Questionnement

 

Donnadieu Rémy Photographer

.

Il en est des comportements humains comme de la structure de la Terre ; le vulgaire et le fluant en forment l’écorce, ils recouvrent l’essence ciel d’un noyau inaltérable, à toute étoile pareil.

Parfois quelque éruption ou tremblement parvient à déchirer la peau terrestre obstruée par les   manipulations convenues dont nous négligeons les ressorts, dont nous feignons même de ne pas être un contributeur zélé.

Tout ce que l’on voit en surface demeure le grossier, qui inévitablement renvoie le profond, le subtil à l’invisibilité. Si nous ne voulons pas avancer masqués, il faut accepter d’être perçu dans l’insignifiance par notre choix du déni d’apparences – ces apparences qui seules nous révèlent au monde, prompt à juger, à placer chacun dans une case.

Sommes-nous déterminés à vivre  l’approche de l’essence des choses que ce soit dans l’Art, dans la Littérature, dans tous les domaines qui nous structurent fondamentalement ? Sommes-nous prêts à avancer en écartant la fange des idées molles, en contournant les strates vulgaires, en plongeant dans l’immonde ? Sommes-nous prêts à traverser le miroir qui impose une image déformée à notre regard premier, tout en évitant de produire nous-mêmes des actes, des pensées qui troubleraient davantage la vision d’autrui, rajouteraient de l’écorce à la douleur intime, densifieraient l’opacité de l’empreinte  humaine dans ce qu’elle a de plus grégaire ? 

 

Erin (Carmen P.)

Photo : Rémy Donnadieu

Nuit celte, land mer

Voilà, mon recueil est édité. Je devrais recevoir des exemplaires avant la fin de la semaine.

Le lien vers le site de l’éditeur, même si le commentaire d’une personne que je ne connais pas me défrise quelque peu ! L’art est difficile et la critique si facile !

http://editionsstellamaris.blogspot.fr/2016/01/nuit-celte-land-mer.html

Couverture Nuit celte, land mer - Copie

Les sourires d’eau

Gabriel Moreno

 

L’instant est à l’émerveillement

pour peu qu’on s’y arrête

Ne laissons pas le charme s’épuiser

entre nos doigts tentons de saisir

– comme l’enfant joue d’un filet d’eau –

le fluant…

Laissons la caresse du moment

feindre la paresse

et le feu ludique du sentiment d’être

déposer du rose sur nos joues

parfaites

.

Le bonheur jamais ne dure

le malheur pas davantage

quand passe la tristesse

nous remplissons notre coupe

pour y noyer notre amertume

dans la boue de sa céramique

poreuse

parfois nous prêtons l’émail

d’une porcelaine fine

à la pureté d’une eau vive

la lumière (alors)  paillette notre coupe

jusqu’à la glaçure

.

La légèreté est une broderie

qui transfigure le jour

elle est illusion

regardons du même œil

l’eau claire et l’opaque de la vie

qui coule…

Gardons la voix cristalline

pour chanter la joie

quelle que soit l’instant symphonique

qu’il nous plaise ou non

 

D’un filet comme l’enfant

laissons nos sourires d’eau

émoustiller nos papilles

.

Erin (Carmen P.)

 .

Carmen P.

(illustration : Gabriel Moreno)

Les pieds nus de Zadkine (note de lecture)

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Les pieds nus de Zadkine 

Roman de Gaëtan Lecoq édité par La part commune – 2012

Un roman initiatique narré à la deuxième personne du singulier. Ce choix interpelle, en début de lecture,  puis on se laisse apprivoiser par cette parole qui nous prend à témoin. Après tout,  peut- être que cet enfant de dix ans, surnommé « Pinson », n’est autre que  notre enfant intérieur ? 

