Automne 2017

Tu vois,
l’automne comme la vie
retourne sa veste.
La toile des jours est réversible
quand elle ne reflète pas la lumière
elle la cache sous le boisseau.
Alors, elle nous dévore de l’intérieur
à moins que sa flamme bleue
n’éclaire quelque recoin
que n’alimentait que l’erreur.
Je dors en chemise de nuit
car ta peau ne me protège plus.
Je rêve de lingerie fine
alors que voilà la saison
où il faut se couvrir.
Tu es la paille
et je suis épouvantail.
Loin des champs où je veillais
tout me devient si futile…
J’attends un peu d’ardeur
assise à l’ombre de l’aiguille.
Seule ta chaleur
pourra me redresser
et nous brûlerons encore malgré les saisons !
Ainsi chafouinent les coeurs
quand l’heure de la moisson est passée.

.
Carmen P.
(illustration : Andrea Kowch)

Chroniques de vie

Je vis entre deux hôpitaux. Dans l’un ma mère trouve le temps long entre les visites des membres de sa famille qu’elle ne reconnaît pas toujours, et puis elle oublie avoir eu ces visites. Dans l’autre mon mari se rétablit doucement.

.

Mercredi, j’attendais dans le hall de l’hôpital. J’avais un rendez-vous avec l’assistante sociale pour le suivi de ma mère.

Un homme très âgé est arrivé sur un brancard. Deux ambulanciers, un homme, une femme, jeunes et dynamiques, lui demandent s’il est déjà venu ici. « Oui, répond-il, et ma femme est hospitalisée ici ». Ils laissent le monsieur dans le couloir aux bons soins du personnel et prennent un autre brancard sur lequel est allongée une femme très âgée, elle aussi, qui doit passer une échographie. Ils lisent le nom de la dame – c’est la femme du monsieur qu’il viennent d’amener. Moment d’hésitation car ils sont pressés par temps. « Oh, et puis, au point où on en est on n’est pas à une minute près ! » dit la jeune femme. Alors, ils font marche arrière avec le brancard sortant et mettent les deux brancards côte à côte. « Regardez qui est là, Monsieur ! »

Joie du Monsieur de croiser Madame. Emotion pour moi. Double émotion, la première de constater le niveau d’empathie des personnes qui s’occupent des personnes âgées, la seconde de me dire qu’un instant bonheur peut tenir dans un bref instant où deux brancards se croisent.

Je ne sais pas si vous vous êtes sûrs de votre vie, de vos croyances, de ce qui contribue au bonheur, moi je ne sais plus et j’ai l’âme à vif, toujours plus à vif à chaque scène de ce genre.

*

Que dire de l’autre hôpital ? Un poème, peut-être ?

.

Il plane un air de renouveau

au goût d’automne primesautier

quand le ciel bleu transgresse l’orage

et que l’homme – décidément amoureux –

souhaite prendre la clef des champs

avec son coeur en bandoulière

.

Est-ce bien raisonnable ?

.

C.P.

Photo de Jean-Luc Barré

Absence

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Ils ne viendront pas à Noël

six mois de séparation

me semblait supportable

mais de patience il faudra double dose

 

Ils ne viendront pas à Noël

la neige aura le temps de fondre

les fleurs de cerisiers seront envolées

pour moi, elles seront rouge d’émotion

 

Ils ne viendront pas à Noël

j’ai rêvé que je ne trouvais pas de cadeau

pour l’enfant qui me connaît si peu

entre nous l’Océan s’engouffre

 

Ils ne viendront pas à Noël

la voie du cœur depuis longtemps entretenue

s’écarte bien malgré moi de l’existence

et c’est mon âme qu’on écartèle

 

Ils ne viendront pas à Noël

l’enfant grandit loin de ceux qui l’aiment

ignorant l’affection qu’on lui retranche

sans vigilance la Vie s’évanouit sur la distance

 

Ailleurs, un jour béni elle s’épanouira, sans doute

mais l’aïeule ne sera plus

 

.

