Méditations face à la mer

Poing fermé / Main ouverte

Les mains, sur ce tableau de Dali sont remarquables. Souvent on ressent (de l’intérieur) tant de crispations dans nos mains, qu’elles soient ouvertes ou fermées !… à tel point que la position de relâchement paraît contre-nature – c’est dans cette position, pourtant, qu’elles se révèlent belles et apportent la détente autant au mental qu’au physique. Je me demande, si le fait de prendre conscience de cette relaxation ne permettrait pas, ensuite, de serrer les poings avant de passer à l’action plus efficacement ou d’ouvrir nos mains au monde plus généreusement.

***

C’est peut-être la mer
ou un cheval sans queue ni tête
un massacre en mouvement

***

sur le front de la dune
plus aucune mèche blonde
ne dévore le soleil ni ne court au vent
la vie a retiré toutes les promesses
qu’une marée d’amour avait dispersées
sur le sable en folie. Ne résonne plus – Entends !
la retombée des grains sur la conque du coeur
car toujours la mer s’obstine à embrasser la plage
et s’apprête à la blessure____que le temps remue
que le temps affine jusqu’à la brisure minuscule

***

si j’allais
sans me soucier de rien
pieds nus vers ce qui advient
donnant tout pouvoir à l’instant
les paupières en ailes de papillon
et le coeur à la pointe des orteils
si j’allais
suivant les caprices du temps
ou bien ceux de l’ennui
découper en mappemonde
la dentelle de mes jupons

 

***

Au fond de l’âme

l’esquisse d’une vague

interdite à déferler

sur la promesse de l’aube

 

Les baisers suspendus

au-dessus des reflets

de chair, le regard

derrière les paupières closes

tout concourt à  la solitude

quand la planète stupéfaite

semble suspendre sa course

face à l’index de granite

qui ne lève pas mot

 

elle se réveillera

douloureuse

ardente

 

danse sa géologie cosmique

 

 

***

L’impact du tournesol

Il se berce en mon coeur
un semblant de bonheur
que seul l’amour stabilise
quand l’étreinte devient triste

*

Lorsque tout devient gris, j’imagine l’impact magnifique d’une fleur de tournesol se détachant dans un ciel d’été. Le monde est bleu, pareil aux yeux de l’enfance qui lavent les plaies de la Terre. Le monde est rond comme tout ce qui ne retient de la vie que ce qui roule…

*

Toutes ces conditions misérables
n’empêchent pas l’explosion de la vie…

Elle s’est pourtant aventurée ici,
se perchant au plus haut du sanctuaire,
puis elle s’est envolée ailleurs
– déchiré, le voile de nos utopies !

On savoure l’euphonie de quelques instants
quand tout s’imbrique harmonieusement
et puis, surviennent la cacophonie, les tourments,
tant intérieurs qu’extérieurs… la moindre vibration
nous arrache des cris de supplicié.
Est-ce la vie qui nous trahit
ou est-ce nous, qui ne nous aimons pas ?
Pas assez pour croire au pouvoir
de jaillissement de la joie, qui un temps,
ne nous est plus perceptible.

C’est la vie qui nous transperce
laissons le champ libre, à l’envie,
à partir des pentes de notre solitude
qui invente ses sentiers d’existence
et croise des solitudes parallèles
dans une réel aux géométries
fantasmagoriques
en recomposition
permanente.

*

On peut saisir, par temps de solitude, le reflet d’un ange dans une flaque de pétrole… Malgré le noir venu mazouter les oeuvres blanches que le temps dégrade, surgit, quelquefois, un liseré chahuté par une vague improbable. Il vient déposer son offrande de lumière aux pieds du vagabond de l’âme.

*

Le désir est noble qui fait descendre les étoiles sur Terre.
Le désir s’égare lorsqu’il substitue des montagnes d’acquis à la plénitude.
Seul l’Amour transforme le vide intérieur en jardin d’Eden
pour peu qu’on lui accorde droit de passage, sans qu’on le retienne,
et il coulera, irriguant l’enclave du cœur, jusqu’au chant, libre.
Le diapason du corps laisse percevoir une vibration
à l’angle aigu de la douleur qui se laisse En tendre.

.
Carmen P.
Peinture, Emil Nolde

Quelques instants

photo : Lizzy Gadd

photo : Lizzy Gadd

Les instants se succèdent, impriment leurs sensations sur le tableau de nos mémoires. Voici quelques impressions, un peu en vrac, beaucoup en liesse, toujours cueillies au plus près d’un frisson buissonnant de poésie.

Le conscient endormi

repousse l’inconscient

– il trouble son sommeil –

Le monde des songes

ne s’ouvre qu’aux anges.

Se laisser porter par le fauve du jour. S’abandonner quand rien ne paraît vraiment nécessaire. Laisser à l’intérieur tous ces poèmes étalés comme autant de jupons inutiles. Fanfreluches jaunies sur lesquelles la poudre azurante n’opère plus aucun miracle, d’ailleurs leur  dentelle ne découpe que la grisaille. Passer du froid à la douceur presque printanière ramollit la terre… chaussons nos sabots et privilégions  la nature, préférons la boue des chemins à ces mots qui ne se tissent que dans le mental.

Les édifices que les saisons assaillent
désolent ma vision des ordonnances humaines
mais lorsque la marée se charge d’une épave
elle ponce la coque autant que mes humeurs
dans l’ensablement méthodique de l’œuvre vive

Et si la poésie n’était que l’enfance d’un regard
effleurant le fond de l’insondable qu »elle désire
après une lente gestation de la pensée ?

J’ai temps chaviré
les saisons du corps
J’ai temps décillé
les cimes du ciel
que l’espace se défait
de sa brume de chanvre
et m’envoile de ses brins
aux penchants dits sauvages

 

(impressions à la pointe du Grouin)

La vague bondit
aux genoux de la falaise
elle reste de pierre

L’eau coeur que le vent enfle
jamais n’atteindra sa face

(Envie de douce harmonie)

Rien de plus précieux
que les instants faits mains
à suspendre au bouton de la porte
avant d’ouvrir – grand – la maisonnée
au vent fleuri du dehors embrassé

 

Carmen P.

 

Désescalade

 

 

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Désescalade

 

 

Elle descendait l’escalier avec prudence

et s’arrêtait souvent pour savourer l’instant

 

Par-dessus la terre les bonheurs attendaient

qu’elle les cueille — parfois, elle se laissait surprendre

car la vie se dépelotonnait trop vite

subtilisant des marches……. elle menaçait

de lui faire perdre pieds

 

Inéluctable chute 

 

C’est sur le velours du sol

que s’épanouissent les fleurs

et dans le ciel qu’elles éclatent

en tesselles et bouquet final

puis elles retombent en pétales

 

À chaque palier plus dépouillée

elle dégrafait ses oripeaux

tuile après tuile effeuillée

et le cœur enfin à nu

 

 

Carmen P. (Erin)

Vieille colère et tournesol

 

Vieille colère et tournesol

 

Un cœur agile crée toute chose

en son argile se modèle la vie

autour d’une colonne l’étau

se resserre

dans les thorax aux barreaux soudés

se disloque la vie

le monde intérieur bande son arc

ses flèches transpercent les chairs

élancent la douleur

– les  colosses voisins s’effondrent –

dans un silence-camomille

la tristesse se réveille

joyeuse

 

et la rage déserte. Personne

ne la rattrapera. Aube légère.

 

 

*