L’enfant de Syracuse

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Syracuse

Syracuse, chantée par le poète,  Bernard Dimey, lui-même.

http://www.youtube.com/watch?v=pYBh9UD-vMU

et ici chantée par son compositeur :

http://arbrealettres.wordpress.com/2013/07/04/syracuse-bernard-dimey/

J’aimerais tant voir Syracuse,

L’île de Pâques et Kairouan

Et les grands oiseaux qui s’amusent

À glisser l’aile sous le vent…

Syracuse, le nid d’où je n’ai pas su prendre mon envol ! Cette ville n’a  pas suffi à mon bonheur, et ce n’est  pas seulement elle qui,  pour moi et mes quinze ans, est  devenue un paradis inaccessible. Elle, si proche, me semble tout autant éloignée que sa jumelle, celle qui flirte avec la mer Ionienne. Ces eaux profondes couvrent une région des plus sismiques, et moi je nage au cœur d’un tourbillon. La vigueur de mon âge me permet de ne pas sombrer, et je vois les murs d’enceinte, sans toutefois parvenir à m’en approcher.

Tel est mon cauchemar. Telle est ma réalité.

Le rêve ne me serait-il plus permis ? Syracuse ne vibrera plus jamais comme un sésame, on m’a retiré la clef de la cité et je n’y serai plus jamais le bienvenu.

M’amuser à glisser l’aile sous le vent de mes espérances dans cette prison qui n’en a pas le nom et d’où j’entends, à l’extérieur, les rafales du souffle de janvier qui, cette année comme les années précédentes, étend l’hiver sur l’état de New-York … et  rejoindre en pensée la plus belle  des villes Grecques ancrée sur le sol de Sicile, voilà ma seule échappatoire. De mon  imaginaire surgissent les façades calcaires de l’île d’Ortigia que le soleil couchant enlumine.

Antique, était ma joie de vivre. Baroque, devient mon entêtement à vouloir quitter la froide Syracuse de mon enfance.

Ce n’est pas un pont qu’il me faudra franchir pour concrétiser mon rêve de voyage.  Non, ce n’est pas un pont qui me sépare de la liberté… mais qui osera me tendre la main depuis le territoire où je me suis enfermé. Le découragement est un obstacle infranchissable, quand on ne connaît pas les rouages d’un système qui nous condamne.

Patience et bonne conduite, me dit-on, mais ce ne sont pas des qualités que l’on trouve chez un adolescent ! Même un nouveau-né participe à sa naissance. Me demander de m’abandonner à la situation actuelle, alors que l’urgence me pousse à vivre, à explorer de nouveaux horizons, est une entrave qui occasionne une douleur hors de toute mesure.

Je ne me suis jamais senti aussi prêt de mourir…

Carmen P.

Maman, papa…

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Maman, papa…

 

Sur la route de l’existence, nos pas prolongent ceux de nos parents. Si proches de nous, leurs empreintes restent visibles jusqu’au moment où le temps nous  les subtilise. . De ces marques en creux nous échappent le poids de leur présence à ce monde, l’amplitude de leurs mouvements, la teneur de leurs pensées. Heureux sommes-nous, pourtant, d’avoir pu grandir sous leur protection, d’avoir saisi leur personnalité, celle qui nous a impressionnés et que nous avons dépassée pour ne plus porter d’eux que la part  de mystère… Cette part qui nous échappe, nous en ressentons la douleur, elle n’a pas besoin de scalpel, ni de psychanalyse pour être évacuée, elle nécessite simplement d’être reconnue sur le trajet de la filiation.

 

Déchiffrer ce qui n’a pas été dit, par pudeur, ce qui a marqué une vie, est une œuvre d’envergure. Cela ne laisse que peu de répit, d’autant plus que l’œuvre est à reprendre au fur et à mesure que la connaissance du cœur éclaire un peu plus notre compréhension de l’humain, et cette compréhension dépasse et englobe le seul être qui nous importe.