Un confetti bleu

Arthur Beecher Carles - Silence, 1908

Un peu de ciel devrait suffire
pour revêtir de compassion
la tragédie dans sa nudité.

Un fragment aussi petit
qu’un confetti
qu’un grain de riz
qu’une pupille
aussi fragile qu’une porcelaine
bleue

Oh, bleu ! crie la joie
qui a perdu saveur
qui a perdu odeur
qui a perdu demeure
car l’innocence est désincarnée.

Oh, bleu ! Existe-t-il
un coin dans tout coeur
où tu puisses germer
un point en tout coeur
un point…
de proximité, non pas à l’infini
quand l’horizon du futur
n’est qu’ un rêve qui ne tient jamais
ses promesses d’apaisement
dans un monde en perpétuelle recherche
de Paradis
alors que l’amour est là ?

.
Carmen P.

illustration : Arthur Beecher Carles – Silence, 1908

L’arbre mère

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Tous les bourgeons d’amour devenus branches occupent immensément le cœur de l’arbre mère. Pour eux, elle attend de la vie plus que des demi épanouissements.
Elle porte, avec ses fils et la lumière et les épreuves à affronter. Elle réhausse l’espoir jusqu’aux paliers où l’air est plus clément.

Absolue solitude de la Pythie qui de toute sa droiture défend l’amour avec la force de l’énergie originelle
Sans trêve, elle rajoute du poids dans la balance, côté vie, quand le monde manifeste, de façon mineure sa tendresse pour l’un de ses enfants, et quand l’inimitié risque de le fragiliser elle insuffle encore plus de lumière, car pour elle tous brillent du même éclat.

Ainsi elle donne à boire l’eau de la vie au calice des tulipes, même si elle-même, dans l’ombre, s’abstient d’y  goûter.

Erin

(photographie Barbara  Chikhi)

Extraits de Rose Garden

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Rose Garden ouvre ses pages sur sept nouvelles.

Chacune de ces nouvelles nous convie à un rendez-vous avec la nature. Cette nature, on la découvre ordonnée et obéissant à la volonté de l’homme, dans un jardin du Massachusetts, on l’approche, sauvage, sur la Côte bretonne ou sur les Landes de Cojoux, on s’en extirpe quand un cauchemar nous prend dans le labyrinthe du jardin de l’inconscient….

Avec « Rose Garden », la réalité passe une porte, elle pénètre dans un univers où l’animal parvient à communiquer avec l’homme, où la mort poursuit le dialogue avec le vivant…

Les titres des nouvelles (dont je vous ferai une introduction prochainement) :

– Rose Garden
– L’œil de l’ange
– Pauline ou le cri
– Un dimanche en Pays de Brocéliande.
– Amour et Mandala
– Au-delà des cauchemars
– La demoiselle de Saint-Just

 

