Arbre (généalogique)

Quand l’arbre perd une branche
il ne désavoue pas sa sève
il ne méprise pas la terre
et tend toujours vers le ciel

Quand la branche est perdue pour l’arbre
elle ne condamne jamais le bois nouveau
à la sécheresse et à la mort…

Il y a toujours un rêve de source
un espoir de jaillissement en tout souffle qui s’éteint
et qui dépose son âme entre nos mains
pour nous élever vers plus de vie

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Carmen P.
photo du net, source inconnue.

Jaune, atmosphère

Surprenante traversée de jour sépia
aux heures saturées d’une brume ocre
Est-ce nous qui traversons l’espace
sirupeux ou lui qui nous transperce ?
Le sentiment d’étrangeté est-il en nous
ou sont-ce les particules de l’air
soudainement devenu plus dense
qui nous pèse — nous soupèse —

Par la force du filtre nous paraissons teintés
par l’atmosphère, nous devenons pareils
à des personnages d’argile, jaunes.
Atmosphère ! Atmosphère !
Serions-nous des corps d’atmosphère ?

Nous sommes d’ici et de maintenant
et le jour est jaune, désespérément jaune…
Faut-il avancer en caressant les murs
qui ne reflètent aucune lumière
ou plonger dans ce bain saumâtre
comme si de rien n’était ?

Une couleur ne peut nous dissoudre
En attendant que l’opacité se dissipe
nous pouvons être une bulle de lumière
dans l’œil d’un jour au ciel champagne !

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C.P. lundi 16 octobre 2017

Promenade automnale

Je suis allée au devant de la nature;
Il y avait longtemps !
Loin, les jupes de l’océan
c’est octobre, et les glands croustillent sous mes talons.
Le cheval que j’ignorais, depuis son pré, a poussé, haut,
son hennissement. Le hérisson ne s’est pas mis en boule.
Un coléoptère affairé s’est étourdi sur mon front
et les orties formant anneaux en terre propice
m’ont saluée avec fierté. Je suis hélée par la nature.

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Carmen P.

Photo : Magda Berny

Regard

Il portait son regard à distance
bien au-delà des mémoires obscures
Sur ces rives peu parvenaient à le suivre.
L’imaginaire qui infléchissait ses pensées
ravaudait la cécité coutumière et les rêves
devenus cellules réfléchissantes ajustaient la vue
au chant pacifié de l’Univers. Les volets
de l’inconscience ouvrirent leurs battants
juste avant que n’expire la nuit
sur les flancs de lumière
du jour inespéré

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Carmen P.
tableau : Caspar David Friedrich

Amour du peu !

Le courage se manifeste lorsque la vie nous pousse dans un sens unique, un passage obligé où flochotent les épreuves comme autant de cailloux tombés du ciel. Le Petit Poucet de l’âme cueille ces pierres de l’une car il sait qu’il n’y a pas d’impasse et que même sur cette voie le flamboyant du feuillage de l’érable est une grâce à saluer.
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Un tableau d’ Etienne Sandorfi, traduit bien ce que j’éprouve en cet automne.
La maison est sens dessus dessous. Je ne baisse pas les bras ; j’espère que mon environnement s’ordonnera bientôt et prêtera, à nouveau, son cadre inspirant la paix, invitant chacun à l’épreuve de la joie de vivre, revenue. (La joie ne serait-elle pas épreuve, et les désagréments ne pourraient-ils pas être considérés comme des jalons ou des pierres angulaires dans la construction de notre réalité, au quotidien ?).
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Les aléas de l’existence me contraignent au silence et celui- ci n’inquiète personne… c’est très bien ainsi, car l’ami qui s’inquiète rajoute son angoisse au tumulte des heures, trop pleines. Les jours floconnent leurs inclinaisons, tantôt douces, tantôt épicées. Ils ont une consistance fantasmagorique, en ce moment.
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Je vous donne quelques nouvelles de ma poésie…. J’ai perdu six recueils qui n’oiselleront pas à l’âme des lecteurs et mon futur manuscrit, la maquette annotée, avec des petits morceaux de poèmes intercalés ici où là, a pris l’eau. Je l’ai sauvé (séché, feuille par feuille) mais tout est à reprendre. L’eau qui s’infiltre jusqu’au cœur des mots m’incite à ralentir l’écriture qui semble être une voie trop perméable et à tout cri de plume, pernicieuse.
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Eau. Le corps plein d’eau. Eau borde les yeux. Maison bateau prend l’eau et, nus, les cœurs s’abreuvent jusqu’à plus soif, au buvard de la peine. Je tends les mains, j’écarte les doigts… combien d’empans seront nécessaires jusqu’à la terre, ferme ?
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L’enfant ne se pose pas de question. La terre, il la mange sous le regard effaré de sa mère.
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L’enfant a raison, la terre est bonne pour la vie, elle est nécessaire, autant que l’est la fluidité de l’eau ou l’éthéré de l’air. Ne déterrons pas nos racines. Les pensées flottantes, dérivent, comme fumées émanant d’esprits échauffés.
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La terre et la roche sont mes appuis en ces jours aux stères de déboires prévisibles. J’ai dû commander trop de bois de chauffage, il me faudra faire preuve de plus de modération, à l’avenir.
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Il me reste la liberté d’aimer ma vie dans tout ce qu’elle m’octroie.
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Il n’est de plus grande liberté que celle d’aimer inconditionnellement tout ce qui est, tout ce que nous sommes, tout ce qui respire et croît, tout ce qui est animé en ce monde ou tout ce qui demeure parfaitement inerte. Tout cela se confond avec la vie et participe à son expansion, entraînant dans sa course tous nos désirs, ces enfants dont nous pensions certains mort-nés.
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L’amour se lie à nos con- torsions sur Terre, pour mieux vibrer passion en si… elle le vœux.
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Trêve de jeux de mots ! Pas de ciel sans terre. Etre d’ici vaut bien quelques broutilles et il n’est pas nécessaire d’être un éléphant pour les soulever… j’ignore, par contre, ce qu’en pensent les anges !

