Quand l’homme vieillit, le voisinage aboie. Il ne suffit pas d’aménager la maison, il faut penser aussi à l’extérieur.
L’approche de la vieillesse n’est pas seulement un problème d’individu, elle demande aussi de porter attention au collectif.
Devenez tuteur et c’est d’un quartier dont vous devrez prendre soin. Une approche globale qui tient compte de l’ extérieur autant que de l’intérieur, est nécessaire… sinon vous entendrez ; « Virez-moi tout ça de l’intérieur, vite fait ! »
Et dans mon intérieur, mon mental, tout se bouscule et vertige le quotidien. » Pense à l’extérieur, Carmen. Il n’y a pas de vertige, la terre ne tremble pas. Tout est bien, tout est bon, seul le bien existe, le mal n’existe pas ! »
*
Baisse le son grand-père !
Ce n’est pas parce que tu es sourd que les voisins ont à supporter ta TV.
Trees falls
Bees balls
That’s how
the world
will be
Evan P. – 5 ans
*
Le vert est un son – tenu
de la terre, il prend corps
suit le souffle d’hiver
jusqu’à l’embaumée d’une faveur
fleurie. Croire aux cymes
du tilleul mi-juin
*
Derrière le front
l’énergie vert pomme
d’une terre à blé
où lentement poussent
les épis
_____ et les fougères
des pensées se plient
émiettent les mottes
où germe le grain
de demain
_____Rien ne s’oublie
du passé à l’avenir
quand la menthe
en soi savoure
mille désirs
la vie crée notre paysage
à partir d’un champ chromatique
celui d’une couleur que les rayons
de notre soleil intérieur – traverse
*
Les hôtes dans ce bel arbre
se posent comme des oiseaux
L’ami aux bras noueux
accueille chacun comme
il porte les saisons
Les fruits sont gracieux
et sa voix de broussaille
se fait murmure que seuls
les enfants écoutent
*
Dans un monde tout autre, si l’enfant – vif et espiègle – était planté comme une jeune pousse, il contemplerait avec envie, de son petit coeur palpitant attaché à la terre, l’arbre libéré de ses racines qui, en face de lui, gambaderait à s’en rompre le bois.
Je verrais bien cet arbre… et oui, je le vois ce grand pachyderme végétal, en génuflexion devant l’enfant, tendre sa branche comme une trompe et d’un geste plein de sève et de compassion, la poser sur la tête du petit être avec une infinie douceur. Que savons-nous de la tendresse entre les espèces ? Un élan traverse la nature qui prend soin d’elle-même et en quelque sorte nous protège, en nous intégrant à son champ vibratoire.
Recevons la bénédiction de nos frères végétaux que rien de monstrueux n’anime. Leur délicatesse de géants calme les peurs liées à la fragilité de notre condition humaine.
L’imaginaire est la clef dans la serrure du temps. Introduite à l’instant précis où le destin l’autorise, elle parvient à ouvrir la conscience à tous les possibles. Sous le faisceau du regard un monde fantastique s’anime et prend couleur. Il a la saveur des jours cerise.
*
J’accroche une échelle de fleurs dans mon arbre
c’est pour toutes les pensées étrangères avant qu’elles ne deviennent l’âme infidèle
Mon guide m’accompagne et puis m’abandonne car c’est à moi de compter les noyaux – après la chair
Aucune roche n’est imprenable l’esprit pénètre par les fissures comme l’eau – mon enfant comme l’eau s’infiltre
Le bonheur s’acclimate il s’affirme en grimpant du plus bas de la peur et se hisse jusqu’au panache de lumière sans qu’aucune fleur ne se ferme et sans que tu ne lâches ton rêve
*
La petite fille ne sait pas qu’elle est née princesse pas plus que le coquelicot ne perçoit son propre éclat et je raconte des histoires qui dans mon coeur forment mantra dans l’ose ange de mon esprit . _____Je . coeur____berce . ____mon . pour que la petite fille devienne fleur tandis que les coquelicots font la révérence au bal des épis de blé de ma conscience
Du quai où je cherchais le bateau, Cécile m’est apparue en charmant matelot, mais quand sur le pont a commencé la lecture, je me suis arrimée à ses mots et c’est en Capitaine qu’elle s’est révélée, tenant ferme la barre de son recueil nouvellement publié.
Je l’avais lue, auparavant. Nous nous étions croisées sur des sites littéraires. Nous avions échangé car j’aimais son style et je crois que je l’intriguais quelque peu.
Est-ce par nos réserves respectives, que nous reconnaissions chez l’une et chez l’autre, que nous nous comprenions ? Est-ce par les stratagèmes que nous utilisions pour protéger nos parts sensibles que nous nous sommes rejointes ?
