Chronique de « Nuit celte, land mer »

Couverture Nuit celte, land mer - Copie

Voici le lien vers une chronique de L’Ecritoire des Muses. La note sur le recueil de poésie « Nuit celte, land mer  » a été réalisée par Annie Forest-Abou Mansour.
J’espère que ceux et celles qui ont lu ce recueil y retrouveront leurs impressions de lecture.

http://lecritoiredesmuses.hautetfort.com/archive/2016/05/07/nuit-celte-land-mer-5798931.html

(si le lien n’apparaît pas je le remettrai en commentaire)

Comme je ne parviens pas à mettre le lien, voici le copié-collé du texte :

Les côtes d’Armor, Brocéliande, l’Océan, l’œuvre de Dariusz Milinski, des univers oniriques, sources d’évasion, de bonheurs fugitifs ineffables, d’inspiration à travers lesquels tout un développement, à la fois symbolique féérique et réaliste, immédiatement sensible perle dans le recueil de poèmes Nuit celte, land mer. L’écriture ailée, vaporeuse de Carmen Pennarun fait vibrer les sensations les plus ténues, mêlant couleurs, fragrances et sons. L’intensité éclatante du silence (« dans un silence à briser / la confiance du cristal ») parfumé, (« silence camomille ») met en valeur les bruissements les plus ténus de la nature, « clapotis », « voix de la mer », qui « infuse le son / vert dans le silence ».

Les plaisirs et les bonheurs fugitifs nés dans la nature saisissent l’essence des choses, la cristallisent dans une contemplation permettant l’accès à l’éternité, déployant une transfiguration quasi mystique du monde. La nature, lieu de refuge, faune et flore liées, devient bijou fragile et léger : « Etoiles sur lande /perlées de gouttes de pluie / œuvres d’araignées ». Arbres et plantes, sources de vie, d’oxygène, vivifient « les hommes affaiblis par la vie ». L’arbre, végétal au cœur de vieux sage « offre ses ramures en prière ». C’est un solide ami, toujours grandiose et majestueux jusque dans la mort, « Alors nous verrons ce monument / accoudé au sol une saison ou plus / tel un grand phasme végétal / – sa vie en suspens refusant l’affalement – / tenir la pose, constant dans sa gravité ». Il apporte la paix : « Le safran d’un geste respectueux endigue la haine ». La nature constamment personnifiée avec délicatesse et élégance (« (…) dans la nudité d’une présence qui offre son espace à la robe nature d’une nébuleuse verte » ») permet à l’homme de retrouver son authenticité, son humanité : « Le nichoir est un don, une boîte à rêves humains, que l’oiseau accepte parfois pour ramener l’homme à son humanité (…) ». La nature fait surgir de chacun de ses coins les plus secrets des apparitions enchanteresses permettant d’oublier un instant « les gifles du temps », la nostalgie qui souffle dans le cœur de chacun.

Dans des poèmes qui ont abandonné les rimes et la ponctuation, les syllabes féminines introduisent les phrases dans une sorte de lenteur et de points d’orgue, les sons masculins créent des échos dans lesquels la vie s’épanouit à la faveur de synesthésies parfumées, colorées, vibrantes : « L’étamine d’un frisson / s’envole d’aiguillon / d’une effluve améthyste / où vrombit le bourdon / la glycine hausse le ton ». Les mots rares, pittoresques, la pureté des images sculptent le réel dans un refus de la pesanteur. Les poèmes de Carmen Pennarun, – poèmes en vers libres, poèmes en prose, haïkus, – sont tout en légèreté vaporeuse, délicate et élégante comme l’aquarelle de la couverture du recueil. Ils disent le plaisir d’écrire et invitent aux joies de la lecture.

Annie Forest-Abou Mansour

Le nid

 

mariana kalacheva.

