So cute!

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Ce soir
je ne dormirai que d’un oeil.
En babygro à rayures
kitten je deviens !

Dans cette chambre étrange
je ne suis plus so cute
la fenêtre a oublié de s’ouvrir
à l’heure du marchand de sable.

Je ne dormirai pas ce soir.
L’oeil vif malgré la fatigue
j’attends que mes parents
se glissent à mes côtés.

J’attends
qu’ils chassent l’ombrage
de ce lieu qui ne m’est pas familier.

Ensemble, le sommeil nous bercera
papa, maman, et mon babygro à rayures.

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Carmen P.

Sourire sépia

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C’était peu après la guerre
Elle a offert ses seize ans
Au bel étranger militaire
Seize ans et bientôt maman !

Elle sourit sur la photo jaunie…

L’amour était précoce
À l’époque pas si lointaine
Où fonder une famille
Etait la mission suprême

Elle sourit sur la photo jaunie
À côté de l’homme de sa vie…

De la tentation du courage
Sont nés de beaux enfants
Fruits du déracinement
Et de lointaines prières

Elle sourit sur la photo jaunie
À côté de l’homme de sa vie
Son regard éblouit…

Les grands- parents impuissants
Ont vu partir leur enfant
Et sur sa joie de chair
Ont laissé crever leurs larmes

Elle sourit sur la photo jaunie
À côté de l’homme de sa vie
Son regard ébloui tourne
L’avenir au gré de son âme…

Les sourires sur les clichés sépia
Ne disent pas toute l’histoire
Quand l’amour prend des ailes d’acier
Et que tremblent les vieilles souches

Un confetti bleu

Arthur Beecher Carles - Silence, 1908

Un peu de ciel devrait suffire
pour revêtir de compassion
la tragédie dans sa nudité.

Un fragment aussi petit
qu’un confetti
qu’un grain de riz
qu’une pupille
aussi fragile qu’une porcelaine
bleue

Oh, bleu ! crie la joie
qui a perdu saveur
qui a perdu odeur
qui a perdu demeure
car l’innocence est désincarnée.

Oh, bleu ! Existe-t-il
un coin dans tout coeur
où tu puisses germer
un point en tout coeur
un point…
de proximité, non pas à l’infini
quand l’horizon du futur
n’est qu’ un rêve qui ne tient jamais
ses promesses d’apaisement
dans un monde en perpétuelle recherche
de Paradis
alors que l’amour est là ?

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Carmen P.

illustration : Arthur Beecher Carles – Silence, 1908

Une île

Starfish Beach, Grand Cayman

(photo Nature’s lover)

Ceux qui vivent le long de mes côtes sont des amis que des courants marins ont portés par d’invisibles fonds. Ces profondeurs nous lient et nous délient constamment en paroles et en silences, elles ne sont jamais abîmes… car je vis sur une île mais elle est intérieure, c’est mon sanctuaire, vibrant de couleurs changeantes, ses eaux s’harmonisent avec mes états d’être. Peu importe si le crissement des grillons et non le cri des oiseaux marins vient fouiller ce silence, il est le signal du départ, il soulève, par sa musique, le poids des choses et permet de partir explorer ma terre – comme on lève l’ancre pour partir en mer, il me faut un geste ou un son pour activer le mouvement. Dans cette île où mes propres traces m’égarent, c’est toujours un plus petit que moi qui égraine des notes et m’interpelle. Il me sort de mon égarement en intensifiant la luminosité de mon phare. Quelle serait l’utilité d’un phare s’il n’y avait l’espoir d’une approche ?

Carmen P.

Tristesse et joie

Nicolaï Titov

La tristesse s’installe
chaque jour je l’époussette
elle défie mes aspirations
invisible, sous panache « clean ».

La joie parfois improvise
un ballet d’étincelles sauvages
qui éclatent en mirages
puis se laissent choir, désordonnée.

C’est à prendre ou à laisser
tristesse et joie se succèdent
à moins que ne cohabitent
ces anges en nos ciels capricieux.

Carmen P.

(photo Nicolaï Titov)

Toiles étoiles

contre-jour Wilson Tan
(photo Wilson Tan)

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des toiles en ton sombre intérieur – tais-toi !
des étoiles au printemps élèvent leur chant
leurs aigrettes avec le vent conversent
chaque fibre exerce son balayage
de tristesse et les capillaires lissés
jusqu’au détachement s’électrisent

l’aura se révèle capteur de lumière

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Carmen P.