Nouvelle 1 : Le rat de Boston
Rose Garden (nom d’un jardin de roses à Boston) est une nouvelle en quatre chapitres.
Synopsis :
Gerald habite Boston, lors d’un jogging il rencontre un rat visiblement égaré sur la chaussée. L’animal échappé d’un labo. perturbe la circulation et intrigue les passants. Tout à coup il se précipite vers le jeune homme et ne le quitte plus. Cette intrusion dans l’existence bien rangée de Gerald va l’obliger à fouiller son passé, à penser son avenir autrement, à laisser une place pour que grandisse l’Amour dans sa vie, tout en l’amenant à réfléchir sur la responsabilité de l’homme et de la Science dans ce monde qui nous héberge.
La pensée de Henry David Thoreau accompagne en filigrane, de bout en bout, cette nouvelle.
Deux extraits de ce chapitre 2.
Extrait 1 :
« … Gerald Hoar menait depuis quelques années une existence de célibataire à laquelle il trouvait un certain confort. Il savait par expérience que la passion apporte, passé l’éblouissement des premiers mois, plus de tourments que de plaisirs. Autant il appréciait les uns, dont il ne se privait pas, autant il fuyait les autres. Il était parvenu à convaincre sa famille et ses amis que ce choix de vie était préférable à l’état d’excitation et d’angoisse qui vous colle à la peau quand vous êtes « amoureux ». L’amour, immanquablement, le renvoyait à l’image d’un naufrage, et lui tenait à garder la tête hors de ces remous. C’est donc avec détermination qu’il s’organisa une semaine d’enfer au planning « serré ». Il se laissa absorber par ses occupations habituelles, et de crainte que ce ne soit pas suffisant, il en rajouta même. Ne refusant aucun surcroît de travail, emportant chez lui des dossiers supplémentaires, il parvint à chasser ainsi de son esprit, à chaque fois qu’elle se présentait, la pensée de la jeune femme qui menaçait tant son self- control et dont le sillage sensoriel, le sourire, le son de la voix risquaient de remettre en question l’équilibre d’une vie.
Le rat, durant ces quelques jours, ne provoqua pas de désagréments. Sa présence occasionnait juste un rituel supplémentaire à accomplir. Gerald s’en chargea, comme il s’y était engagé, quand bien même il ne saisissait pas le sens de cette présence dans son appartement. Non, le rat n’était pas un problème, et son chien, Zardoz, semblait s’accommoder de ce nouveau colocataire… « 

Extrait 2 :
« … Dans le bus, bien que prenant la direction de Cambridge, il parvint à détourner ses pensées de Kathleen. Un groupe de jeunes afro-américains, Smartphone en main, écoutait de la musique avec force mimiques et claquements de doigts. Il ferma les yeux, pour tenter de se couper de cette agitation. C’est là que l’image de Kathleen et de sa plastique irréprochable en profita pour surgir. À son insu, elle s’imposa en force sous la forme d’un doux rêve éveillé. Un arrêt un peu trop brutal lui fit perdre l’équilibre et il se retrouva le nez collé sur la poitrine volumineuse d’une femme d’un certain âge. Ceci le ramena à la réalité, bien loin des courbes de sa belle qu’il se voyait déjà caressant. Tout en rougissant du fantasme qui l’avait mis dans une situation ridicule, en public, il se confondit en excuses auprès de la passagère qui le regardait, indignée… « 

 Un autre extrait (le tout début de la nouvelle)
« Y aurait-il un Bon Dieu ? Même pour les rats ? Cette question traversa un instant l’esprit de Gerald, mais bien vite il se ressaisit, la tension qu’il devait maintenir pour maîtriser son chien ne permettait pas de telles divagations mentales.
Ma foi, non, les rats n’ont pas besoin de Bon Dieu, ils se sortent de toutes les situations. C’est ahurissant. Quel flegme ! Quelle intelligence !…
Gerald pensait revenir tranquillement vers Down Town, où il habitait, en empruntant l’avenue du Commonwealth. Il avait couru le long de Charles River et était satisfait de sa performance ; il avait tenu un bon rythme, et ce malgré son chien qui parfois freinait des quatre coussinets et qu’il devait alors traîner sur plusieurs foulées. L’animal n’était peut-être pas un bon compagnon de course, mais d’instinct il savait identifier une présence indésirable.
Le croisement de Commonwealth Avenue et d’Exeter Street faillit être fatal pour le jeune homme.
En même temps qu’il perçut le cri : « Oh, My God! », il entendit un bruit de freinage terrible et réalisa qu’une voiture arrivait sur lui.
Mon Dieu se pouvait-il que ce soit sa fin ?… « 

 