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Carmen P. le 12 octobre 2017

Etre et accueillir

S’il m’est donné
de tenir debout
juste en ce jour
la Terre peut tourner
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Si je dois accepter
ma fragilité aujourd’hui
et m’accorder à tout ce qui m’épuise
la terre peut tourner
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Si par contre un vol de papillon
comme une rencontre heureuse
vient chasser mes appréhensions
la terre tournera – naturelle…
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dans la constance de sa Grâce
qui toujours nous transporte
même aux heures en chance lente

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C.P.
illustration de Gunjit Bir Singh

Quand, « chut ! », les pierres.

 

 

 

 

 

 

Il y eut des jours qui ne furent pas des jours
il y eut des nuits qui ne furent pas des nuits
car les jours s’évanouissaient dans le vide
et la nuit intensifiait leur chute
sacrifiant tout au silence.
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L’âme, elle-même, louvoyait dans la vase
et les rêves stagnaient sans jamais parvenir
à atteindre le noyau terrestre où l’étoile
de cristal appelait de ses douze bras
la consonance humaine.
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J’attendais l’algorithme du jour véritable
– la simplicité d’une barque affrétée par le ciel –
mais rien de désirable ne venait calmer
l’arythmie de mon horizon où seul le chant
de la mer – vague solitaire après vague solitaire –
venait accompagner ma solitude.
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Je ramassais des galets polis à la perfection
ils étaient menus comme les cris que ma respiration
suspendait à la verticale de mes aspirations.
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Dans ma folie d’écrire
les mots ne lèvent pas cailloux
sur les consciences
tout n’est que mur de feuilles
et l’arbre est caduque – bientôt
il perdra son rideau vert –
peut-être verrons-nous, cet hiver
son œil pâle ouvrir fenêtre ?
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Chaque feuille du décor
est à saisir telle que branche l’offre
qu’elle soit parfaitement configurée
ou rongée de l’intérieur.
Le crayon de bois est plus tranchant
qu’un canif, il entaille l’écorce de l’âme
pour y graver des initiales…
elles consignent les existences
dans la continuité de la beauté
même si certains jours sont parfois plus sombres que des nuits.
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Carmen P.
le 26 septembre 2017
(photographie : Jean-Eugène-Auguste Atget)

Automne 2017

Tu vois,
l’automne comme la vie
retourne sa veste.
La toile des jours est réversible
quand elle ne reflète pas la lumière
elle la cache sous le boisseau.
Alors, elle nous dévore de l’intérieur
à moins que sa flamme bleue
n’éclaire quelque recoin
que n’alimentait que l’erreur.
Je dors en chemise de nuit
car ta peau ne me protège plus.
Je rêve de lingerie fine
alors que voilà la saison
où il faut se couvrir.
Tu es la paille
et je suis épouvantail.
Loin des champs où je veillais
tout me devient si futile…
J’attends un peu d’ardeur
assise à l’ombre de l’aiguille.
Seule ta chaleur
pourra me redresser
et nous brûlerons encore malgré les saisons !
Ainsi chafouinent les coeurs
quand l’heure de la moisson est passée.

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Carmen P.
(illustration : Andrea Kowch)

Le son des mots

Faut-il dire ? Faut-il se taire ?
Ne vaut-il pas mieux vivre en état de sourire
laisser rouler le stylo sur la table qui penche ?

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Elle n’a pas la conscience qui flanche
malgré les souches de tous ses rêves abattus
qu’elle enjambe quand elle va aux orties
et qu’elle est saule d’argent… sans pleurs !

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Insensible à tout ce qui tente de la séduire
sauf aux accords de l’euphonie verte
elle connaît sa Terre, cette vulnérabilité
d’où chaque jour elle renaît
et elle lance le son…

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jusqu’à ce que clochent ses mots

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Carmen P.

(photo : Filippo Rizzi)