 

L’auteur offre ses mots à son père comme le peintre recherche la couleur des sensations, il y travaille jusqu’à ce qu’il puisse considérer, à l’extérieur de lui, l’expression de cette personnalité chère qu’il porte en lui.

Cette vie transmise par nos parents, nous pouvons davantage la  décoder par le père pour le fils, par la mère pour la fille. Souvent nous attendons longtemps le jour où ce parent pourra nous parler, mais ce jour arrive rarement — la maladie le précède.

Reste à faire, non pas un deuil, mais un travail de remise à jour. La compréhension passe par le chemin des mots  qui explore la vie de ce parent  jusqu’à son  repli dans la maladie. À ce stade, il est urgent de trouver et de prononcer (mais ce n’est pas toujours nécessaire)  le verbe qui délivre, car se profile le bout de la vie… et les empreintes, bientôt, s’effaceront à notre perception.

 

(C’est ainsi que j’ai lu le billet de Juan Asensio… mes mots n’engagent que moi. Je mets un lien vers son magnifique texte qui éveillera peut-être chez d’autres lecteurs des émotions aux nuances différentes)

 

Carmen P. (Erin)

http://www.juanasensio.com/archive/2014/01/04/papa-papa.html

Pour Fiona

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Pour Fiona

 

5 janvier

 

elle était fille

ange à la vie dérobée

froide comme l’hiver

 

Par l’aiguille amniotique

d’un amour incertain

s’est creusé le bulbe

où l’esprit paraissait

 

Aspiré le verbe

de ce corps flotté

et la douleur — seule

face au silence

figée

 

Entre sommet et gouffre

la poésie s’emmêle

éblouie par la mort

elle contemple l’en-terre

 

C’est l’argile qui s’enferre

sur des rails  disloqués

où la voix d’une enfant

plie au silence intimée

 

 Erin (Carmen P.)

Ils sont partis vivre ailleurs

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Ils sont partis vivre ailleurs

 

Nous sommes tous gens de voyage sur cette terre.  Nous nous croisons, nous décroisons… créons, recréons un foyer, un lieu chaleureux où l’on aime se retrouver, pour se séparer, encore…

La liberté tisse son ouvrage sur notre planète, et entre ses mailles lâches, dans certains lieux, nous resserrons l’étreinte, réaffirmons la tendresse.

Les parents, les amis plus fragiles, qui ne comptent plus les décennies,  redoutent la séparation définitive. La conscience humaine perçoit la distance comme sœur de souffrance et la vie devient lit de douleur. Elle ne peut dilater l’espace à d’autres dimensions.

Même si le cœur affirme que les liens ne peuvent être rompus, le charme de l’amour se dissout dans l’espace — un air vicié privé de confiance.

 

 

cousin de par ici

ami que tiraille

l’ailleurs — pas plus présent

maintenant que demain

plaie ouverte sur le corps

invisible de l’âme

en catimini entame-

-sève et coule à perte

de vie — les calices

vides alignés glissent

sur le plan incliné

d’un cœur époux-bancal

 

Erin (Carmen P.) 

La tristesse des anges

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La tristesse des anges

 

Comme une maladie

l’étrange estampille

le bâti de la vie

— un colosse branlant —

Son effigie de brume

habille nos certitudes

d’une latence ouatée

Définir sa couleur

transcrire son parfum

serait trahir sa valeur

qui n’est autre que distance

prise sur le glacis

de l’ennui – sur nos lames

de tristesse. La promesse

salvatrice d’un trésor

enfoui dans nos abysses

et que l’agitation

renfloue

révèlant ainsi

son opposé — le calme —

en contre-jour d’absences

 

On ne reconnaît plus  la réalité

dont les voies s’égarent si loin des terres promises 

 

Carmen P. (Erin)

Trapézistes

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Trapézistes

 

Le tutoiement universel ___  rôde

solitaire__il abandonne les doutes

aux impasses des villes _fantômes

 

Sa présence familière_____apaise

il regarde en face chaque bagatelle

la leste____ du poids des violettes

 

Il connaît la terre et ses chardons_bleus

les croix de fer blanc de son esprit focal

et la nuque gracile que les fleurs attirent

 

Toutes choses sont égales________quand

les bras déployés s’agrippent à d’invisibles

mains et que l’espace déchiré d’étoiles ba-

 

-lance son trapèze au-dessus des mondes

 

Erin (Carmen P.)