Nouvelle 2 : L’œil de l’ange
Synopsis :
Estelle participe à un week-end de peinture sur le site dans le jardin de Prévert à Omonvillela Petite. C’est pour elle le début d’une aventure humaine et poétique qui transformera son regard de peintre et l’âme des couleurs qu’elle pose sur sa toile.
Un extrait :
« … Quand ils regardèrent la toile d’Estelle et découvrirent l’ange qu’elle y avait peint, ils eurent une raison supplémentaire de donner libre cours à leur indignation. Un ange – oui – un ange qui, du salon, semblait regarder vers le parc, et celui-ci prenait couleur à partir de ce regard !
— Un ange sexué planant au plafond de la maison de Prévert, s’exclamèrent-ils ! Est-ce de la provocation à l’égard du poète ? Une atteinte à sa mémoire car, comme tout le monde le sait, Prévert était un iconoclaste notoire ? Ce ne pouvait être que pure imagination !
— Ma perspective vous étonne ? répondit Estelle avec complaisance. J’ai voulu peindre le décor en faisant passer le point de vue par le regard de l’ange. Intérieur et extérieur se complètent, se répondent sur la toile. Quand vous visiterez la maison – car vous reviendrez n’est-ce pas ? -, vous verrez cet ange en bois polychrome suspendu à une poutre. De là, il veille sur la paix studieuse du salon. Sa présence peut paraître étrange, mais les chemins de la réceptivité passent par l’acceptation de la présence insolite d’un objet, quel qu’il soit et où qu’il soit.
« L’ange dans cette maison détone, il rompt quelque chose, il dérange, quand on sait les prises de position anticléricales du poète. Voyez-le comme un clin d’œil malicieux à la vie, aux idées des hommes… comme un paradoxe. Mettez cet ange dans une chapelle ou imaginez-le en figure de proue, il devient banal, mais là, c’est de l’art, du grand art !
« Ce n’est pas le putto qui est important, mais sa symbolique. Si vous enlevez l’ange, il aura toujours sa place dans l’espace où il était auparavant, il ne la quittera plus. Vous lui avez accordé le droit d’être, il ne l’oubliera jamais, que ce soit dans la clarté du jour ou dans l’obscurité. Et sur ma toile ce sera pareil. Vous avez remarqué cet ange, mais je vais le recouvrir de peinture, il sera toujours là, on devinera juste sa présence. C’est lui qui m’a permis de construire le tableau, mais il s’effacera et son absence deviendra espace de liberté. Une absence, comme un silence dans un environnement bruyant, comme un vide dans la profusion des choses, un vide qui accrochera le regard, provoquera la question, je l’espère.
« Bon, je vais cesser de m’exalter au sujet de cet être “ange”, dit Estelle, et elle porta son attention vers le portail. Avez-vous remarqué combien cette petite route de campagne, devant la maison, est étonnante ? Voyez cet âne qui passe sans être accompagné !
Ses interlocuteurs eurent à peine le temps de se retourner que l’âne s’était déjà envolé et qu’on entendit braire un coq.
— C’est pré vert ici, et langue de poète ; rien ne doit surprendre !
… « 

 

Nouvelle 3 : Pauline ou le cri
Synopsis :
Adrien, 23 ans, laisse derrière lui les années d’étude. Il est sur le point d’entrer dans la vie active. Un ami peu scrupuleux, qui a sollicité son aide, va le trahir et de ses projets il ne restera plus rien. Adrien est désemparé. Un cri dans la nuit va le sauver.
Un extrait :…
« … Cet état, il le traîne en effet depuis longtemps, il se souvient du jour, pas si lointain – c’était la semaine précédente – où, après des démarches infructueuses pour trouver du travail dans la capitale bretonne, il rentrait chez lui, ignorant les personnes qu’il croisait. Son moral n’était déjà pas merveilleux, et la brume, la même que celle d’aujourd’hui, était comme une bulle où il entassait les idées noires. Il en voulait à son père qui lui mettait tant la pression… la révolte, il la ressentait avec l’intensité de l’adolescence, et pourtant il croyait avoir dépassé l’âge d’éprouver de tels ressentiments… il rejetait la responsabilité de ses difficultés sur ses parents, toujours trop présents, trop aimants. Il se souvint des paroles de son oncle, il lui avait dit qu’on ne peut juger à l’aune d’aujourd’hui les actes des générations qui nous ont précédés. Chacun doit faire face et trouver des réponses aux nécessités et aux contingences de son époque.
Des réponses… il aurait aimé pouvoir en trouver ! Il se serait contenté du bout du nez d’un semblant de réponse. Mais rien… il était coincé dans sa toute jeune vie et le pire était à venir, il ne savait pas que lorsqu’il allait enfin pouvoir sortir du long tunnel des années d’attente, au moment où il allait devenir l’acteur de sa vie… tout allait lui échapper… « 

