Horta
Le cri est au cœur
ce que le geste est au corps
un mouvement qui trace
dans l’espace et transporte
notre essence au-delà
des limites convenues
des silences corrompus
Grâce, j’appelle la grâce
– l’harmonie naturelle –
pour des gestes et des voix
torturées
On baptisait l’homme en l’immergeant dans l’eau
Aujourd’hui, il doit se baptiser lui-même
en émergeant de la roche
L’être se construit et se déconstruit
Il se façonne et conquiert son espace
Il érige les parois qui le protègent
Il les fragmente ensuite pour renaître fragile
Horta de Ebro face à ta montagne
se devinent les visages
leurs facettes s’animent
– des tableaux cubistes –
ils deviennent bas-reliefs
et sortent péniblement
leurs traits des parois
expression tendue – un rictus –
illusion d’un sourire de chair
qui redevient grimace
dans la souffrance de l’effort
Un instant je recule
devant la monstruosité
de ce corps qui émerge
articule des sons inaudibles
Crainte que ce colosse
parvienne à s’extirper totalement de la masse
Crainte que cette sculpture s’écroule
Crainte qu’elle s’empare de moi
Ne redoute pas l’homme qui brise les remparts
qu’il a érigés autour de sa personne
l’ isolant du bonheur
Ôte ce masque
dont tu sens
l’inévitable délabrement
Libère-toi !
Une larme blanche
éclatée de la roche
tombe à mes pieds
.
.
.
du sang
(la photo de Horta est de Gilles P., le tableau de Picasso)