis que des courants marins ont portés par d’invisibles fonds. Ces profondeurs nous lient et nous délient constamment en paroles et en silences, elles ne sont jamais abîmes… car je vis sur une île mais elle est intérieure, c’est mon sanctuaire, vibrant de couleurs changeantes, ses eaux s’harmonisent avec mes états d’être. Peu importe si le crissement des grillons et non le cri des oiseaux marins vient fouiller ce silence, il est le signal du départ, il soulève, par sa musique, le poids des choses et permet de partir explorer ma terre – comme on lève l’ancre pour partir en mer, il me faut un geste ou un son pour activer le mouvement. Dans cette île où mes propres traces m’égarent, c’est toujours un plus petit que moi qui égraine des notes et m’interpelle. Il me sort de mon égarement en intensifiant la luminosité de mon phare. Quelle serait l’utilité d’un phare s’il n’y avait l’espoir d’une approche ?

Carmen P.

Tristesse et joie

Nicolaï Titov

La tristesse s’installe
chaque jour je l’époussette
elle défie mes aspirations
invisible, sous panache « clean ».

La joie parfois improvise
un ballet d’étincelles sauvages
qui éclatent en mirages
puis se laissent choir, désordonnée.

C’est à prendre ou à laisser
tristesse et joie se succèdent
à moins que ne cohabitent
ces anges en nos ciels capricieux.

Carmen P.

(photo Nicolaï Titov)

Toiles étoiles

contre-jour Wilson Tan
(photo Wilson Tan)

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des toiles en ton sombre intérieur – tais-toi !
des étoiles au printemps élèvent leur chant
leurs aigrettes avec le vent conversent
chaque fibre exerce son balayage
de tristesse et les capillaires lissés
jusqu’au détachement s’électrisent

l’aura se révèle capteur de lumière

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Carmen P.

Le pot d’argile

pot d'argile

Un pot d’argile
jamais ne vaudra
la pleine terre
où fourmille l’envie

Reléguée au coin
– angle de contrition-
la fleur s’épanouit
au boîteux d’un espace
auquel son flétrissement
accordera sa grâce

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Carmen P.

Sculpture sur bois

sculpture Debra Bernier

(Oeuvre : sculpture de Debra Bernier)

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Le bois grave ses propres sillons
qu’il suffit à l’artiste d’appuyer
laissant aux figures encore sauvages
leur espace de discrétion

L’offrande d’une plume niche
le respect au sein du non-révélé

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Carmen P.