Il est des fardeaux hérités de nos histoires, de la vie en société qui nous exilent en mode sensitif. Le mot devient barreau, il encercle la solitude et l’auteur le travaille jusqu’à ce que l’émotion s’échappe de la cage avec toute sa charge vive et atteigne l’autre, le lecteur, sur le terreau de ses propres parts, ratissées.
L’enfant du monde nage les heures dans le décor où l’instant ancre son souffle.
C’est un ancrage d’âme et des sens, même quand change le paysage, et Cécile a souvent vu son cadre bouger et recréer de nouveaux temps joyeux de partages.
Elle retrace en écriture ses voyages vers l’autre, car il n’était pas question, pour elle, de rester coincée derrière « une muraille de solitude ». Viennent les jours qui ignorent hier et demain et s’en retournent à ce perpétuel « aujourd’hui », sur le fil d’un présent qui semble nous échapper depuis qu’il n’est plus dédié à l’innocence, aux jeux de l’enfance sous les pommiers de la cour, ou d’ailleurs, dans ces espaces que l’on voudrait parsemer d’échanges – comme dans la maison familiale qui générait des éclats de rire, spontanés. Un temps béni que l’arrivée à l’école a couvert d’une « ombre immense », en effaçant à jamais la conscience aigue d’être ici et maintenant – exactement à la meilleure place ; celle où tombe en perles d’or le soleil, un éclatement qu’il suffit de réunifier pour le ressentir au cœur de soi.
Souvent, Cécile a dû « vérifier la gravité de sa posture » car garder les pieds sur Terre n’est pas affaire que de « gancres »*, même quand le sol se dérobe, surtout quand il se dérobe, et qu’on cherche ses appuis pour stabiliser son bonheur au fil des petits riens qui nous portent de la vie à la vie.
Jeanne, elle préfère flotter, nous dit Cécile, flotter dans le doute et s’y laisser porter. C’est comme ça qu’elle aimerait marcher dans le temps, chaussée des grandes bottes de la brume. **
Elle avait besoin de vent, de vagues, d’horizon, d’espace. **
Je me demande, en lisant Cécile, si le secret de l’ancrage qu’elle a recherché ne serait pas d’avoir la sagesse de porter des bottes adaptées aux espoirs traversés, sans chercher à lutter pour garder son aplomb en terrain incertain. Des bottes en caoutchouc pour traverser les « eaux sales », des bottes légères quand l’humeur est aérienne, et des après-ski pour avancer dans la neige des jours blancs. Bref, ce n’est pas l’histoire de Peau d’âne et de ses robes couleur de temps, mais l’histoire, bien actuelle, d’une jeune femme qui aurait aimé marcher pieds nus et qui a tenté de laisser de belles empreintes quels que soient les souliers que les caprices de la météo exigeaient qu’elle enfile. J’imagine que la Côte de Granit rose, depuis son installation à Perros Guirec, lui a permis d’imprimer de belles empreintes maritimes dans sa conscience de femme libre et son âme de poète.
On trace son sillon en toutes circonstances en jetant des clins d’oeils alentour, sans nécessairement éprouver de la peur, mais juste avec un peu d’espièglerie face aux inévitables dérobades ou métamorphoses du décor. Ainsi les textes de Cécile sont – à l’exemple de la vie – en constantes oscillations sensuelles entre le lumineux et le « glauque » et l’on se laisse subjuguer par son style narratif, ses stratégies qui parviennent à distiller légèreté, même au cœur du plus sombre.
Impression de balancement à la lecture… Qui se prête au jeu de cette écriture s’élève avec la plume et le sable du chemin, toujours plus haut, jusqu’aux pages blanches où les graphies venues de la Terre deviennent traces de pattes d’oiseaux sur la poudreuse. Les émotions dans ces écrits se décollent de la peau, trouvent la paix sans qu’il soit nécessaire de reprendre « quelques gouttes de contrôle », mais toujours en gardant l’élégance – mine de rien – de références culturelles.
Les voix racontent, la moisson des mots, même si l’auteur « préfère l’ombre pour raviner sa voie à la hache de ses mots »
Cécile avait des ressources, qu’elle a su exprimer. La lumière qui émanait de son être a donné corps aux mots. Sa vraie nature transparaît dans tous ses écrits. Vive, enjouée, avec une part de réserve qu’elle mettait en veilleuse quand elle était avec ses amis. En leur présence elle offrait son sourire et aimait partager quelques chants.
Et moi je suis assise où s’accrochent les paumés
Près d’un autre qui pourtant s’acharne à le cacher… ***, dit-elle dans un refrain d’une chanson
Heureux sommes nous, nous tous, paumés de l’existence qui avons accosté sur Terre, si nous gardons de cette expérience le souvenir des moments de tendresse que la source en chacun de nous transforme en pépites de notre choix. Les pépites de Cécile sont les mots, indissociables de la personne qu’elle était. Ils swinguent comme la poésie de e. e. Cummings ou celle de Kerouac et chantent l’amour blues comme sait le faire Arthur Flowers.