Turbulences

Les mots cognent en caisse de résonance, ils s’entrechoquent  jusqu’à l’éclatement

de la conscience. La plèvre comme un voile se soulève, et les idées décollent

courent au-delà des zones d’intelligence. Elles trompent mon indifférence —

le calme olympien où je me réfugie. Ma terre est trop basse, elle offre les berges

de sa ville d’eau. Même si je ligature tous les canaux, les points serrés deviennent 

les piliers des ponts où s’enlacent les muses. Leurs facéties ont la turbulence des enfants.

Est-ce que je les aime autant qu’eux ?

 

Carmen P. (Erin)

 

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Cargo blues

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Cargo blues de Yasmina Hasnaoui

 

 

Les Peaux de papier* ne sont pas loin de Cargo blues. Elles se décollent des murs qu’elles tentent de repousser afin de gagner du terrain, toujours un peu plus, sur les contrées inexplorées de l’écriture.

 

« N’oublie pas les jours sont des îles que nous foulons »

Pour atteindre ces iles, une seule voie, la mer, et chaque nuit est une escale.

C’est dans un lieu trempé de nostalgie que nous embarquons avec Cargo blues. Ici, le décor s’effrite sous la corrosion d’une âme soumise à l’in-solitude.

Parce qu’elle n’est pas seule.

Parce qu’on ne naît pas seul.

Il y a toujours un autre, quelque part.

La solitude est une illusion, contre nature.

Quel est cet autre qui prend la mer, alors que Je reste enchaîné(e) à ce désir, crucial, d’écrire.

C’est la mer, « cette garce » qui a ravi ce double vivant, celui qui disait « Tu es » et laisse un Je, pantelant, au bord du vide.

Ce vide se dessinait déjà avant, il rendait les contours de l’autre flou, déliquescents. L’absence laisse son empreinte sur le paysage, elle s’empare des êtres, elle occupe l’espace dépossédé.

Il est hors de question de la laisser pénétrer en soi. L’attente ne sera pas signe de passivité.

 

Elle n’attendra pas « au hublot de sa chambre » comme ces femmes, résignées, depuis la nuit des temps. Elle endiguera l’absence au-delà de l’effacement des traits. Elle voit bien qu’ils ont déserté l’endroit où elle vit : elle ne se reconnait plus.

 

Un vent de douloureuse lucidité a chassé les rêves, ne laissant d’autre alternative que l’enfermement. Un face à face avec l’absent. Un duo avec le silence. Un corps à corps avec le mystère. Ecrire encore. Ecrire sans trahir l’histoire des hommes en laissant un espace entre les mots, un espace de vérité. Un souffle.

 

Le rêve, on le laisse aux enfants, les « seuls vivants » capables de le construire, tandis que l’écrivain jette son ancre dans l’innocence des premiers regards, dans l’étouffement d’un cri auquel elle souhaite redonner sa puissance. S’entend le blues de la séparation originelle.

 

Le goût de la vie est peut-être matérialisé sous d’autres cieux, mais l’amour en restitue les saveurs, les couleurs et les odeurs venues du lointain. L’insaisissable de ces instants, en l’absence ou en présence de l’autre, est une lumière pareille à la lune qui veille et dissipe les doutes.

 

« Je veux ramener à ma mémoire les corps des anciens pour donner sens à qui je suis », nous dit Yasmina, et je visualise, en la lisant,  toutes les promesses  que sont  l’or, l’encens et la myrrhe, elles  reviennent vers l’humanité à qui elles étaient destinées.