Peinture : Marina Kalachara

 

L’amour tissé d’osier se nidifie autour de la famille

mais c’est au coeur de la vie de chacun qu’il s’installe

et quand, un jour, les ailes – inévitablement – emportent

les fils et les filles vers les courants d’ailleurs auxquels

ils aspirent, c’est par le simple don de la confiance

qu’ils parviennent à essaimer – en retour – l’énergie

qui les habite… et le nid jamais ne se vide

tant que palpite encore un soupçon d’amour

car toute vie ne s’entretient que par le feu

dont chaque visage révèle le flambeau…

… laissons-nous bercer dans la coque de noix

que nous offre le vie, celle que nous rêvons

à chaque instant et que la Terre façonne

au gré des émotions qui nous traversent

 

Un penchant d’éternité tend à stabiliser

le curseur sur la terre vierge des possibles

le ground zero où se renouvelle sans cesse

l’assurance d’être enfant aimé par existence !

 

Carmen P.

L’enfant silence

Cette enfant silencieuse éveillera peut-être plus d’intérêt que la chanson précédemment partagée.

enfant et poule

elle est toujours aussi silencieuse
mais sa présence demeure grâce – aux cieux
elle témoigne d’un mouvement perpétuel
que l’amour sans cesse renoue d’elle
cette enfant qui nous veille portant un regard
de rêve comme doublure sur notre réel

elle est la vie à laquelle l’imaginaire
maternel refuse d’accorder son oubli

elle est le pardon qui se tend confiant
depuis l’outre-monde et enfante
nos évolutions familiales

.

Carmen P.

car la nuit sera bleue

 

nuit bleue avec Killian

 

L’enfant devenu grand

interroge la nature

car la nuit sera bleue

quand des larmes du jour

tomberont les mémoires

il faut tendre jouvence

aux parents tonnerre

et couver le pardon

d’un duvet d’innocence

laisser les beaux coups

d’indocilité

édifier notre fougue

la fuite n’est qu’illusoire

la paresse n’a pas sa place

ainsi la vie nous entortille

fredonnant en spirale

l’ascendance de son chant

et c’est m’aille que m’aille

qu’elle nous y implique

.Carmen P.

 

Dans l’arène de la vie

 

Laura Daligan

 

Le taureau dans l’arène

à chaque coup bat de l’aile

la muleta est trempée du sang

versé par ces jeux barbares

qui depuis des générations

à perpette charrient bêtise

 

Le poète est présent

perdu dans ses sensations

frère des âmes- totem

qui crient détresse

 

On ne voit que du rouge

et un habit de paillettes…

le son de l’être se répand

sur la foule hystérique

quand l’estocade finale

arraisonne la souffrance

 

Le poète est au cœur

de l’arène quand il porte

les couleurs de la haine

en mode trouble

 

le cirque est de granit

à ciel ouvert ou se voûte

végétal, le cirque est partout…

et l’aile blanche de la colombe

emporte la robe noire tâchée

par des pacotilles de cruauté

 

Le poète est en somme

martyr car la passion le blesse

il ne donne que ses soupirs

en mode tendresse

 

Carmen P.

(illustration Laura Daligan)

Emily Dickinson

 

Emily Dickinson 2

Si je ne devais dire qu’un nom parmi les poètes que j’aime je citerais Emily Dickinson dont je vous copie deux poèmes extraits du recueil « Car l’adieu, c’est la nuit ».

 

Poème 358

Peut-être étais-je trop gourmande

Il me faut — des ciels à tout le moins —

Car les Terres, foisonnent autant

Que les Baies, dans ma Ville natale —

 

Mon Panier ne contient — que — ses Firmaments —

Ceux-là — à mon bras — aisément se balancent,

Quand de moindres ballots sont — Accablants.

 

Poème 598

Le Cerveau — est plus spacieux que le Ciel —

Car — mettez-les côte à côte —

L’un contiendra l’autre sans peine —

Et vous — de surcroît —

 

Le Cerveau est plus profond que la mer —

Car — tenez-les — Bleu contre Bleu —

L’un absorbera l’autre —

Comme l’Eponge — l’eau du Seau —

 

Le Cerveau a le poids exact de Dieu  —

Car — Pesez-les — Once pour Once —

S’ils diffèrent — ce sera comme

La syllabe et le Son —

 

Emily Dickinson

 

Quelques instants

photo : Lizzy Gadd

photo : Lizzy Gadd

Les instants se succèdent, impriment leurs sensations sur le tableau de nos mémoires. Voici quelques impressions, un peu en vrac, beaucoup en liesse, toujours cueillies au plus près d’un frisson buissonnant de poésie.