Cécile, je dépose sur ta joue un baiser furtif avant de quitter la page où je t’ai retrouvée (ainsi nous nous sommes séparées, à Perros Guirec, nous promettant de nous revoir). Tu vas peut-être le cueillir, ce baiser où je place toute mon affection, tu vas peut-être l’entendre comme le glissement de velours des pas de Yato**** qui, au moment où nous partions, passait la porte après une escapade.
Carmen Pennarun, le 25 avril 2020
* gancres : mot inventé par Cécile désignant les « gens ancrés »
Il était sans doute venu sur cette presqu’île pour engranger
dans sa mémoire quelques fleurs d’écume, pour éprouver des tonalités nouvelles,
tout un nuancier de gris, auquel l’automne flamboyant de sa ville natale ne
l’avait pas habitué.
Il y avait comme une résonance entre ces harmonies qui se
refusaient à la clarté, et pourtant la rendaient si déchirante, et son âme
juvénile enlisée dans la mélancolie.
La mer, le ciel et le vent s’alliaient pour créer ces
volutes de neige de mer que l’on imaginait facilement nous transformer en
bonhomme d’écume pour peu que l’on restât suffisamment longtemps immobile.
Ce qui le surprit ; cet air vif, ce déchaînement des
éléments réveillait en lui une énergie qu’il croyait anéantie après ces années
de mise au ban de la vie sociale, ces années où il avait dû taire la fantaisie
de sa jeunesse, se plier à un règlement, avant de sortir avec pour seul bagage
sa reconnaissance pour une personne qui s’était montrée attentive aux besoins
qu’il ne ressentait même pas.
Il y avait donc encore en lui un feu intérieur, capable de
raviver sa confiance atrophiée. Il sentait grandir au fur et à mesure de cette
balade côtière un élan qui le forçait au redressement. Ce n’était pas simple
impression, mais réalité mesurable. Les empreintes de ses semelles sur le sable
glacé se distançaient ; sa foulée devenait plus ample. En même temps, sa
vision au travers du voile de la brume devenait plus nette, comme si son regard
haussait sa perception au-delà des obstacles. Le matériel n’était plus infranchissable,
il pourrait rebondir. Il parviendrait à rassembler ses rémiges de moineau
apeuré et à partir du poids plume de ses os, prématurément blanchis, il redéfinirait son ADN. Il deviendrait
aigle, et son vol serait royal. La
métamorphose était à l’œuvre.
Fini de rabâcher sa sempiternelle vieille histoire. Lui seul en réactivait le souvenir, la revivant encore et encore comme dans une nuit de cauchemar dont il est impossible de trouver une issue. L’aigreur des jours, à partir de cette tempête d’écume, il la remplacerait par l’alcalinité quotidienne.
Dans l’arc d’un regard de caryatide, tel est le titre du recueil de poésie que je vous propose à la lecture.
Ces poèmes je les ai pensés comme un hommage à Francesca Woodman, jeune photographe américaine dont les clichés ne cessent d’interpeler un nombre toujours plus grand de personnes.
Elle est partie trop tôt, à vingt-deux ans, au royaume des anges, mais son oeuvre était là qu’il nous restait à découvrir. Ce fut pour moi un émerveillement poétique que d’entrer dans son univers.
Les photos d’un côté, ma plume de l’autre, ainsi s’est construit le dialogue entre la photographie et la poésie. J’ai tenté de restituer la dynamique de l’élan créatif qui a animé la jeune femme. Cet élan, tout artiste le porte en lui. En fait, il anime la vie de chacun de nous, même si nos créations sont modestes – elles ont leur importance car elles manifestent, à l’extérieur de nous nos visions intérieures.
Au moment de publier le livre il a fallu que j’abandonne les photographies de Francesca (pour une raison de droits). Comment publier un livre qui parle de photographies sans qu’y figure aucune photo. C’était impensable ! J’ai cherché parmi mes clichés et j’ai choisi des images qui n’ont certes rien à voir avec le côté mystérieux, parfois provocant, des photos de l’artiste (il n’était pas question que je me montre dévêtue), mais qui interrogent du regard, jouent avec le reflet d’ un miroir, ou montrent des architectures de l’ombre séculaire desquelles pourraient surgir des gardiennes de l’art.
Carmen Pennarun
Le livre compte 152 pages et 30 photographies en noir et blanc.
Son prix : 18 € (+ frais de port : 3€52)
[ me contacter par mail : carmen.pennarun@wanadoo.fr ]
Quand les murs de vieilles pierres baignés de lumière et de siècles ressemblent à la tapisserie fleurie vieux rose tremble mon coeur caché sous le corail de la soie et mes pensées carminent que seul le futur chavire Je le devine là prélevant un soupçon de présence et le confiant au temps, ce grand amplificateur derrière lequel tout s’efface inexorablement