 

Nouvelle 4 : Un dimanche en Pays de Brocéliande

Une nouvelle courte qui condense toute la magie de la Bretagne. Je ne mets pas d’extrait pour ne pas entamer la magie du texte.

 

Nouvelle 5 : Amour et mandala

Une histoire d’amour dont voici un extrait :

« Les quatre malfaisants n’étaient autres que des retraités un peu poivrots et franchement teigneux qui venaient taper la belote au bar. Pas un jour sans qu’ils y soient, toujours installés à la même table, celle qui leur permettait d’interpeller facilement la barmaid tout en gardant un œil sur la porte, ceci afin de ne rien manquer des entrées et de saisir tous les faits et gestes des habitués. Ils jouaient un drôle de jeu ; c’était à celui des quatre qui saurait balancer la parole la plus provocante, la réplique la plus mordante. Les sarcasmes fusaient, les sous-entendus propageaient leur fiel dans les propos en apparence anodins. Ils savaient repérer les travers de chacun. Le client, par principe suspect, était jaugé, détaillé en moins de temps qu’il n’en faut à la gendarmerie pour contrôler nos papiers. Pierre-Yves était devenu leur bouc émissaire et ils n’ignoraient pas la raison de sa présence au bar. Sur lui, ils exerçaient leurs talents de persiflage, ils ne manquaient pas une occasion de le railler, avec délectation. Une façon de le rabaisser aux yeux de sa belle. Ah oui, il ne passait pas inaperçu ! On pouvait entendre dès qu’il passait la porte du bar :

— Il a bien pédalé, le beau gosse ce matin ?

— Faut voir ses mollets ! C’est un sportif, le gars !

— Eh, tu ne te préparerais pas pour le Tour de France, par hasard ?

— Y ferait mieux de se déclarer, ce benêt. N’est-ce pas, Abigail !

— Atout cœur, renchérissait Momo, le plus pervers de la bande.

— C’est pas à toi de mettre atout, Momo !

— Pas de ma faute. C’est Poulidor junior qui m’a distrait !

Il en allait ainsi à longueur de journée. Quand un client de passage venait à s’aventurer dans leur salle les commentaires redoublaient. Il fallait que ce nouveau venu sache que le gamin était la risée de tous. C’était pure charité chrétienne que de le mettre dans le secret. L’étranger était pris à témoin et s’il ne montrait aucun signe d’agacement, son silence devenait une preuve d’acquiescement. D’une manière ou d’une autre, il participait au lynchage du malheureux…»

 

 

