Dans nos forêts

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Vos troncs dressés comme les barreaux d’une cage
protectrice
arbres, robustes, au plus sombre du bois
arbres-refuges pour oiseaux innocents
j’éprouve votre liberté à ciel déployé

Oiseaux, couleurs données au souffle
léger
vos chants aux heures clémentes
augurent pour la nichée
un avenir fantastique
que seule la magie
saura exaucer

car rôde la barbarie

On entend son galop monstrueux
éperonné de haine en grand nombre
on l’entend enfler…

Oh, se contenter d’herbes folles
savourer l’odeur du foin
se confier au sommeil
laisser les lucioles tapisser
nos rêves de lumières !

Arbres, jardiniers de nos cœurs
remparts contre nos détresses
vous nous cachez vos tremblements
jusqu’au jour fatal de votre chute
oubliant vos propres tourments
pour nous élever à la hauteur
de notre Paix intérieure

Le poète tente de suivre
vos signes à la lettre
il les tisse en mots
qui toujours restent
de bois tendre
il ajuste sa voix
à celle du silence
son langage est de soie
il lisse les inquiétudes
dans le sens des veines !

Une question demeure
amis enracinés
et je lève les yeux
vers vos branches hautes
moi qui suis liée
aux sables mouvants
des heures et qui ne sais
projeter ma foi plus loin que
ce que mes sens me donnent à découvrir

Vous qui aimez l’homme fragile
d’une tendresse gracile et enveloppante
comment pouvez-vous laisser le loup
se cacher derrière vos troncs
au lieu d’accorder à l’agneau
la transparence. Le conte sur Terre
n’en deviendrait-il pas plus charmant ?

L’œil de l’agneau ignore les barreaux
tandis que l’homme, comme le loup,
suit toujours les lignes de ses ombres
que ses pupilles reflètent.
Il faut lever les grilles
et prendre le risque
d’être dévoré
avant d’espérer
entrer dans la forêt magique
où nous sera accordé
le don d’invisibilité

Les légendes qui courent à travers les bois
ne sont pas des histoires anciennes
le présent se suspend à la traîne
de la robe du temps et rejoint le passé

Seul compte le pas de la seconde en marche
son souffle gorgé du chant vivant du breuil
ouvre la sente où nous nous engageons nus
abandonnant la robe à l’orée de nos frousses

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Carmen P.

Au coeur de l’instant

Par l’écriture
atteindre le noyau de l’instant
toucher au plus sensible
et d’une mesure de joie
enrober la tristesse de paix
 
être un grain de raison perdu dans une jungle en folie
ou un brin de folie dans une foule raisonnable
n’être rien qu’une écharde consciente
– douleur et joie en fusion
 
l’écriture attendra
je préfère retarder le moment
et depuis mon refuge observer
l’éclat des étoiles dans les pupilles de mes chats
 
Ballotée entre le pire et le meilleur
je bénis ceux qui parviennent
à accueillir les cieux au centre
de la roue de l’existence
 
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Carmen P.

Prince téméraire 8

1381271566047Ceci est la fin du conte. Je ne le laisserai pas longtemps sur mon blog. Il reste à mon fils  quelques illustrations à réaliser encore et moi je vais m’applique à relire  une troisième fois, puis une quatrième fois…. le texte !

 

__ Quelques temps plus tard, une guerre éclata. Le genre de situation que le Roi avait en horreur, mais qu’il ne pouvait éviter car il avait des voisins belliqueux. Il rassembla ses armées et confia la direction des combats au plus vaillant de ses seigneurs.  Lui-même était trop âgé pour participer à ce conflit, il le regrettait, car il considérait que rester dans un camp retranché pendant que ses hommes se battaient n’était pas digne d’un monarque ! Il  songea avec tristesse au fils adoptif qu’il avait perdu… comme cet enfant généreux aurait bien défendu les intérêts du Royaume. Il le pensait même suffisamment intelligent pour désamorcer  un conflit avant que ne commencent les hostilités, mais l’heure n’était pas aux regrets, la haine grondait dans le cœur des hommes et ne demandait qu’à s’exprimer, à faire son œuvre. Encore une fois !

Sa fille surgit alors, et coupa court ses pensées nostalgiques.

— Père, permettez à mon époux de partir au combat. Redonnez-lui son cheval, même si c’est une vieille carne.

Le roi accepta sans discuter, il exigea seulement que le jeune homme reste à l’écart des autres chevaliers, qu’il les laisse faire leur travail, car un jardinier de toute évidence ne doit pas savoir  manier l’épée.

Encore une fois le jeune homme prit de l’avance, il arriva avant la cavalerie au lieu dit du Champ des batraciens et il fit, à nouveau, semblant d’y être embourbé. Il savait que la répétition de ce scénario ne pourrait qu’attiser le sarcasme des chevaliers, même si  cela n’était pas digne de leur rang. 

Lorsque le Roi vit son gendre dans une posture aussi ridicule, il passa son chemin en feignant de ne rien voir, mais les rires de ses hommes qui contemplaient la scène l’humiliaient profondément. Comme il regrettait qu’aucun des ses chevaliers ne manifeste un peu d’humanité, lui-même ne pouvait aller au-devant du jeune homme, ce geste aurait été interprété comme un aveu, donnant raison au choix de sa fille, choix qui restait une énigme pour lui et qu’il ne pouvait cautionner pour le moment.  

La bataille qui s’engagea un peu plus tard fut terrible… La défaite allait être consommée, la déroute imminente,  quand  surgit de nulle part sur un coursier ailé un homme étincelant comme un soleil,  sa chevelure était d’or et son regard foudroyant. Son sabre s’abattait  avec une énergie surhumaine… Les ennemis, devant une telle apparition, furent pris de panique et ne tardèrent pas à battre en retraite.