Le conscient endormi

repousse l’inconscient

– il trouble son sommeil –

Le monde des songes

ne s’ouvre qu’aux anges.

Se laisser porter par le fauve du jour. S’abandonner quand rien ne paraît vraiment nécessaire. Laisser à l’intérieur tous ces poèmes étalés comme autant de jupons inutiles. Fanfreluches jaunies sur lesquelles la poudre azurante n’opère plus aucun miracle, d’ailleurs leur  dentelle ne découpe que la grisaille. Passer du froid à la douceur presque printanière ramollit la terre… chaussons nos sabots et privilégions  la nature, préférons la boue des chemins à ces mots qui ne se tissent que dans le mental.

Les édifices que les saisons assaillent
désolent ma vision des ordonnances humaines
mais lorsque la marée se charge d’une épave
elle ponce la coque autant que mes humeurs
dans l’ensablement méthodique de l’œuvre vive

Et si la poésie n’était que l’enfance d’un regard
effleurant le fond de l’insondable qu »elle désire
après une lente gestation de la pensée ?

J’ai temps chaviré
les saisons du corps
J’ai temps décillé
les cimes du ciel
que l’espace se défait
de sa brume de chanvre
et m’envoile de ses brins
aux penchants dits sauvages

 

(impressions à la pointe du Grouin)

La vague bondit
aux genoux de la falaise
elle reste de pierre

L’eau coeur que le vent enfle
jamais n’atteindra sa face

(Envie de douce harmonie)

Rien de plus précieux
que les instants faits mains
à suspendre au bouton de la porte
avant d’ouvrir – grand – la maisonnée
au vent fleuri du dehors embrassé

 

Carmen P.

 

Les sourires d’eau

Gabriel Moreno

 

L’instant est à l’émerveillement

pour peu qu’on s’y arrête

Ne laissons pas le charme s’épuiser

entre nos doigts tentons de saisir

– comme l’enfant joue d’un filet d’eau –

le fluant…

Laissons la caresse du moment

feindre la paresse

et le feu ludique du sentiment d’être

déposer du rose sur nos joues

parfaites

.

Le bonheur jamais ne dure

le malheur pas davantage

quand passe la tristesse

nous remplissons notre coupe

pour y noyer notre amertume

dans la boue de sa céramique

poreuse

parfois nous prêtons l’émail

d’une porcelaine fine

à la pureté d’une eau vive

la lumière (alors)  paillette notre coupe

jusqu’à la glaçure

.

La légèreté est une broderie

qui transfigure le jour

elle est illusion

regardons du même œil

l’eau claire et l’opaque de la vie

qui coule…

Gardons la voix cristalline

pour chanter la joie

quelle que soit l’instant symphonique

qu’il nous plaise ou non

 

D’un filet comme l’enfant

laissons nos sourires d’eau

émoustiller nos papilles

.

Erin (Carmen P.)

 .

Carmen P.

(illustration : Gabriel Moreno)

Les goémoniers

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Reflet d’hier

une simple photo du  Koréjou Plouguerneau

où l’on voit une scène du  traditionnel

ramassage du goémon sur nos plages bretonnes .

 

Reflet d’aujourd’hui

un drame diligenté par  l’obscurantisme

a brisé le miroir où le temps présent

réfléchissait son bonheur de vivre

.

La photo du passé entre les mains, le sang démonté par la révolte

.

Je trouve cette image apaisante

La nature à l’aube nouvelle

fidèle à son propre mouvement,

réinventait la  lumière

Le froid cependant figeait mon humeur

Accepte la lumière !

.

Je trouve cette image apaisante

Elle m’enveloppe d’une douce vibration

La chaleur liée à la proximité des hommes

absorbés par la tâche commune

défie toutes les menaces

.

Cette image d’une inflexible réalité

me cheville, malgré le froid, au désir de lumière

Les empreintes des vies au coeur de ma mémoire

chaussent leurs sabots et talonnent mes résistances

.

Erin (Carmen P.)

.

photographie Jean-François Michelet