Fille de personne

 

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Feuille contre feuille – nos joues
cailloux du chemin – bringuebalant
perles d’eau ruissellent confidences
sur la terre ou le sable qui modèlent
nos heures – elles ne comptent plus…
les rencontres et tous nos évitements
La coccinelle a quelques secondes d’avance
sur nous ; ses points sur ses deux ailes
ne l’empêchent pas de voler. Ma soeur,
ma fille, mon amie jamais venue au monde.
Il se pourrait que tu sois mon double, ange.
Qui suis-je moi qui ne suis plus la fille de ma mère
– elle me prend pour sa soeur, et me renvoie la douleur
de la mort de sa mère qu’elle revit en continu –
Fille de cœur
Sœur ignorée
Enfant de personne
Je suis une lanterne de papier qui rêve d’une soeur étoile
et je brûle ma peau là où pèsent mes illusions.
Je n’écrirai plus
Mes poings pressent les mots jusqu’à leur étouffement,
jusqu’à la déréliction dans la froissure des jours vertiges
et l’amitié suprême blanchit les draps de leur souillures d’encre.
Paume contre paume – nos mains de chaque côté du miroir
et nos regards déployés sondent le vide de nos mondes respectifs
qui jamais ne trahissent leur essence que seule la griffe du temps pénètre.

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Carmen P.

Ce poème a été mis en musique par Michel Bonnassies et Nicolas Rugolo.

Deux interprétations fort différentes.

Juillet

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Les frissons légers des instants volés à la torpeur de juillet accrochent sur les pièges à rêves des  prises détonantes. Quand on libère ces souvenirs de leurs papillotes, ils pétillent et remplissent l’esprit de leurs bulles qui appellent le frisson d’une nouvelle vague.

Les éclairs de cœur annoncent plus de lumière que les aubes les plus lumineuses d’une quelconque île paradisiaque. 

Rien ne s’arrête vraiment derrière le rideau des apparences figées.

Non, rien ne s’arrête. Les évènements dans les coulisses se préparent à entrer en scène.

Le front sur la vitre, l’enfant regarde à l’intérieur. Il ne joue pas encore son rôle.

Le verre s’efface sous la pression du bleu, insistant. C’est maintenant à l’intérieur, tout à l’intérieur du cœur de la mère que la tige de son iris plonge et dans l’eau d’un  regard puise la force de l’épanouissement. Il est inflorescence, un tournesol, peut-être, qui cherche son soleil.

L’enfant reconnaît sa mère avant la conception. La mère accompagne ses pas bien au-delà des chemins de poussière car l’eau de l’amour transpire au travers des parois temporelles.

L’amour est un  jardin d’acclimatation.

L’indifférence est un leurre qui prend pour excuse la vitre et lui donne les pouvoirs d’une frontière. Ces limites ne sont qu’extérieures. La joie d’être coule à l’intérieur, elle ignore les limites.

Terre. Le champ de notre vision ne perçoit pas la nature illimitée des lendemains.

L’œil ne suit pas la ligne qui relie l’ombre, à peine marquée, à l’autre, feuillue, mais trop lointaine d’un ciel impassible.

Derrière la vitre l’enfant perce l’avenir en interrogeant ses racines. Ouvrons pour lui une fenêtre sur la clairière du présent où court l’impulsion d’une eau vive.

 

Erin (Carmen P.)

le 6 juillet 2015

photo : Elena Shumilova

L’arbre mère

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Tous les bourgeons d’amour devenus branches occupent immensément le cœur de l’arbre mère. Pour eux, elle attend de la vie plus que des demi épanouissements.
Elle porte, avec ses fils et la lumière et les épreuves à affronter. Elle réhausse l’espoir jusqu’aux paliers où l’air est plus clément.

Absolue solitude de la Pythie qui de toute sa droiture défend l’amour avec la force de l’énergie originelle
Sans trêve, elle rajoute du poids dans la balance, côté vie, quand le monde manifeste, de façon mineure sa tendresse pour l’un de ses enfants, et quand l’inimitié risque de le fragiliser elle insuffle encore plus de lumière, car pour elle tous brillent du même éclat.

Ainsi elle donne à boire l’eau de la vie au calice des tulipes, même si elle-même, dans l’ombre, s’abstient d’y  goûter.

Erin

(photographie Barbara  Chikhi)

Le Tao – 1er verset –

 

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La sagesse de l’ enseignement du Tao, lorsqu’on essaie de comprendre ce qu’il peut révéler de notre vie, n’est plus à prouver. Suite à ce verset j’ai écrit les premières pensées qui ont traversé mon esprit; Je me pose en effet beaucoup de questions sur la nécessité d’écrire que je ne peux vivre qu’en m’accordant des pauses de temps en temps, je  me tourner alors vers les miens, vers mon jardin ou mes animaux… mais ce n’est pas immédiat, l…’ordinateur est là, les cahiers, les feuilles et les idées surgissent et je suis une acharnée du travail que j’ai du mal à interrompre. Quand trop c’est trop, quand même le désir d’écrire réveille un certain inconfort, l’urgence est au lâcher prise et à l’observation de ce mouvement qui crée des tensions. Ne pas répondre, ne pas juger, même si on flanche et recommencer à se tourner vers la vie, vers le chat qui réclame une caresse, vers ses enfants à écouter, vers la nature qui est toujours prête pour la rencontre. Les mots se vivent avant de s’écrire quand le temps qu’on leur accorde n’est plus contraignant.

*

Le Tao qu’on peut raconter n’est pas le Tao éternel. Le nom que l’on peut nommer n’est pas le nom éternel.

Le Tao est à la fois nommé et innommé. En tant qu’il est innommé, il est l’origine de toute choses ; en tant qu’il est nommé, il est la Mère de dix mille choses.

Celui qui est toujours sans désir peut voir le mystère ; celui qui toujours désire ne voit que les manifestations. Et le mystère est lui-même la porte de toute compréhension.

Lao-Tseu

*

À cette (re)lecture, je me dis… que la poésie, bien qu’elle tente de laisser entendre la voix de la source, n’est que la Mère de dix mille choses que la mémoire des impressions qu’elle transmet n’est qu’une pâle dilution, un mirage du merveilleux qui est vu et ressenti que seule la présence à l’instant a du sens et la quête des mots nous en éloigne que tourner le regard en soi permet de cerner le désir dans ce qu’il a de déstabilisant et nous éloigne du présent que l’acceptation du non désir n’est pas un acte de résignation

J’ai le non désir d’écrire que des années d’abstinence ont forgé. Les mots invisibles sont paroles d’anges immatérielles par essence.

Erin