Femme caméléon

Femme caméléon,

elle essaie de soustraire son art aux lois de la physique.
Insoumise,

elle disparaît en elle-même quand elle ne s’éclipse pas du cliché d’un pas chassé.

Elle passe par ici. Elle repasse par là.

Jamais la même mais toujours présente, aucun regard ne parvient
à l’identifier vraiment.

Illusionniste,

elle crée des papillons qu’elle épingle aussitôt
comme autant d’âmes sororales qui s’échappent par des marges – inexistantes.

 

Cherchez-la, vous ne la trouverez pas !

 

Elle est toujours ailleurs car elle ne sait pas où vous fixer.
L’espace est une scène où les acteurs n’ont aucune marque.
De leurs textes ils ne brandissent que des graphies grignotées.
De leur présence on ne saisit que l’énigme.

La pensée, tel un tsunami, a balayé les planches avant qu’on ne soit installé.

La dispersion brouille toute lisibilité, mais c’est de ce trouble

que surgit l’évidence quand la patience s’en mêle.

 

La conscience au sein de chaque cellule, elle vit une existence cosmique

qu’elle tente de retracer en certains lieux délabrés

où le temps s’est abîmé.

 

Elle s’imagine entière mais elle se pulvérise à chaque tentative,

elle se dissémine en une multitude d’objets et demeure disloquée.

 

La profondeur du cliché naît de cet effet « poupées russes », où le message

ne se découvre qu’avec application, pour peu qu’on sache « déboîter » son regard.

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Carmen P.

Photographie : Francesca Woodman

Paysages de Noël

Ce n’est pas encore la fête
mais il y a comme un goût de miel
de vin chaud et d’épice accroché aux branches
de l’arbre Noël sous lequel seuls les peluches patientent.
La ville est une ruche où se piquent les envies aux pinçons de l’hiver.

*

La patience est une graine
qui ne croît que si on la sème
en terre intermédiaire
à la lisière de l’être intime.
Sur champ de neige
elle se déploie, sereine,
et le vent en lève quelques bribes
quand le mental las de haute voltige
souhaite poser un sourire sur le monde.

*

Un peu de rêve.
La légèreté signant la grâce des espèces ailées,
suivons-les dans leur élément, l’air qui embrasse tout,
et laissons vibrer dans notre espace intime
la fibre joyeuse, elle sous-tend l’âme liberté.

*

Avec ton manteau vert
ton étreinte née de la mer
mon coeur tient en ce baiser
et mon corps danse sur un pied
tandis que vagues se brisent
aux côtes des Hespérides.

Carmen P.
Photo Georges Elbert Burr, « Winter morning »