Archives de catégorie : Poésies
L’écheveau du temps
L’homme est une perle
dans les mains du créateur
Univers en cloque
Ce n’est pas par dépit que la sensibilité s’enferme comme dans une huitre.
L’être humain protège ainsi son unité, car il se sent vulnérable dans la jungle de la matière.
Des années de maturation sont nécessaires avant que l’enfant craintif n’ose écarter les valves et se dise : « Après tout, je n’ai rien à cacher !»
Les mains calleuses de la vie se craquellent. L’étau de la prudence desserre sa prise et révèle sa charnelle puissance, palpitante de joie pour son protégé qu’il libère.
On ne voit pas cette emprise bienveillante qui nous enveloppe, comme des mains guérisseuses enserrent l’oisillon au cœur fragile, pourtant, cette poigne existe et jamais ne retient.
Chaleur de mains aimantes sur toute chose créée.
Respect du rythme de chaque créature.
Patience de l’infini devant nos petitesses qui tergiversent avant de se décider à aller au bout de leur partition sur l’écheveau terrestre où elles ont échoué.
Carmen P. (Erin)
… et sous forme de gogyohka :
L’homme est une perle
dans les mains du créateur
Univers en cloque
Patiente l’infini
tandis que tergiversent nos petitesses
Nuit romantique
Nuit romantique
deux arbres tricentenaires
veillent sur nos songes
Un lièvre — hautes pattes et grandes oreilles — prend le chemin…
son univers a du charme, il l’égaie par nature : il détale.
L’homme court plusieurs lièvres à la fois et en perd, souvent, le sentiment de la joie.
Une halte au Château du Pin nous délie des préoccupations qui ne sont pas essentielles.
Erin (Carmen P.)
Im Schilf
Elle rêve comme roseau près du rivage
les nénuphars glissent sur l’eau
tout est sans voix
la nature infuse le son
vert dans le silence
Erin (Carmen P.)
L’ours et l’homme
La terre est l’oreille de l’ours
et la peur le précède
L’homme marche sur le pas de l’animal
Du plus sombre des cavernes
où ils hibernent deux souffles
confondent la pureté de l’aube.
Puissent-ils dans cet em-
-pire matérialiste se lier
comme deux entités âme-
– mies___se laissant glisser
vers les chemins d’Ô
par la loutre espiègle
Une voie buissonnière
où se cueillent les signes
d’un pouvoir temporel
partagé existe
Par cœur le monde
Erin
Froufrous d’avril
Bouquet d’avril
Bouquet d’avril
je contemple aux lisières du non-vécu
les rebords gris des vieux clichés
où des mondes se sont dissous
le regard est flouté qui passe par une vitre douteuse
pourtant
il n’y a pas de fenêtre
aussi sale soit-elle
par laquelle le créateur de l’être
ne puisse voir l’homme vivre
— l’un et l’autre font corps —
sur la paupière d’un œil-de-bœuf je dépose quelques fleurs de saison
Erin (Carmen P.)
La nativité
La nativité,
quand le corps devenu berceau,
se prête à l’éclosion de la vie,
la femme, toute à la possession d’amour,
entrevoit une perte, inestimable, celle de sa propre enfance.
Etrangère à sa chair, tout lui devient étrange,
dans la déchirure d’une naissance, dans l’abondance d’un lait, dit nourricier
Les fibres de son être, stimulé à l’extrême, hors de son contrôle,
accélèrent leurs vibrations jusqu’à atteindre l’amplitude maximale
du don de soi. Le corps mute à ses risques et périls. Le corps s’emballe
On ne soupçonne pas la portée de cette éclosion,
elle déborde des apparences,
transcende la dimension corporelle.
Tandis que les bras enlacent le nouveau-né,
le cœur devine qu’il aura à se dilater, encore.
De jour en jour, d’année en année. Petit à petit,
il libèrera l’étreinte, dans l’acceptation de l’œuvre
du temps et la complicité de l’espace.
La mélancolie déferle par vagues sur les rives de la conscience intuitive,
jusqu’à ce que l’âme, à son tour, repousse les horizons.
Comme le corps engendre la vie, l’âme accompagne la croissance de l’enfant.
Elle demeure légère, car Cronos, son allier, lui permettra d’affronter
les inévitables, petites ou grandes, séparations futures.
Les épreuves seront comme des pas japonais dans la neige des lendemains, à franchir à cloche-pied.
Oui, à cloche-pied et le cœur léger, car seul le présent, dans la bulle des complicités quotidiennes, compte.
Naissance et mort parfois se liguent… on n’entend aucun cri, seul un silence
où la lame affûtée du destin rompt ses promesses. Une porte se ferme, un escalier est subtilisé.
Mais il n’y pas de porte et l’escalier s’est éboulé.
La conscience ne peut fuir la réalité, qu’elle doit accepter de regarder.
On se retrouve stupéfaite devant le vide. Inutile. Ceux qui nous aiment nous regardent angoissés; ils ne comprennent pas.
La raison, on la garde pour eux, même si leur amour ne peut se mesurer à l’absence.
La nature-mère préparée à la profusion doit calmer son flux.
L’expansion de tendresse après avoir chuté dans un abîme de détresse, reprendra son ascension vers un espace que l’intelligence humaine ignore.
Le chagrin s’ouvre ensuite sur la révélation de la présence aux autres,
et sur le don du bonheur souhaité, à chaque être croisé (surtout s’il vit la joie qui nous a été refusée).
Enfants,
où que vous soyez, c’est d’une maternelle caresse que mes pensées vous délient.
Dans la proximité de l’amour, je me réjouis de savoir que vous vivez, comme vous l’avez choisi, là où vous avez décidé de vous fixer.
Quelque part les racines se rejoignent.
Toujours.
Erin (Carmen P.)
Balades de mars
mercredi 5 mars à Pléchatel
crépitements bleus
les pins dans le ciel de mars
éclatent leurs cônes
des écailles ouvertes
s’échappent les graines ailées
pinsons en raffolent
les chenilles hors de leur nid
sur le chemin processionnent
dimanche 9 mars sur la Côte Sauvage
nimbée d’arcs-en-ciel
la vague en galop d’écume
assaille la roche
les flancs des mouettes
saturés d’émeraude
frôlent l’abîme
des boules comme neige
d’eau et d’air furibondes
roulent sur la plage
les barrières couchent leurs ombres
sur le sentier où je marche
cheveux au vent
Carmen P. (Erin)