L’arbre d’eau
poésie d’une péniche
ainsi nommée
.
de Rennes à l’écluse du Boël
elle s’offre une escale
à Pont Réan où elle décide
de virer de bord
d’une lente manoeuvre
.
spectacle sur les berges
car la belle prend
la largeur de la Vilaine
.
je me suis souvenue
de Gigi Bigot
une conteuse que j’avais vue
avec mes petits élèves
.
la cale de rouge tendue
bruissait des rires
que la parole nomade
confiait aux âmes
jeunes puis elle filait
sur l’eau berçante
comme une matrice
.
les souvenirs sont étoiles
et l’enfance est un Art
qui les engrange toutes
*
*
n’être qu’une seule fois
moi toute entière
chair et eau
lumière et mots
.
libérée de la sécurité
amniotique. Loin
du giron de la douceur
où se noie la confiance
.
shame on me quand plane l’ombre
de l’aile d’un rapace dont je suis la proie
confondue
.
ne plus cacher mon visage
dans le creuset de mes mains
laisser le ciel inonder mon âme
.
il y a bien assez de sel sur Terre
je me refuse aux leurres de surface
.
mon coeur est une vallée
où affluent les cours d’eau
venus disperser les poisons
dans le lit du sentimentalisme
.
l’amour guide ma navigation
dans l’originalité de mes mémoires
baignées du chant de l’univers
.
la marque de la honte doit s’effacer
afin d’ouvrir l’espace au poème
il fraie en eaux profondes
.
seul mon être réconcilié
avec mon moi m’aime
ose s’en approcher
.
et mes paroles ne s’alignent
sur les actes que s’ils sont en voie
de congruence
.
la musique d’une vie
se joue sur un clavier flottant
*
*
je pense à vous, saisons,
ô vase fragile de l’instant
dépêché, quand l’hésitation
laisse en suspens l’urgence
d’un affleurement
.
j’incline vers l’astre solaire
la courbe du jour – entre tumulus
et passeur d’eau
.
je vais d’une rive du temps
à l’autre
j’engrange tous les couchants
jusqu’à ce que lèvent d’autres promesses
vives comme l’aube
.
quand glissent lumières en ombrelles
et que jonquilles et iris retrouvent
leur chant tandis que grimpent les saveurs
.
en secondes d’éternité
.
Carmen Pennarun