Jovan était indemne, sans hésiter il s’entailla un doigt,  puis il galopa en direction des troupes du roi.

On annonça au roi que le brillant chevalier était légèrement blessé, alors le souverain lui fitparvenir, pour bander sa plaie, son propre mouchoir – un mouchoir tissé de fils d’or. Il demanda à voir le chevalier providentiel, mais celui-ci s’était déjà envolé. 

Sur le chemin du retour, l’armée Royale dut repasser par le champ des batraciens. Devinez qui ils virent ? Tête d’ange, ainsi que beaucoup le surnommaient, toujours habillé tel un gueux et barbotant dans la gadoue…

Le roi était consterné !

De retour au palais, le roi fit organiser une grande fête pour célébrer la victoire. Tous les nobles du royaume furent conviés. La Princesse intercéda auprès du roi pour que son mari obtienne lui aussi une invitation. Après le vif sentiment d’humiliation que le Roi avait ressenti, sa fille eut beaucoup de mal à obtenir cette faveur. De guerre lasse le Roi néanmoins céda. Il répondit d’une voix résignée :

— Qu’il vienne, ma fille, mais qu’il soit discret et reste en bout de tablée.

Le jour du banquet, chacun prit la place que son rang lui assignait, et Tête d’Ange s’assit, en dernier, à la place qu’on lui avait réservée, la plus éloignée du Roi.

Au cours du repas les serviteurs apportèrent des rince-doigts, mais n’en proposèrent pas à Jovan qui tira de sa poche le mouchoir tissé de fils d’or que le roi lui avait donné après le combat. Le geste du jeune homme ne passa pas inaperçu, car le Roi surveillait cet invité indésirable du coin de l’œil. Le souverain, profondément intrigué, ne put feindre d’ignorer plus longtemps l’ami  de sa fille, il lui adressa enfin la parole et le fit d’une voix puissante puisque son interlocuteur, conformément à son désir, se trouvait fort éloigné de lui :

— Où as-tu trouvé ce mouchoir ?

— Seigneur, c’est vous qui me l’avez fait apporter lorsque je me suis blessé lors du combat, répondit Tête d’Ange.

— Prétends-tu être ce héros qui nous a épargné une cuisante défaite ? s’exclama le Roi, incrédule.

Le jeune homme ne répondit pas, il se contenta  de se lever prestement, sortit de sa manche   un crin que personne ne vit et le jeta sur une bougie allumée. Un cheval ailé surgit immédiatement au milieu des convives interloqués. Tête d’Ange, tout en enfourchant l’animal, se défit de ses vieux habits et apparut plus splendide que jamais. Un murmure d’admiration s’éleva et gonfla comme une vague parmi l’assistance. Quand le calme revint, le jeune homme prit la parole :

— Seigneur, je suis votre humble serviteur, et votre dévoué fils, jamais je ne vous ai déshonoré. Vos seigneurs ne vous servent pas comme ils le prétendent, d’ailleurs ils portent mon sceau sur leurs cuisses. C’est moi qui les ai marqués lorsqu’ils ont pris, pour épargner leurs efforts, du lait de phacochère au lieu d’aller au bout de leur mission eux même, et de vous rapporter le remède dont vous aviez besoin.

Le Roi fit vérifier les dires de Jovan. Son gendre avait dit vrai, d’ailleurs le Roi reconnaissait maintenant le jeune homme qui par deux fois lui avait permis de retrouver la vue. Trois fois même, car le Roi prit conscience en son cœur, qu’une cécité mentale lui avait interdit d’imaginer un seul instant, que ce jeune homme, qui avait trouvé refuge dans le parc du château de la ville, puisse être le fils qu’il avait tant apprécié dans son domaine de la montagne et qu’il soit digne d’épouser sa fille. Les erreurs passées ne se rattrapent pas mais pour qu’elles soient pardonnées il suffit de changer d’attitude et de maintenir une ligne de conduite droite. Dans sa sagesse le Roi donna immédiatement une place d’honneur à son gendre. Les autres seigneurs, confus, durent se contenter de places moins enviables, qui peut-être ne correspondaient pas à leur rang mais étaient parfaitement adaptées à l’hypocrisie de leur esprit. Tête d’Ange, dont la valeur était maintenant reconnue dans tout le Royaume, put mener la vie à laquelle il se préparait depuis son plus jeune âge. Il n’oublia pas ses parents de sang.  Il les fit venir auprès de lui afin qu’ils mènent enfin une vie confortable. Dans le parc du château, à l’emplacement de sa cabane, il fit construire un pavillon où ses parents vécurent heureux jusqu’à la fin de leur vie. Le vieux Roi, quant à lui, avait choisi de rejoindre ses montagnes où, loin des intrigues de la cour qui le fatiguaient, il pouvait savourer de paisibles journées. Il ne se sentait plus isolé ni inquiet, son royaume était entre de bonnes mains et le couple princier venait souvent lui rendre visite, grâce au cheval ailé. Quand le vieux Roi mourut, Jovan lui succéda sur le trône. Je vous laisse imaginer ce que fut son règne…

Depuis, il existe quelque part une ville où chaque homme réussit à vivre heureux, exerçant le métier qui lui convient le mieux, consacrant du temps pour les amis et sa famille. Si un étranger parvient à pénétrer dans la citadelle il y est reçu comme un prince, l’accueil y est si chaleureux qu’il n’éprouve plus le besoin de partir. Toute  pensée de méfiance est ignorée des habitants, mais leur gentillesse jamais n’est trahie, car seul un être au cœur joyeux et bien intentionné peut traverser les brumes de l’ignorance et découvrir ce royaume merveilleux.

 

FIN

 Carmen Pennarun