De nuit, deux amies sur une route

(texte onirique)
.

Elle rêvait
plongée dans le vivant du sommeil
que la pluie sur le toit figurait en débordements
Ainsi vécut-elle
au bord du lac où par le passé son père avait été englouti
heureuse

Elle rêvait
d’une direction à prendre
entre l’Est et l’Ouest
(je crois qu’elles prirent la route vers l’Ouest)
vers une ville au nom latin
oublié depuis mais elles ne perdirent
pas le goût de vivre qui résonnait
sous leurs peurs – tendu

même lorsqu’elles traversèrent
le cimetière où le prêtre
seul vivant rencontré dans la nuit
leur dit qu’elles étaient sur la bonne voie
elles ne pouvaient se tromper
en suivant la route des cent arbres
Ces arbres avaient été torturés
ils avaient subi un greffage
sur leur bois, jeunes – transfigurés
ils seraient reconnaissables
et jalonneraient leur route

L’amie était partie en auto-stop
sans voir les arbres, mais sait-on
ce que voient ceux
qui ne sont pas à nos côtés ?

Je demeurai fière d’elle
à l’arrivée je constatai qu’elle avait écrit de nombreux livres
ignorés de tous. Je les reconnus aussitôt même si son visage
ne figurait pas sur la quatrième de couverture
Elle était blonde, vive, et combien aimable
contrairement à ce qu’affirmait le chauffeur
qui décrivit la route en sa compagnie pénible
On ne porte pas le fardeau de l’imaginaire
sans qu’il paraisse « encombrant » pour ceux qui voyagent en notre compagnie

Peu importe
les livres demeurent
ils ouvrent aux lecteurs
un sens en retour
Peut-être même pourraient-ils voir
les cent arbres martyrs
et par la magie des mots parvenir
à dégrafer leurs carcans – les ramenant
à leur propre nature

.
Carmen P.
Illustration : Balthus – Étude pour le Rêve I ,1935

Paysages de Noël

Ce n’est pas encore la fête
mais il y a comme un goût de miel
de vin chaud et d’épice accroché aux branches
de l’arbre Noël sous lequel seuls les peluches patientent.
La ville est une ruche où se piquent les envies aux pinçons de l’hiver.

*

La patience est une graine
qui ne croît que si on la sème
en terre intermédiaire
à la lisière de l’être intime.
Sur champ de neige
elle se déploie, sereine,
et le vent en lève quelques bribes
quand le mental las de haute voltige
souhaite poser un sourire sur le monde.

*

Un peu de rêve.
La légèreté signant la grâce des espèces ailées,
suivons-les dans leur élément, l’air qui embrasse tout,
et laissons vibrer dans notre espace intime
la fibre joyeuse, elle sous-tend l’âme liberté.

*

Avec ton manteau vert
ton étreinte née de la mer
mon coeur tient en ce baiser
et mon corps danse sur un pied
tandis que vagues se brisent
aux côtes des Hespérides.

Carmen P.
Photo Georges Elbert Burr, « Winter morning »

Univers onirique

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L’œuvre de Dariusz Milinski est pétrie de poésie. Son univers onirique émerge de scènes de la vie rurale. Une lecture attentive des tableaux est une véritable invitation au rêve, à moins qu’à l’inverse elle nous renvoie à nos songes. C’est ce qui s’est passé pour moi avec ce tableau représentant un homme qui, par sa seule force physique, parvient à déplacer sa maison. Le labeur humain se charge ici d’une fascination spirituelle.
Dure entreprise à hauteur humaine, alors qu’en… rêve notre inconscient rend la chose si facile !
Ce tableau a donc réveillé ma mémoire onirique.

Voici le rêve qui s’est déroulé sur l’écran noir de mon esprit endormi, il ya une quinzaine de nuits.
J’étais retournée dans un logement de fonction. Au rez-de-chaussée il y avait mon bureau. Dans le rêve, il se trouvait « agrandi » par rapport à mes souvenirs ; le mur qui le séparait de la pièce voisine avait été abattu, ce qui offrait un vaste espace où je pouvais expérimenter avec une classe une nouvelle méthode pédagogique. Je vous résume la séquence : après relaxation, les enfants évoluaient en prenant bien conscience de la place qu’ils occupaient et en tenant compte de la présence des autres, sans en être perturbés. Quand ils parvenaient à être présents à eux-mêmes et à la trajectoire ainsi qu’aux mouvements qu’ils exécutaient, ils s’approchaient du tableau et s’exprimaient. Des bulles sortaient de leur bouche et venaient s’imprimer sur le tableau. Tout se passait merveilleusement bien et les élèves, ensuite, étaient enchantés de pouvoir observer, avec les autres, les graphies et les traces colorées qu’ils avaient laissées.
C’était la rentrée, mes nouveaux collègues étaient arrivés, nous allions préparer la rentrée et penser projet. L’accent serait mis cette année sur le travail corporel et l’appropriation de l’espace. Nous étions en pleine réunion quand une milice a fait irruption dans le hall d’entrée, mes collègues se sont livrés à eux mais je me suis échappée. Je me suis réfugiée à l’étage où se trouvaient les chambres. Dans mon rêve mes enfants et mon mari s’y trouvaient.
On tambourinait à la porte, tous (sauf mes enfants) m’encourageaient à ouvrir mais il était hors de question que je me rende, qu’on fasse irruption dans ce lieu protégé qui était mien. La porte allait céder quand j’ai ressenti un décollage, immédiatement suivi d’un atterrissage.
Tout est redevenu calme. Derrière la porte mes agresseurs semblaient ne plus exister. J’ai entr’ouvert la porte, un parfum de fraîcheur est entré dans le logement ainsi que des chants d’oiseaux. J’ai ouvert la porte en grand et je suis sortie : le premier étage de la maison se trouvait au beau milieu d’un champ fleuri, dans une vallée. J’ai dit à mes enfants de sortir et je suis partie chercher des êtres qui comptent pour moi afin qu’ils viennent vivre dans ce havre de paix.

Court texte :

Laissons-nous porter, si… lent… cieusement, par l’ange courbé sous le poids de notre matérialité. N’opposons aucune résistance, jusqu’à ce le mouvement de s…a marche se calme, alors seulement nous pourrons nous risquer à entr’ouvrir la porte, à laisser entrer un parfum de fraîcheur qu’accompagne le chant des oiseaux. La lumière inonde la maison, dans le moindre de ses recoins. Abandonnée au cœur d’une vallée fleurie, elle attendait notre réveil.

Erin