Nounours, si j’avais pu choisir comment te perdre, j’aurais aimé t’oublier dans le lit du bois où un soir je t’aurais couché en te recommandant de dormir sagement. Mais ce n’est pas ainsi que tu es sorti de ma vie.
.
Nounours, on t’a enlevé à la petite fille blonde que j’étais, ou, plus exactement, on t’a jeté, comme une vieille guenille, salie par trop d’embrassades. Tes accrocs n’étaient que les cicatrices de l’amour passionné que je te portais.
.
Nounours, la passion est mauvaise conseillère et je sais bien, qu’en réalité, c’était pour me punir de t’avoir sauvé des roues d’une voiture qu’on nous a séparés. Ce n’était pas toi que j’aurais dû saisir, non, ce n’était pas toi, mai mon petit frère.
.
Nounours, si tu t’es retrouvé dans une décharge, j’imagine que tu as pris tes jambes à ton cou et que même si tu n’es pas parvenu à me rejoindre tu as certainement rencontré Sylvain et Sylvette… avec eux tu n’as plus rien eu à craindre.
.
Tu as appris à déjouer les tours des compères de la forêt, pendant que moi j’essayais de comprendre la vie avec mon coeur d’enfant perdue dans la jungle humaine… mon petit frère ne s’est souvenu de rien. De cette histoire je garde en mémoire la colère de mon père et une peur grosse comme un grognement d’ours qui monte dans ma poitrine les nuits de cauchemar.
.
Erin