Nouvelle 6 : Au-delà des cauchemars
Synopsis : Une femme accompagne sa grand-mère lors d’un moment difficile dans la vie de son aïeule. Elle écoute les souvenirs qui remontent, les comprend, devient, bien involontairement l’instrument d’un étrange échange.
Extrait :
« Camille se demandait à quoi pouvait bien penser sa grand-mère, il lui semblait, par moments, lire de la colère dans son regard. Colère d’une mère qui aurait souhaité une vie tellement différente, qui… attendait tant de ses enfants, mais eux étaient incapables de répondre à ses attentes. Ils ont passé une vie à s’arracher l’amour d’une mère toujours insatisfaite, à essayer de lui prendre des faveurs matérielles, à se déchirer entre frères, parfois ils en venaient aux poings.
Durant la célébration, Eugénie a versé quelques larmes. Étaient-elles destinées à Daniel, ou était-ce des larmes d’apitoiement sur son propre sort ?
Quand la célébration fut terminée, comme elle l’avait annoncé, elle demanda à sa petite fille de partir. Curieusement, elle semblait soulagée et elle avait retrouvé l’usage de la parole. Elle proposa à Camille un repas au restaurant avant que celle-ci ne la raccompagne chez elle. Eugénie se montrait gaie, était-elle simplement heureuse d’être avec sa petite-fille ? Rien ne différenciait ce repas de ceux que la grand-mère et Camille s’accordaient une fois par semaine. Un moment bien à elles où elles se faisaient mille confidences… « 

 

Nouvelle 7 : La demoiselle de Saint-Just
Synopsis : Je ne dirai rien de plus ; une immersion au cœur de la Bretagne.
Extrait :
« … Marion vit que la cruche était vide. Elle décida d’aller chercher de l’eau au puits.
Elle se glissa sous la partie basse de la porte et le vent d’hiver s’engouffra dans la pièce.
Le seau, pourtant vide, était bien lourd pour elle, son bois frottait contre ses mollets. Arrivée au puits, elle se pencha par-dessus la margelle car il lui sembla entendre une voix, la voix de sa mère.
— Maman ! cria-t-elle, surprise.
Le vent soufflait plus fort, couvrant les voix. Pour mieux entendre, l’enfant se pencha davantage. Elle perçut distinctement :
— Va dire à la fille de ta fille, qu’elle aille dire à la fille de sa fille qu’elle apporte le pain au four !
Elle se recula d’un bond et vit, en face d’elle, sur le bord du puits, un lutin au visage caché par les larges bords de son feutre. Le regard affolé de la fillette chercha un repère rassurant autour d’elle, elle vit filer un lièvre… et quand ses yeux osèrent revenir au puits, le lutin avait disparu. Elle resta momentanément pétrifiée jusqu’à ce que la panique s’empare d’elle et qu’elle détale, à toutes jambes, laissant le seau sur place. Elle s’affala au milieu de la cour de la ferme, se releva sans prêter attention à son genou écorché. C’est une Marion tout essoufflée qui poussa enfin la porte de la maison et se précipita près du lit clos. Le crucifix était bien là, planté au milieu du mur ; elle était sauvée ! Elle s’agenouilla et commença à réciter les prières qu’elle connaissait par cœur. Cette litanie la calma, elle put s’adresser, avec ses mots d’enfant, à son Seigneur du ciel, le seul capable de la protéger de la sorcellerie dont elle avait été le témoin.
— J’ai pas été mauvaise, dis ? Je suis bien allée à la messe et même aux vêpres dimanche ! J’veux pas être transformée en pierre comme les Demoiselles. J’ai peur dans la lande toute seule, les ajoncs sont piquants et j’ai besoin de ma maman. Où est maman ? Dis, elle n’est pas tombée dans le puits, au moins. C’est pas elle qui m’appelle. J’veux pas aller dans le puits. J’veux ma maman. Maman ! Maman !
Marion était une enfant remuante, un vif-argent comme disait sa grand-mère. Une petite fille qui aimait qu’on lui conte, encore et encore, la légende des demoiselles de Cojoux, ces jeunes filles qui avaient fauté et que la colère divine avait transformées en pierres levées. Entendre cette histoire était inquiétant, certes, mais Marion aimait frissonner en l’écoutant. Elle prétendait ne pas craindre ces sortilèges car elle affirmait, crânement, ne pas redouter le diable qui pourrait toujours courir pour l’attraper. Comme elle aurait aimé, si on ne le lui avait pas interdit, vérifier par elle-même son courage, en sortant dans la lande quand le ciel, noir comme le cul d’un chaudron percé, lançait ses éclairs et faisait virer les schistes au mauve ! Les adultes avaient-ils raison de la prévenir des dangers de ce monde et d’un autre, encore plus obscur ? Elle commençait à le croire.
L’heure était venue pour Marion, en l’absence de ses parents, de découvrir le charme inquiétant de Saint-Just, cet espace sacré que les hommes ont chargé de leur présence depuis le Néolithique. La lande regorge d’esprits et de maléfices, autant qu’il y a ici d’ajoncs d’or, de schistes bleus, de grès rouge, de poudingue, de filons de quartz, tous en parfait accord quand il s’agit d’animer le paysage et d’enflammer les imaginations.
Kador, le chien, s’approcha doucement de l’enfant, il avait compris le désarroi inhabituel de sa maîtresse. Il lui léchait le visage en geignant comme s’il voulait absorber la tempête de ses larmes. Marion, cette fois-ci, était insensible aux attentions de son fidèle compagnon. Elle n’était qu’une petite fille submergée par l’angoisse et secouée de pleurs incoercibles. Seuls les bras de sa maman auraient pu la calmer.
Le chien, impuissant face à ce chagrin, se mit à hurler à la mort. Ces chants de détresse, pleurs et hurlements mêlés, attirèrent une voisine qui s’en revenait, du moulin de l’Étang du Val, par le sentier.
— Mais que se passe-t-il dans cette maison ! dit la brave femme… « 