Le pot d’argile

pot d'argile

Un pot d’argile
jamais ne vaudra
la pleine terre
où fourmille l’envie

Reléguée au coin
– angle de contrition-
la fleur s’épanouit
au boîteux d’un espace
auquel son flétrissement
accordera sa grâce

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Carmen P.

Sculpture sur bois

sculpture Debra Bernier

(Oeuvre : sculpture de Debra Bernier)

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Le bois grave ses propres sillons
qu’il suffit à l’artiste d’appuyer
laissant aux figures encore sauvages
leur espace de discrétion

L’offrande d’une plume niche
le respect au sein du non-révélé

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Carmen P.

Chronique de « Nuit celte, land mer »

Couverture Nuit celte, land mer - Copie

Voici le lien vers une chronique de L’Ecritoire des Muses. La note sur le recueil de poésie « Nuit celte, land mer  » a été réalisée par Annie Forest-Abou Mansour.
J’espère que ceux et celles qui ont lu ce recueil y retrouveront leurs impressions de lecture.

http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2016/05/07/nuit-celte-land-mer-5798931.html

(si le lien n’apparaît pas je le remettrai en commentaire)

Comme je ne parviens pas à mettre le lien, voici le copié-collé du texte :

Les côtes d’Armor, Brocéliande, l’Océan, l’œuvre de Dariusz Milinski, des univers oniriques, sources d’évasion, de bonheurs fugitifs ineffables, d’inspiration à travers lesquels tout un développement, à la fois symbolique féérique et réaliste, immédiatement sensible perle dans le recueil de poèmes Nuit celte, land mer. L’écriture ailée, vaporeuse de Carmen Pennarun fait vibrer les sensations les plus ténues, mêlant couleurs, fragrances et sons. L’intensité éclatante du silence (« dans un silence à briser / la confiance du cristal ») parfumé, (« silence camomille ») met en valeur les bruissements les plus ténus de la nature, « clapotis », « voix de la mer », qui « infuse le son / vert dans le silence ».

Les plaisirs et les bonheurs fugitifs nés dans la nature saisissent l’essence des choses, la cristallisent dans une contemplation permettant l’accès à l’éternité, déployant une transfiguration quasi mystique du monde. La nature, lieu de refuge, faune et flore liées, devient bijou fragile et léger : « Etoiles sur lande /perlées de gouttes de pluie / œuvres d’araignées ». Arbres et plantes, sources de vie, d’oxygène, vivifient « les hommes affaiblis par la vie ». L’arbre, végétal au cœur de vieux sage « offre ses ramures en prière ». C’est un solide ami, toujours grandiose et majestueux jusque dans la mort, « Alors nous verrons ce monument / accoudé au sol une saison ou plus / tel un grand phasme végétal / – sa vie en suspens refusant l’affalement – / tenir la pose, constant dans sa gravité ». Il apporte la paix : « Le safran d’un geste respectueux endigue la haine ». La nature constamment personnifiée avec délicatesse et élégance (« (…) dans la nudité d’une présence qui offre son espace à la robe nature d’une nébuleuse verte » ») permet à l’homme de retrouver son authenticité, son humanité : « Le nichoir est un don, une boîte à rêves humains, que l’oiseau accepte parfois pour ramener l’homme à son humanité (…) ». La nature fait surgir de chacun de ses coins les plus secrets des apparitions enchanteresses permettant d’oublier un instant « les gifles du temps », la nostalgie qui souffle dans le cœur de chacun.

Dans des poèmes qui ont abandonné les rimes et la ponctuation, les syllabes féminines introduisent les phrases dans une sorte de lenteur et de points d’orgue, les sons masculins créent des échos dans lesquels la vie s’épanouit à la faveur de synesthésies parfumées, colorées, vibrantes : « L’étamine d’un frisson / s’envole d’aiguillon / d’une effluve améthyste / où vrombit le bourdon / la glycine hausse le ton ». Les mots rares, pittoresques, la pureté des images sculptent le réel dans un refus de la pesanteur. Les poèmes de Carmen Pennarun, – poèmes en vers libres, poèmes en prose, haïkus, – sont tout en légèreté vaporeuse, délicate et élégante comme l’aquarelle de la couverture du recueil. Ils disent le plaisir d’écrire et invitent aux joies de la lecture.

Annie Forest-Abou Mansour