Down
et rouge est le couchant
Up
par-delà l’horizon
l’aube sourit à ceux qu’on aime
Down
et rouge est le couchant
Up
par-delà l’horizon
l’aube sourit à ceux qu’on aime
Balbutiements
Une présence juste réveille l’espace
à l’instant même elle trouve sa place.
Les paroles brouillées sculptent les pensées folles
et les cris étouffés, sur la croix des mots,
clouent le mohair des ombres.
Les vents contraires sacrifient l’en Vie
mais à la fourche du jour et de la nuit
une spirale s’anime dans un poudroiement de voyelles.
.
J’ai parlé l’anglais telle une langue maternelle
toi
ta patrie est devenue l’Amérique
J’ai cuisiné les mots et éduqué des enfants
toi
tu es l’artiste des mets et tu dresses les plats
Migrations
toute entière à la tristesse
épuisée
par la coupe des saisons
elle s’arrime mon âme
au vol des oies sauvages
noire
la crinière flotte dans le pré
où les sabots martèlent
enfer
la fille de l’air
ne peut protéger ses enfants
des tourments de la terre
elle ne sait que voler
et invite à la voie haute
par l’amour elle vit
pour l’amour elle meurt
son cœur scande le vide
quand parole et confiance
se heurtent aux épreuves
et disloquent son ouvrage
*
les instants passent
sans laisser de trace
quand la pensée fuit
les courants d’âme
déjà
dans l’aquatinte du regard
défilent
les ombres
oh…comme ces rêves
nés des espérances mortes
ouvrent à la mélancolie
lorsqu’ils nous ramènent
sur nos chemins d’amour
amants…amis…enfants
autant de blessures
que de tendresses – de vies – données
mères du passé
– cœur de familles nombreuses –
où cachiez-vous vos larmes ?
*
les enfants naissent des larmes
versées par toutes les mères
elles
irriguent la terre
ouvrent des chemins d’espérance
que d’autres mères pleureront
quand ils se refermeront
*
c’est l’automne
pour la première fois
j’ai vu un vol d’amour
migrer vers une terre d’enfance
il reviendra au printemps
d’instinct
je perçois son retour
.
De terre et d’oubli
le manège des siècles
tourné par dizaines
a effrité l’argile
de l’armée enterrée
sous le tumulus amendé
du fond de l’opacité sans âge
des milliers de soldats
veillaient sur le sommeil
éternel de leur empereur
tandis que pleuraient
les âmes des concubines
sacrifiées à l’inépuisable
folie
des grandeurs destructrices
les sculptures doucement
à la terre retombaient
quand… puissant…ce magma d’art brut
a éventré la montagne
– temple de l’armée dormante –
l’homme s’agenouille
et œuvre à la reconstruction du passé
il se glisse dans l’élan créateur
le ravive – l’offre aux regards –
et passe le souffle de l’Histoire
dans le grand corps de l’humanité
inaudibles
se libèrent les plaintes
des épouses oubliées
Les coquelicots
Les
coquelicots vibrent de leur présence
sur le tableau achevé…
Un jour
j’accrocherai aux cimaises
des soleils à brûler l’impossible
je punaiserai au plafond
des mots couleur de sang
et mes bannières criardes
danseront au vent de ma fantaisie
j’écartèlerai l’espérance
je dilaterai l’espace
repoussant ainsi les murs
de la matrice créatrice
Délire
La fleur de pastel de terre et de pétales
mêlée
pénètre ma peau…Sanguine
Maintenant
A l’heure de la marée
il pleut des larmes pourpres
sur mes plages imaginaires
et la houle chavire la grève
où je me suis échouée
les brisants emportent mes rêves
ils roulent, s’entrechoquent, éclatent
Déchaînement
J’attends le reflux
là de mes mains écorchées
je rassemble mes brisures
mes doigts n’effleurent
que pierres polies
Etonnement
Je regarde le ciel d’hiver, matin
frileux
horizon ouaté…pureté
Aspiration
Du faîte de mes passions
vivre à ciel ouvert
ma Vie à corps d’arbre
et bien enracinée dans mes certitudes
insuffler l’Amour dans ma sève
Simplement…
Le blanc sur mes tableaux aura le dernier mot.
Horta
Le cri est au cœur
ce que le geste est au corps
un mouvement qui trace
dans l’espace et transporte
notre essence au-delà
des limites convenues
des silences corrompus
Grâce, j’appelle la grâce
– l’harmonie naturelle –
pour des gestes et des voix
torturées
On baptisait l’homme en l’immergeant dans l’eau
Aujourd’hui, il doit se baptiser lui-même
en émergeant de la roche
L’être se construit et se déconstruit
Il se façonne et conquiert son espace
Il érige les parois qui le protègent
Il les fragmente ensuite pour renaître fragile
Horta de Ebro face à ta montagne
se devinent les visages
leurs facettes s’animent
– des tableaux cubistes –
ils deviennent bas-reliefs
et sortent péniblement
leurs traits des parois
expression tendue – un rictus –
illusion d’un sourire de chair
qui redevient grimace
dans la souffrance de l’effort
Un instant je recule
devant la monstruosité
de ce corps qui émerge
articule des sons inaudibles
Crainte que ce colosse
parvienne à s’extirper totalement de la masse
Crainte que cette sculpture s’écroule
Crainte qu’elle s’empare de moi
Ne redoute pas l’homme qui brise les remparts
qu’il a érigés autour de sa personne
l’ isolant du bonheur
Ôte ce masque
dont tu sens
l’inévitable délabrement
Libère-toi !
Une larme blanche
éclatée de la roche
tombe à mes pieds
.
.
.
du sang
(la photo de Horta est de Gilles P., le tableau de Picasso)
La grande vague
La vague déploie sa ligne
que le vent contre les brisants pulvérise
que le mouvement de l’eau
sur le moindre coquillage émoustille
Où est la limite
entre le sable et la moiteur qui fuse
entre la raison et la folie
entre la rage qui sculpte l’onyx
et la matière qui se prête ?
– Camille fait voler son burin –
Où est la limite
entre la puissance de la vague
et la vulnérabilité humaine
quand jaillissent les tentacules d’écume
devant le Mont Fuji impassible ?
– Hokusaï dompte les forces obscures –
Horizontalement
la silice du sable-buvard absorbe
l’humidité de la vie
Verticalement
le bleu de Prusse se jette à l’assaut
de l’espace-feuille si pur
et
la vague
comme un grand pétale élance ses arcanes
Des baigneuses insouciantes dansent
dans la main verte d’une somptueuse vague
Des pêcheurs dans leur embarcation
suivent le rythme d’une symphonie marine
Ce qui vibre dans le cœur de l’artiste
joue sa partition sur l’échiquier de l’univers
Tandis que le sol rampe sous la mer
les ailes de l’albatros l’élèvent
loin de l’épicentre de la douleur.
Eau, écorce, feu !
Soleil caché au noyau de l’orange
où sommeille la puissance…… à la périphérie
se cherche la limite entre toi et moi
Je porte terre en mon âme
L’épreuve de mon visage révèle le souvenir
de l’empreinte de tant de sourires
mais la ligne a déchiré de ses griffes
toutes les présences
ne laissant que lambeaux éparpillés
et des parfums
que les années ne parviennent pas à dissoudre
Ces dilutions infinitésimales concentrent la joie
sans jamais atteindre l’extrême pointe
de la vibration du rien absolu
Une ligne de sel sur mes joues dessine les résilles des jours évanouis
Quand viendra-t-il le temps qui jamais ne se refermera ?
À jamais l’instant reste suspendu à la crête d’une vague que l’artiste a figée