 

La confrontation au vide n’aura pas été vaine, le lecteur en savoure les présents.

 

Carmen Pennarun

 

* Peaux de papier : précédent recueil de Yasmina Hasnaoui, édité aux Penchants du roseau.

À toutes les Sidonie ou Eugénie ou Joséphine…

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 À toutes les Sidonie ou Eugénie ou Joséphine…

 

Sidonie aimait les enfants, elle ne se privait pas d’amants, pour autant.

Elle est parvenue à soustraire, des jours d’attente et des années d’enfermement,

quelques débris avec lesquels elle s’est bâti un paysage de tendresse

tout en lumières intérieures

 

Les falaises des médisances, repoussées, libéraient l’espace, et les ronces du désaveu

— broussailles noires dans sa chair — enfonçaient leurs échardes qu’elle retirait

de ses dents de louve. Seule elle a hissé, du marécage des malheurs, sa famille —

elle, l’orpheline.

 

La raison en bouclier était sa corne d’abondance, elle cherchait des mots onguents

et rêvait d’une plume fidèle capable de traduire, à cœur, les nœuds de sa vie calleuse.

Sans boussole elle a relié les amers de l’existence, espérant voir surgir la joie de sa vie

défaite, face  à la haine, face à l’envie.

 

Où se cache l’amour quand il n’a plus de lit ?

Dans le filet de l’air qu’un rai de lumière traverse.

Sur une latitude, sidérale, où se croisent les esprits.

 

Erin (Carmen P.)

Comme un sourire

Un même poème, deux versions…

 

 

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Comme un sourire 1

 

Les cauchemars dorment sécures

à l’étroit d’un placard — obscur

Les murs aveugles ignorent la porte

ils s’ouvrent sans passe – le levier

devient inutile badine — l’égarer —

 

La mémoire fait le pied de grue

elle attend sur l’ herbe folle

la serrure à nulle autre pareille

la clef de voûte des circonstances

le soutien des petites choses tangibles

 

— comme un sourire —

 

La résistance de nos galandages

n’arrête pas l’œuvre du temps

jamais ne contrarie l’adversité

La séduction d’une pensée gitane

pose la braise de ses prunelles

 

 

sur la fragilité d’un rêve nomade

accroché au clou des lendemains

Les saisons changent les couleurs

au fleuron de nos paysages

au verbiage de nos réflexes-racines

 

— comme un sourire —

 

échappées des heures molles

d’un pépiniériste  novice

les saisons changent les peines

les replient au placard

où elles meurent d’oubli

 

poussière de reliquaires

 

—comme un souvenir—

 

_______jauni

 

Erin (Carmen P.)

 

 

Comme un sourire 2

 

Les cauchemars dorment paisibles

à l’étroit d’un placard — obscur

Les murs aveugles ignorent la porte

ils s’ouvrent sans passe – le levier

devient accessoire badine — l’égarer —

 

La mémoire fait le pied de grue

elle attend sur l’ herbe folle

la serrure à nulle autre pareille

la clef de voûte des circonstances

le soutien des petites choses fragiles

 

comme un sourire auquel on ne s’attend pas

comme une plume tombée en signe de ciel

 

La résistance de nos paravents

n’arrête pas l’œuvre du temps

jamais ne contrarie l’adversité

La séduction d’une pensée gitane

pose la braise de ses prunelles

 

sur la fragilité d’un rêve nomade

accroché au clou des lendemains

Les saisons changent les couleurs

au fleuron de nos paysages

au verbiage de nos réflexes-racines

 

comme un sourire auquel on ne s’attend pas

comme une plume tombée en signe de ciel

 

échappées des heures molles

d’un pépiniériste  novice

les saisons changent les peines

les replient dans le placard

de l’oubli au parfum de lavande

 

les reliques inutiles deviennent poussière

elles rejoignent les souvenirs jaunis

et laissent le cœur s’éprendre de sourires

tombés du ciel comme au temps des plumes d’ange

 

Erin (Carmen P.)