 

Nouvelle chronique sur Rose Garden

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Cette chronique a été écrite par Chris Lilac que je remercie.

Vous pouvez la lire sur son site :

http://lilacgrace.wordpress.com/2014/10/04/rose-garden-carmen-pennarun/

 Sinon, voici le copié-collé de cette critique :

 L’HISTOIRE

Carmen Pennarun vit en Bretagne, elle sait capter la saveur d’instants magiques qu’elle traduit en poésie ou en histoires, aussi délicates que troublantes.
Avec Rose Garden elle s’adresse aux lecteurs adultes en sept nouvelles qui, de Boston à Brocéliande, en passant par la Normandie, les emmènent dans un univers aux frontières du fantastique.
Tous ces signes qui jalonnent l’existence et auxquels les « anciens » étaient attentifs, « sommes-nous encore prêts à les entendre ? », interroge-t-elle.
De cette écoute, de cette faculté à nous laisser surprendre dans un monde où le progrès, souvent, nous dépasse, où la jeunesse se cherche, peut dépendre la courbe d’une vie, quand on permet au merveilleux de s’y glisser.

MON RESSENTI

Un recueil de nouvelles très surprenant car on passe d’un univers bucolique à un univers fantastique, d’un paysage de Bretagne à un paysage américain. J’ai aimé me plonger dans les multiples univers, découvrir les ambiances propres à chacun.

L’auteur a une écriture fluide et poétique à laquelle j’ai vraiment adhéré.

Lire Rose Garden c’est l’assurance d’un bon moment de lecture bien loin des tourments de ce monde qui ne tourne plus très rond depuis quelques temps, c’est aussi l’assurance de lire des textes de qualité et de ne pas s’ennuyer. J’ai aimé la poésie avant chaque nouvelle, posée là comme un préambule à la nouvelle.

Les différents personnages sont tous attachants à leur manière et j’ai éprouvé beaucoup de sympathie pour certains d’entre eux. J’ai voyagé et j’ai même pu sentir les embruns de la Bretagne chère à l’auteur.

Je suis sortie de cette lecture calme, posée et le sourire aux lèvres. Un bol d’air frais nécessaire et salutaire, un livre qui mérite d’être connu.

VERDICT

Offrez-le vous ferez des heureux et offrez-le vous parce que vous le méritez… A conseiller aux amoureux de poésie et d’évasion.

La nativité

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La nativité,

quand le corps devenu berceau,

se prête à l’éclosion de la vie,

la femme, toute à la possession d’amour,

entrevoit une perte, inestimable, celle de sa propre enfance.