Alors que, réfugié dans sa cabane au cœur d’une forêt du Lot – cachette qu’il utilise autant pour échapper à une fratrie qui ne le comprend pas que pour ressentir son attachement à la nature dont il aime percer les secrets –  l’enfant dessine des oiseaux qu’il a observés, il voit surgir devant lui un homme taillé comme une pierre levée et cet homme marche pieds nus.

L’esprit de la nature semble s’être matérialisé devant l’enfant orphelin, et c’est tout naturellement qu’il accepte, dans un grand éclat de rire, de s’abandonner à la protection de cet inconnu, cet étranger pour les gens du village.

Au fil des étés, l’enfant livre les secrets de la forêt qu’il connaît comme sa poche et l’homme, un artiste sculpteur, ouvre son atelier et sa maison à l’enfant qui découvre que les relations humaines peuvent être joyeuses et stimulantes, que l’art permet, en partant de cette nature aimée, d’ouvrir d’autres perspectives, d’imaginer d’autres possibles, de tendre vers une réalisation plus fulgurante de vérité que les précédentes, tout en demeurant passionnément présent dans l’acte de création.

Ossip Zadkine, le sculpteur (1890-1967) et sa femme Valentine Prax, artiste peintre, vont insuffler le goût de la vie à cet enfant à demi sauvage. Ils seront un exemple pour lui, tant artistiquement, intellectuellement, que par l’amour qui illumine leur relation. Les épreuves ne leur seront pas épargnées car la guerre  va séparer le trio, mais ils se retrouveront ensuite, et c’est Zadkine, même  vieillit, qui viendra réveiller le corps souffrant et diminué de Pinson.

On se laisse porter par cette histoire où la nature, l’art et l’amitié s’unissent pour tisser des liens puissants qui pallient les failles d’une vie  mise sous le signe premier de la tragédie.

Ce roman est un condensé de tendresse où chante  l’existence – en dépit de ses ratés.

Avec Pinson nous aimerions dire avec reconnaissance à la Vie: Je suis le dernier Zadkine. 

Un extrait p.153-154  : 

«  La mission est réussie, pleinement réussie, insiste le capitaine. Tu t’es mis à l’écart, trouvant incongrue cette réjouissance : tu revois les tirs de la mitrailleuse, les assauts de tes camarades, tout repasse au ralenti devant tes yeux. Tu songes aux visages perdus des jeunes Allemands avant qu’ils ne s’effondrent sous les impacts de balles. Tu t’éloignes du groupe car tu sens que tu vas vomir. Dans les regards détachés et surpris des soldats allemands si jeunes, tu lis ta propre jeunesse, tu y vois ton propre effroi. Comprends-tu que ta vie est là, comme un élément infime du long mouvement du monde, un simple passage dans la folie du temps ? Et si c’était cela que l’art de Zadkine voulait t’apprendre : être au monde et se libérer de soi-même ?

… »

 Merci à Gaëtan Lecoq pour cette écriture tout en  sensibilité, dont j’ai savouré chaque instant de lecture.

 Erin (Carmen P.)

Les goémoniers

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Reflet d’hier

une simple photo du  Koréjou Plouguerneau

où l’on voit une scène du  traditionnel

ramassage du goémon sur nos plages bretonnes .

 

Reflet d’aujourd’hui

un drame diligenté par  l’obscurantisme

a brisé le miroir où le temps présent

réfléchissait son bonheur de vivre

.

La photo du passé entre les mains, le sang démonté par la révolte

.

Je trouve cette image apaisante

La nature à l’aube nouvelle

fidèle à son propre mouvement,

réinventait la  lumière

Le froid cependant figeait mon humeur

Accepte la lumière !

.

Je trouve cette image apaisante

Elle m’enveloppe d’une douce vibration

La chaleur liée à la proximité des hommes

absorbés par la tâche commune

défie toutes les menaces

.

Cette image d’une inflexible réalité

me cheville, malgré le froid, au désir de lumière

Les empreintes des vies au coeur de ma mémoire

chaussent leurs sabots et talonnent mes résistances

.