Etrangère à sa chair, tout lui devient étrange,

dans la déchirure d’une naissance, dans l’abondance d’un lait, dit nourricier

Les fibres de son être, stimulé à l’extrême, hors de son contrôle,

accélèrent leurs vibrations jusqu’à atteindre l’amplitude maximale

du don de soi. Le corps mute à ses risques et périls. Le corps s’emballe

 

On ne soupçonne pas la portée de cette éclosion,

elle déborde des apparences,

transcende la dimension corporelle.

Tandis que les bras enlacent le nouveau-né,

le cœur devine qu’il aura à se dilater, encore.

De jour en jour, d’année en année. Petit à petit,

il libèrera l’étreinte, dans l’acceptation de l’œuvre

du temps et la complicité de l’espace.

 

La mélancolie déferle par vagues sur les rives de la conscience intuitive,

jusqu’à ce que l’âme, à son tour, repousse les horizons.

Comme le corps engendre la vie, l’âme accompagne la croissance de l’enfant.

Elle demeure légère, car Cronos, son allier, lui permettra d’affronter

les inévitables, petites ou grandes, séparations futures.

Les épreuves seront comme des pas japonais dans la neige des lendemains, à franchir à cloche-pied.

Oui, à cloche-pied et le cœur léger, car seul le présent, dans la bulle des complicités quotidiennes, compte.

 

Naissance et mort parfois se liguent… on n’entend aucun cri, seul un silence

où la lame affûtée du destin rompt ses promesses. Une porte se ferme, un escalier est subtilisé.

Mais il n’y pas de porte et l’escalier s’est éboulé.

La conscience ne peut fuir la réalité, qu’elle doit accepter de regarder.

On se retrouve stupéfaite devant le vide. Inutile. Ceux qui nous aiment nous regardent angoissés; ils ne comprennent pas.

La raison, on la garde pour eux, même si leur amour ne peut se mesurer à l’absence.

La nature-mère préparée à la profusion doit calmer son flux.

L’expansion de tendresse après avoir chuté dans un abîme de détresse, reprendra son ascension vers un espace que l’intelligence humaine ignore.

Le chagrin s’ouvre ensuite sur la révélation de la présence aux autres,

et sur le don du bonheur souhaité, à chaque être croisé (surtout s’il vit la joie qui nous a été refusée).

 

Enfants,

où que vous soyez, c’est d’une maternelle caresse que mes pensées vous délient.

Dans la proximité de l’amour, je me réjouis de savoir que vous vivez, comme vous l’avez choisi, là où vous avez décidé de vous fixer.

Quelque part les racines se rejoignent.

Toujours.

 

Erin (Carmen P.)

Pour Fiona

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Pour Fiona

 

5 janvier

 

elle était fille

ange à la vie dérobée

froide comme l’hiver

 

Par l’aiguille amniotique

d’un amour incertain

s’est creusé le bulbe

où l’esprit paraissait

 

Aspiré le verbe

de ce corps flotté

et la douleur — seule

face au silence

figée

 

Entre sommet et gouffre

la poésie s’emmêle

éblouie par la mort

elle contemple l’en-terre

 

C’est l’argile qui s’enferre

sur des rails  disloqués

où la voix d’une enfant

plie au silence intimée

 

 Erin (Carmen P.)

Turbulences

Les mots cognent en caisse de résonance, ils s’entrechoquent  jusqu’à l’éclatement

de la conscience. La plèvre comme un voile se soulève, et les idées décollent

courent au-delà des zones d’intelligence. Elles trompent mon indifférence —

le calme olympien où je me réfugie. Ma terre est trop basse, elle offre les berges

de sa ville d’eau. Même si je ligature tous les canaux, les points serrés deviennent 

les piliers des ponts où s’enlacent les muses. Leurs facéties ont la turbulence des enfants.

Est-ce que je les aime autant qu’eux ?

 

Carmen P. (Erin)

 

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