Erin (Carmen P.)

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photographie Jean-François Michelet

 

Lune bleue bientôt rousse

lune rousse

 .  

Je t’aime des poèmes  

comme autant de je sème  

pareille à l’abeille

que le pollen enivre  

.

Entre plume laborieuse  

et rêveuse lascive  

j’avance et je plane  

sur feuille éphémère  

.  

Tous les étés d’hier  

se fondent dans la saison  

si belle aux jours vieillis  

patine ô son velours !  

.  

Le chant flûte et ricoche  

sous l’arche du cœur  

en langue des signes

souffle chamane la vie

.

.Carmen P. (Erin)   

 

peinture : Elisabeth Adela Forbes

peau lierre

Une chaîne d’enfants se tenant par la main forme une ronde autour de notre planète, leur peau expie la misère en larmes de sang, ils nous tournent le dos et captent la lumière

Nos villes sont de peine, de soufre et de feu, fille de la campagne, de nature paisible, je resterai vêtue d’une robe de paille; mon manteau flottera cousu de feuilles mortes

Comme un épouvantail que le vent taquine je frémirai sous la caresse de la brise et laisserai la violence des tempêtes arracher mes fripes de végétaux fanés

Souffle.  Je mets ma confiance en l’imprévisible, il ne manquera pas de revenir tisser sur mon épiderme nu où file le lierre une coque de mousse et de plumes diaprées

Les rêves renvoient l’image de l’enfant universel , chaque chérubin, fille ou garçon, quelque soit son continent d’origine, est maillon vital de la fraternité humaine et la lumière sublime toutes les couleurs de peau, annule les différences. L’innocence est une matière tendre où les épines ébranlent les couronnes.

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Carmen P; (Erin)

Impression expo Giacometti

en pensant à Paul Eluard

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Une esquisse, un trait de crayon, une touche de couleur, une phrase courte, un simple mot suffisent à faire passer l’intensité d’une présence. Ils  questionnent en silence l’autre, attendant un signe  en échange du cadeau de la trace.  Parfois le signe ne vient pas. Ne peut pas venir. Le geste est-il moins important pour autant ? Il n’est pas vain de poser un acte, aussi petit soit-il, si à l’instant où nous le réalisons nous y mettons toute notre attention.

Je pense à l’enfant dessinant pour sa mère… même si le dessin est imparfait, même si le trait est hésitant, la mère le reçoit comme une merveille. L’imperfection d’une œuvre spontanée ajoute à son charme. La fragilité exprimée nous touche. La trace pourrait même être invisible, son message serait toujours là. Parfois je perçois ces traces qui toutes semblent dire : « Tu vois combien je t’aime ! » Combien de messages franchement visibles, discrets, ou presque invisibles, laissons-nous passer sans parvenir à « lire » la charge d’amour qu’ils contiennent.
Est-ce éprouvant de se laisser atteindre ?

Quand je visite une exposition je me laisse happer. Je n’ai pas besoin de film, je ressens la création à l’œuvre, je pénètre dans la peinture, dans la sculpture qui me renvoient le visage de l’artiste avec ses attentes, sa recherche, sa vulnérabilité… je tombe d’une certaine façon dans une autre dimension, je laisse mon être, je m’oublie et alors se dévoile le sensible d’une quête qui fut un temps et se poursuit hors du temps pour m’atteindre maintenant.

Je pourrais écrire longuement sur ce sujet, mais je veux revenir à ce qui m’a conduit à vous en parler. Parmi les œuvres exposées à Landerneau, il y avait une série de croquis d’ Alberto Giacometti, des bouquets de fleurs de petit format, vivement crayonnés sur papier, ces croquis ont été réalisés le 22 novembre 1952, quatre jours après la mort de P. Eluard, son ami. Sur chaque croquis l’artiste a écrit la date et ces mots : « En pensant à Paul Eluard. » Et cela suffit !

 

Carmen P. (Erin)